L'ART EN JEU

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Entretien avec Christophe Guignard à propos de Fabric.ch

fabric | ch est une agence d'architecture électronique fondée en 1997 par deux architectes [Christophe Guignard et Patrick Keller], un ingénieur en télécommunication [Stéphane Carion] et un ingénieur en informatique [Christian Babski]. Leur objectif est d'étendre leur travail sur l'espace aux territoires digitaux, électromagnétiques ou encore "non matériels" afin d'y formuler de nouvelles propositions architecturales, d'y produire une autre forme d'existence de l'objet architectural.

Plusieurs de ces projets d'architecture électronique ont été exposés en Suisse et ailleurs, comme au MAMCO à Genève (2002), à l'ICA de Londres (2002, 2003), à la Swiss House de Boston (2000, 2003), ou encore à Siggraph aux Etats-Unis (1999, 2000, 2001, 2002, 2004).

Leur dernier projet, electroscape 004: A.I. vs A.I. // in self-space //, sera exposé du 15 mai au 29 août 2004 au Museo Cantonale d'Arte de Lugano dans le cadre de l'exposition *Dalla pagina allo spazio*. A cette occasion, un *cahier d'artiste* édité par Pro Helvetia sera publié. Le site http://www.electroscape.org donne plus d'informations sur ce projet et le *cahier d'artiste*.

Parallèlement à leur activité au sein de fabric | ch, Patrick Keller et Christophe Guignard sont également professeurs à l'ECAL [Ecole Cantonale d'Art de Lausanne] depuis 2000, dans l'unité Media & Interaction Design qu'ils ont créée puis dirigée jusqu'en 2003, avant de transmettre la direction à etoy.Zai.

J'ai rencontré Christophe Guignard l'un des responsables de fabric | ch pour lui poser quelques questions.

1. Qui est fabric | ch en quelques mots ?

fabric | ch est un atelier d'architecture qui regroupe une dizaine de personnes qui ont pour ambition commune de travailler sur l'espace comme un lieu d'information, matérielle et non matérielle. Cette approche est très large puisqu'elle touche aussi bien des projets urbains que des projets purement digitaux. Je dirais que c'est avant tout une attitude qui nous caractérise: dans l'ensemble de nos projets nous considérons l'information comme matière première, comme ressource pour transformer un lieu. Ce lieu peut être physique (un bâtiment, un espace public, etc.), digital (réseaux d'ordinateurs, de téléphones, espace électronique, etc.) ou le plus souvent mixte, c'est-à-dire un lieu dans lequel sont combinés espace physique et espace de données, espace "dur" et espace "doux".

Cette approche nous a conduits à créer des projets expérimentaux comme *electroscape* (http://www.electroscape.org) ou *_knowscape mobile* (http://knowscape.fabric.ch/mobile/), mais elle nous a également permis de réaliser des mandats pour l'EPFL, Canal+ ou encore Nestlé (projet en cours).

2. Pourriez-vous définir ces nouveaux territoires d'architecture que vous tentez d'investir ?

Nous n'habitons plus aujourd'hui un espace uniquement physique et localisé, mais également un espace d'échanges, de communications, de fluctuations. Un espace distribué et délocalisé, ubique et potentiel, variable et configurable. Nous ne sommes plus attaché à une localisation dans le temps et l'espace précise, unique, tout comme nous avons pris conscience que notre corps et notre identité ne s'arrêtaient pas à leur limite physique et visible, la peau, mais bien à l'ensemble de ce qui nous constitue et nous permet de communiquer au sens large. Cela comprend l'inné, (ADN, patrimoine génétique), l'acquis (éducation, savoir, expériences, etc.), mais également les flux et les échanges qu'ils soient chimiques, thermiques ou encore verbaux, les données (cartes de crédits, no AVS, etc.), ainsi que les prothèses contemporaines que sont téléphones et ordinateurs portables, avatars, etc.

Nous sommes confrontés à un territoire recomposé, complexifié, hybride. Transformé en partie par des technologies, par des "objets-monde" (ordinateur portable, téléphone mobile, satellite, Internet, etc.) comme les nomme Michel Serres (Hominescence, Le pommier, 2002, Paris) et désormais lié à eux, notre environnement n'est plus (et depuis longtemps) naturel. Mais à son industrialisation et sa domestication passées, au développement de sa "productivité", s'ajoute aujourd'hui son hybridation, son extension ou augmentation à l'aide d'espaces synthétiques, génératifs, de spatialités stimulées ou simulées: espaces de connaissance, espaces virtuels, ubiques, de jeux ou de fictions multiples, environnements massivement parallèles, espaces physiologiques, etc. C'est ce nouvel espace, qualifions-le simplement de contemporain, transformé par les "objets-monde", qu'il nous est aujourd'hui donné d'habiter. C'est donc aux architectes contemporains qu'est alors adressée la question: comment l'"informer", comment le "mettre en forme"?

3. Vos travaux tentent de visualiser l'invisible, de lui donner une présence spatiale perceptible pour l'oeil humain. Pourriez-vous préciser ces notions: l'espace électronique, la circulation ou la présence simultanée d'un ensemble d'informations, de pulsions invisibles qui transmettent des communications.

L'espace électronique est une extension de notre espace physique, ouvert par les objets technologiques, mobiles ou non, apparus depuis les années cinquante: que ce soit la télévision qui amène le "spectacle du monde" à l'intérieur du foyer et qui a fortement contribué à restructurer l'espace intérieur, l'antique walkman, peut-être le premier objet technologique à "embarquer" une "fonctionnalité spatiale" privée et configurable dans l'espace publique de manière mobile dès la fin des années 70, ou encore ces nouveaux "objets-monde" que sont le téléphone portable ou le réseau Internet, transportant quant à eux le privé dans le public ou le public dans le privé.

Les fonctionnalités "générées" et les hybridations spatiales induites par ces objets technologiques multi-fonctionnels/-fictionnels provoquent des situations nouvelles d'ubiquité. Ils permettent également de transformer l'espace initialement créé et défini par des techniques (dures). Ces technologies modifient donc la nature de ces spatialités "modernes" ou "post-modernes", ceci sans compter que certains de ces nouveaux espaces, comme ceux qui mettent en jeu des systèmes de communication sans fil, questionnent la nature même d'une spatialité définie par des cloisons et des planchers, puisque les ondes traversent ceux-ci sans problème et redéfinissent entièrement l'espace lorsqu'elles sont utilisées.

En intégrant dans le projet les flux d'informations, souvent transmis par des ondes électromagnétiques, en les matérialisant, on rend perceptible là les pulsations qu'ils génèrent. On "informe" l'espace physique de l'homme en l'ouvrant sur les territoires électroniques.

4. Peut-on dire que votre propos est de matérialiser l'immatériel, de rendre visible l'invisible ?

Ce n'est pas tant de rendre perceptible ce qui échappe à nos sens naturels que d'inclure dans le projet non seulement l'espace traditionnel de l'architecture tel que notre corps le perçoit mais d'étendre cet espace aux autres dimensions que j'ai évoquée. Cette attitude peut amener à matérialiser l'immatériel, ou encore rendre visible l'invisible, mais c'est plutôt une conséquence de notre démarche que son but premier qui reste d'ouvrir l'espace vers un potentiel évolutif, marqué par l'effacement de la limite physique au profit du développement d'intensités, de points d'émissions électromagnétiques, de durées. Ceci nous conduit à évoluer dans une nouvelle forme d'architecture liant les sciences de l'information et du savoir à celles du territoire et de l'espace: architecture électronique, architecture prospective ou encore architecture pour un territoire contemporain transformé, complexifié, mixte.

Christophe Guignard, mai 2004

christophe@fabric.ch

http://www.fabric.ch

L'agenda des expositions de Fabric: http://www.fabric.ch/diary_full_fr.html

map_I.T. - master plan pour le campus digital de l'EPFL, 2003

Centre d'art contemporain Genève

MIX-m.org jusqu'au 31 juillet 2005

Le centre culturel suisse de Paris présente Architecture invisible Philippe Rahm jusqu'au 15 mai 2005.

Patrick Schaefer, L'art en jeu, 13 mai 2004

 
pour me contacter: infoat art-en-jeu.ch

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