Tino Seghal

Zurich 16 juillet 2017

A son tour, le Kunsthaus de Zurich tente faire une place à la performance au musée. Sous le titre Action!, jusqu’au 30 juillet, l’exposition retient des réalisations engagées politiquement, mais aussi les exemples actuels tournés vers le dialogue et l’interactivité. A signaler que Rimini Protokoll réalise une visite commentée du Kunsthaus par groupe de 6 sur inscription préalable en ligne. L’exposition s’achève avec une pièce de Tino Seghal. L’oeuvre majeure présentée ici est sans doute celle de Francis Alÿs autour du détroit de Gibraltar, Don’t cross the Bridge before you get to the River, 2005 – 2009, une réflexion sur la migration d’une grande actualité. Dans les oeuvres actuelles on trouve les Guérillas Girls, Nina Baier ou encore Boris Charmatz et Aernout Mic, une vidéo Daytime Mouvements, 2016, sans oublier Tino Seghal.

Paris 6 décembre 2016: Au Palais de Tokyo à Paris, Carte blanche à Tino Seghal jusqu’au 18 décembre 2016.

Il ne reste que quelques jours pour vivre les performances orchestrées par Tino Seghal. Certaines sont nouvelles, d’autres ont déjà été présentées à divers endroits depuis une dizaine d’années. ( Il faut signaler que cette carte blanche a été précédée par la présentation d’une chorégraphie de Tino Seghal à l’opéra Garnier, fin septembre, sans titre, 2016, 15′, complétée 4 performances dans les espaces de circulation de l’opéra, ce qui fait qu’il a monté, si ce n’est une rétrospective complète de son travail, du moins une présentation très approfondie).

En entrant dans le Palais de Tokyo trois acteurs vous accueillent et vous demandent Quelle est l’énigme ? Avant d’esquisser une pirouette.

Plus loin une petite file d’attente se forme, car les visiteurs sont accueillis les uns après les autres et accompagnés dans la rotonde et les salles du rez par plusieurs acteurs, le premier étant un enfant avec qui ils devisent selon un scénario fixe, la pièce s’intitule This Progress.

Au sous-sol l’espace totalement vide accueille un grand groupe d’acteurs-danseurs qui évoluent ou stationnent en conversant avec les visiteurs. Dans les autres salles on trouve l’incarnation d’Ang Lee, présentée lors de l’exposition Philippe Parreno en 2014. Dans un autre espace une production chantée dans la nuit totale, montée à Kassel en 2012.

Enfin dans une salle en retrait une pièce vue au Haus Konstruktiv à Zurich en 2009 sous une forme assez différente The Objective of this work is a discussion about the object of art.

Dans l’ensemble par rapport à d’autres présentations de Tino Seghal l’accent est mis sur le dialogue avec les spectateurs et la mise en mouvement de ceux-ci. Chorégraphe, performeur, metteur en scène, Tino Seghal incarne la rupture des limites entre les différents registres d’expression du monde artistique.


J’ajoute à cette page différents compte-rendus d’expositions consacrées à la performance et l’interactivité.

Bienne 31 août 2014 Au CentrePasquArt: Le Mouvement III. The City Performed jusqu’au 2 novembre 2014. Une exposition consacrée, non à la sculpture statique ou monumentale, mais à la performance et à son développement depuis les années 1960. 2014 marque le 60ème anniversaire et la 12ème édition des expositions de sculptures de Bienne initiées en 1954 par Marcel Joray. La dernière édition eut lieu en 2009 sous le titre Utopics, elle prenait déjà ses distances par rapport à la sculpture au sens traditionnel du terme, celle-ci se veut entièrement éphémère, furtive et fluide en réunissant uniquement des performances. La partie performance s’est d’ailleurs achevée le 31 août. Il est par contre possible de visiter au CentrepasquArt une exposition consacrée à l’histoire et à l’actualité de ce type d’expression artistique.

Elle propose un grand nombre de noms d’artistes fort connus. Par exemple: Vito Acconci, Valie Export, Dieter Meier, mais aussi Francis Alÿs, Ai Weiwei, Klara Liden, Martin Creed. Leurs interventions sont attestées par des documentations photographiques ou des projections de films et vidéos. Elles dessinent une typologie de l’intervention urbaine par les lieux choisis, place, balcons, jardin ou par le genre de provocation adoptée qui vont de l’intervention dénudée à la simple présence sans caractéritique particulière.


Bâle juin 2014: 14 Rooms 14 juin – 22 juin 2014, Messe Hall 3 Parallèlement à Art Basel, Bâle reçoit 14 Rooms une exposition itinérante et évolutive consacrée à la performance. Avec des réalisations dont la conception va de 1963 à aujourd’hui. Yoko Ono, Joan Jonas, Bruce Nauman avec la reprise live d’une vidéo de 1968, Wall Floor Positions, mais aussi Tino Seghal, Roman Ondak, Laura Lima, Damien Hirst et ses jumeaux, ou encore Ed Atkins, Jordan Wolfson qui propose la danse d’un robot féminin. Une suite de rencontres intenses, exceptionnellement réunies dans un seul espace qui propose en fait une histoire de la performance en montrant l’étonnante permanence de son actualité.


Le rôle, la signification de la performance dans l’art contemporain, octobre 2013: La présence de la performance dans trois pavillons nationaux à Venise, ainsi que l’intervention de Tino Sehgal dans le pavillon central des Giardini (Lion d’or cette année, il est aussi sélectionné pour le Turner Prize 2013) et de Ragnar Kjartansson à l’Arsenale m’amènent à faire quelques réflexions sur ce phénomène. En effet dans le pavillon italien on trouve des performances conçues par Francesca Grilli, Sislej Xafra, Marcello Maloberti, Fabio Mauri. Dans le pavillon roumain, une fabuleuse « histoire immatérielle de la Biennale » par Alexandra Pirici et Manuel Pelmus et dans le pavillon russe Vadim Zakharov avec Danae, revisite un thème de l’histoire de la peinture dans une mise en scène qui implique une machinerie, un acteur et le public féminin.

Tino Sehgal est devenu une figure incontournable des expositions d’art contemporain. C’est la cinquième fois que je fais l’expérience de ces productions. En 2009 il était au Kunsthaus et au Haus konstruktiv à Zurich; en 2012 à la Documenta et cette année à Venise (une autre fois déjà, à Venise). Ces performances sont de véritables spectacles qui associent le corps et la voix sous la forme du chant ou de la parole. Il rompt la barrière entre spectacle et exposition de manière décisive.

Pourquoi la performance connaît-elle un regain d’intérêt aujourd’hui. Est-elle dématérialisation de l’activité artistique ? ou bien, au contraire, mise en mouvement d’éléments plastiques vivants ? Elle implique une forme d’interactivité par l’implication totale du spectateur. Elle implique un détachement du caractère d’objet commercial de l’oeuvre d’art. Elle peut convoyer un message expressif intense ou un message contestataire ou encore incarner une problématique formelle et même s’inscrire dans une tradition iconographique. Elle participe des travaux qui incluent la musique et l’image mouvante. On va vers le cirque, le théâtre, l’oeuvre d’art total. Est-ce une réaction aux valeurs d’interactivité attribuées aux jeux vidéos ? internet ? Elle peut être dramatique, intense recherchant des paroxysmes d’expressionnisme. Il y a aussi l’idée de la mise en mouvement de la sculpture. Quel genre de participation implique-t-elle ? On constate un retour à l’op art pour les mêmes raisons d’interactivité. Interactivité qui a été mise en avant par les jeux vidéos, internet et que l’on revisite pour en faire l’histoire aujourd’hui, la participation du spectateur (un terme utilisé dans l’art et dans les relations de travail dans les années 1960 !!). L’art en jeu, Patrick Schaefer 7 octobre 2013.


Londres octobre 2010: Move Choreographing You, Hayward Gallery, Londres 13 octobre 2010 – 9 janvier 2011 -En visitant les expositions d’art contemporain, on est parfois confronté à des documentations photographiques, des vidéos qui relatent une performance. On se dit que ce moment devait être intéressant à vivre. L’exposition Move de la Hayward Gallery va au bout de cette pensée.

Elle réunit des travaux d’artistes très divers, souvent bien connus, dans l’idée de permettre la réactivation de l’expérience proposée, des acteurs et des danseurs participent à la réalisation. Le site de l’exposition devient ainsi un véritable terrain de jeu, jardin d’enfant, ce que la liste des artistes présents ne laisse pas supposer à priori!, puisque l’on trouve Bruce Nauman , Lygia Clark, Isaac Julien, Franz Erhard Walther, qui fonctionne particulièrement bien avec les plus petits, mais qui implique tous les visiteurs. On commence avec le corridor étroit de Bruce Nauman à la lumière verte inquiétante, dans lequel déboulent des gamins déchaînés. A côté, on a reconstitué une pièce de Lygia Clark (1920 – 1988) The House is the Body. Penetration, ovulation, germination, expulsion, 1968, qui fascine tous les âges. Dans un autre espace, des acteurs vous proposent d’expérimenter l’une des performances de Franz Erhard Walther avec Für Zwei Nr. 31, 1. Werksatz, 1967. On peut déplacer les éléments d’une installation de Mike Kelley (décédé 1er février 2012) ou de Franz West (décédé en juillet 2012).

Dans un autre registre, celui de l’implication visuelle et émotionnelle du spectateur, Isaac Julien a réalisé une grande installation vidéo immersive avec 8 écrans, où l’on découvre un film d’une cinquantaine de minutes Ten Thousand Waves, 2010, inspiré par la Chine qui confronte divers moments de l’histoire chinoise avec la tragique mésaventure de 23 immigrants illégaux qui finissent noyés en Angleterre en voulant chercher des coquillages. (Présenté au musée Brandhorst à Munich en 2011 – 2012). Signalons encore les sculptures mouvantes de Robert Morris ou les anneaux suspendus de Simone Forti qui rencontrent un franc succès! Un parcours étonnant, complété par des archives consultables sur écran dans les salles. L’exposition sera visible à Munich, Haus der Kunst, puis à Düsseldorf au K20. L’art en jeu, Patrick Schaefer 20 octobre 2010.