Je réunis sur cette page les comptes-rendus d’expositions qui traitent des relations entre l’image et le son. Un thème de plus en plus souvent abordé.
Bâle / Riehen 6 octobre 2019
Fondation Beyeler: Resonating Spaces: Leonor Antunes, Silvia Bächli, Toba Khedoori, Susan Philipsz et Rachel Whiteread jusqu’au 26 janvier. En parallèle sont présentées les oeuvres de la collection Staechelin et de la collection Beyeler jusqu’au 19 mai 2020.
La Fondation Beyeler invite cinq artistes qui explorent l’espace par le son, l’installation, le moulage et le trait. Le paradoxe de sculptures immatérielles est développé par Susan Philipsz, alors que deux artistes, Silvia Bächli, Toba Khedoori, s’expriment par le dessin, les deux autres déclinent des formes très différentes d’expression dans l’espace: Leonor Antunes sature une grand espace de cordages, miroirs qui renvoient à des archives personnelles. Rachel Whiteread qui s’est fait connaître par un mode de travail moulant le vide réagit à une toile de Balthus en dépôt à la Fondation par une série de moulages reprenant des éléments architecturaux de la toile. Elle utilise du papier mâché coloré, plaçant sur le mur opposé à la toile ces blocs qui reprennent les volumes des fenêtres du bâtiment peint par Balthus. Par ailleurs un volume noir est installé dans l’espace créant un premier plan lorsque l’on regarde le tableau. Toba Khedoori réalise d’immenses dessins sur des papiers préparés avec de la cire, elle répète des éléments comme les fenêtres d’une façade, les grillages d’une clôture ou les chaises d’une salle de spectacle. Silvia Bächli trace des lignes au pinceau souvent aux limites de la feuille faisant le centre vide et suggérant d’autres espaces. Toutes ces oeuvres sont en relation avec les sons de l’installation de Susan Philipsz que l’on entend partout!
A signaler que le musée Tinguely présente l’oeuvre de l’artiste néozélandais Len Lye (1901 – 1980) qui fut un précurseur de l’usage du son dans les oeuvres du 23 octobre au 26 janvier 2020.
Paris. Musée de l’Orangerie: Debussy, la musique et les arts jusqu’au 11 juin 2012 évoque l’univers visuel du compositeur et par la même occasion, le milieu social dans lequel il évoluait, les goûts de ses proches. Elle met en valeur les collections du musée d’Orsay tout en étant complétée par des prêts. Les oeuvres choisies sont très belles et vont de Renoir à Henri Edmond Cross, Burne Jones, Maurice Denis, Vuillard pour terminer avec Kandinsky et Kupka. Une large place est faite aux arts décoratifs et aux collaborations du compositeur pour son opéra et les ballets qu’il créa. Le cercle artistique de Debussy comprenait le peintre Henri Lerolle et le compositeur Ernest Chausson. L’époque est celle de l’art nouveau et du japonisme. La nature fut une source d’inspiration sous la forme de noctures, marines, paysages, souvent par la traduction qu’en donnèrent les peintres. Les décors de Pelléas sont resté introuvables. Par contre on dispose de projets de Léon Bakst pour le ballet Prélude à l’après-midi d’un faune et le Martyr de Saint Sébastien, alors que c’est Pierre Bonnard qui signe le décor de Jeux pour une reprise en 1920.
Paris: Quay Branly Le siècle du Jazz jusqu’au 28 juin 2009
Le musée du quay Branly dresse un vaste panorama de l’histoire du jazz en établissant des relations entre la production des artistes plasticiens et cette nouvelle forme d’expression musicale qui réunit tous les métissages. Près de 1000 objets, documents sonores et filmés, oeuvres d’art sont réunis dans une dizaine de sections. Celles-ci évoquent les principaux moments de l’histoire du jazz par des pochettes de disques, des articles, affiches, documents filmés et musicaux. Avant 1917. L’âge du jazz en Amérique 1917 – 1930. Harlem Renaissance 1917 – 1936. Années folles en Europe 1917 – 1930. L’ère du swing 1930 – 1939. Tempo de guerre 1939 – 1945. Bebop 1945 -1960 West Coast Jazz 1953 – 1961. La révolution free 1960 – 1980. Contemporains 1960 – 2002. Pour chaque période des liens avec des artistes peintres connus sont mis en évidence, de Léger à Mondrian, Matisse, Dubuffet, Pollock ou Basquiat.
Comme souvent dans ce type d’exposition il y a beaucoup trop d’éléments, mais d’un autre côté c’est une synthèse assez fascinante qui permet un survol inédit. On pourra encore voir l’exposition à Barcelone.
Le site du Musée du Quai Branly présente le parcours de l’exposition.
Vevey
Le Musée Jenisch consacre une exposition à Kokoschka et la musique 7 juillet – 9 septembre 2007. Elle montre en particulier l’intérêt du peintre sur le pouvoir de la musique, la manière dont la musique modifie les traits du visage des personnes qu’il observe. Une approche psychologique qui l’a préoccupé au cours de toute sa vie et qu’il a traduite de façons très diverses.
Berne
Musée des beaux-arts: Oscar Wiggli. Corps – Espace – Son jusqu’au 13 mai
Le musée des beaux-arts de Berne présente une rétrospective du sculpteur et compositeur Oscar Wiggli ( né en 1927) qui conçoit la sculpture comme une partition forgée. Il travaille le fer, s’inspire du torse de la femme et superpose formes et mouvement à des idées de sons et de nuages qui passent. Quelques sculptures de grand format sont également présentées au Zentrum Paul Klee.
Berne
Paul Klee Mélodie et rythme jusqu’au 12 novembre 2006.
La musique occupait une place centrale dans la vie de Paul Klee. Il était fils de musiciens, avait épousé une pianiste et jouait du violon; il pratiquait régulièrement cet instrument en faisant de la musique de chambre. Tout en évoquant cet aspect de la personnalité de l’artiste, l’exposition mélodie et rythme propose un regard sur toute la production de Klee en établissant des relations avec les structures musicales. Sept sections forment autant de points de vue qui montrent l’imbrication étroite entre l’oeuvre graphique et picturale de Klee et la musique. L’ordonnance rythmique des compositions au carré, l’évocation des structures d’une partition dans l’organisation de l’espace des oeuvres, les structures picturales polyphoniques autant de références directes à la musique que l’on trouve dans des oeuvres dont le sujet n’est pas musical, il peut s’agir d’un paysage ou d’une composition abstraite. Par ailleurs de nombreuses oeuvres sont imprégnées par les références à des opéras ou la représentation souvent caricaturale de musiciens. La démonstration très dense (150, toiles, dessins et aquarelles) est particulièrement convaincante. Elle offre aussi sans doute une excellente occasion d’entrer dans l’oeuvre de l’artiste à ceux qui ne le connaîtraient pas encore bien.
Patrick Schaefer, L’art en jeu, 27 septembre 2006
Zug
Harmonie und Dissonanz | Gerstl – Schönberg – Kandinsky. Malerei und Musik im Aufbruch jusqu’au 17 décembre 2006.
Le Kunsthaus de Zoug possède à travers la Stiftung Sammlung Kamm des oeuvres de Richard Gerstl (1883 – 1908) et Kandinsky notamment. C’est l’occassion d’explorer les relations qui existaient entre trois personnalités de premier plan et une manière de formuler les relations entre musique et peinture chez Kandinsky. Les oeuvres de Gerstl sont présentées avec les peintures de Schönberg peu connues. En plus des trois artistes nommés d’autres travaux de August Macke, Franz Marc, Oscar Kokoschka entre autre sont présentés.
Musée Tinguely Bâle
Edgar Varèse, compositeur, visionnaire jusqu’au 27 août 2006
L’exposition propose un parcours biographique autour d’Edgar Varèse (1883-1965) en se fondant sur des documents provenant des archives du compositeur qui ont été acquises par la fondation Sacher. Elle est accompagnée par un livre de plus de 500 pages. Dans les salles des pièces musicales peuvent être écoutées avec des écouteurs, dans la dernière pièce un programme de films est proposé. Lettres, photographies et partitions sont présentées avec des oeuvres d’art d’artistes proches du compositeur. Duchamp, Joseph Stella, Calder, Miro et Zao Wu Ki notamment. Une vidéo de Bill Viola Déserts, 1994 qui utilise la musique de Varèse du même nom est aussi projetée. Par ailleurs il ne faut pas manquer la reconstitution du son et image réalisé pour le pavillon Philips à l’exposition universelle de 1958. Le Corbusier mandaté pour ce projet avait demandé un composition musicale de 8′ à Varèse. Le compositeur habité par la question de la mise en espace du son réalisa aussi quelques peintures à la fin de sa vie.
Migrosmuseum. While interwoven echoes drip into a hybrid body, une exposition sur le son, la performance et la sculpture jusqu’au 26 mars 2006
Le Migrosmuseum a réuni les propositions récentes d’une dizaine d’artistes britanniques, américains, italiens et finlandais notamment autour de ce thème. Violette Banks, Cunningham & Björk…, Delia Gonzalez & Gavin Russom…, Rita Ackermann & Agathe Snow, Seb Patane. Au-delà d’une culture de dj., ils formulent d’une façon intéressante la question de l’installation, de la performance et de la relation aux sons. Ils illustrent des directions très différentes qui vont du piano mécanique (Paul Etienne Lincoln, Sinfonia Torinese) à Olivier Messiaen (Dave Allen) en passant par l’orgue à lumières (Peter Coffin) pour arriver bien sûr à la musique électronique, mais aussi au Heavy Metal et à la culture tattoo et gothique en passant par diverses recherches sur l’interactivité (Mileece), la réaction aux mouvements, aux gestes, l’enchaînement d’actions. L’exposition prend ainsi le parti de montrer l’extrême étendue des propositions qui d’une façon ou d’une autre associent, le son, la mise en espace et l’image.
While interwoven echoes drip into a hybrid body, une exposition sur le son, la performance et la sculpture jusqu’au 26 mars 2006.
Paris: Beaubourg Centre Pompidou: Sons et lumières jusqu’au 3 janvier 2005
L’exposition Sons et lumières rassemble plus de 400 oeuvres, elle est structurée en trois parties qui proposent chacune un développement chronologique à travers le XXe siècle.
La première intitulée Correspondances (abstraction, musique des couleurs, lumières animées) évoque les associations entre la musique et la peinture liée aux développement d’une peinture abstraite à partir des années 1910. Les oeuvres choisies, magnifiques, sont souvent inattendues et l’exposition montre la dimension internationale de cette quête en Europe et aux Etats-Unis. Curieusement le volant français avec les peintres musicalistes n’est pas mentionné. (Cette première partie recoupe en partie Aux origines de l’abstraction, 1800. 1914, présentée au musée d’Orsay du 3 novembre 2003 au 22 février 2004). Dans cette section on découvre les travaux de Kandinsky, Klee, Schönberg. Les épisodes de L’apprenti sorcier de Paul Dukas et du Fantasia de Walt Disney, mais aussi les relations entre le jazz et Jackson Pollock ou encore les recherches du néo zélandais Len Lye
La deuxième intitulée Empreintes (Conversion, synthèse, rémanence) fait l’histoire d’expériences qui sont sans doute les plus proches des possibilités actuellles générées par divers logiciels. Les recherches les plus New Age et plânantes des années 1960 qu’il s’agisse de films de James Whitney, d’installations de La Monte Young et Marian Zazeela, Dream House, de Nam June Paik ou encore Bill Viola et Gary Hill, Mesh, 1978 – 1979 une installation vidéo interactive précoce sont réunies ici.
Enfin la troisième sous le titre Ruptures examine des démarches les plus radicales qui rompent avec les catégories traditionnelles séparant art plastique et musique. Elle suit le fil qui lierait les Futuristes, Marcel Duchamp à John Cage en passant par Fluxus, Joseph Beuys ou encore Bruce Nauman.
Aujourd’hui l’association du son et de la lumière est devenue extrêmement banale et omniprésente; en particulier à travers la musique électronique et toutes les formes de performances auxquelles ce type d’expression peut donner lieu. En retraçant les sources de ces développements actuels à travers plusieurs cheminements, l’exposition relativise l’actualité des pratiques contemporaines et montre aussi le potentiel conceptuel de certaines idées. Tout à fait agréable à visiter, elle s’adresse à un public jeune, car la moyenne d’âge semble beaucoup plus basse que celle que l’on rencontre habituellement dans les expositions. Curieusement elle s’achève sur une installation séduisante, mais plutôt anecdotique de Pierre Huyghe L’expédition scintillante, Acte 2, 2002 et un film ironique de Rodney Graham, A Reverie Interrupted by the Police, 2003, point d’exclamation ou d’interrogation extrêmement sarcastique sur ces recherches.
Patrick Schaefer, L’art en jeu, 19 octobre 2004 |