L'ART EN JEU

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Entretien par courriel avec Laurence Dreyfus, commissaire d'expositions

Laurence Dreyfus a été l’un des commissaires de la Biennale de Lyon 2001. Elle présente une exposition à Reims et prépare pour le 23 septembre une exposition au Palais de Tokyo à Paris sur l'artiste Tobias Bernstrup "NEKROPOLIS". Elle a bien voulu répondre à quelques questions à propos de l’exposition au FRAC Champagne-Ardenne.

1. Vous êtes la commissaire d’une exposition présentée à Reims au FRAC Champagne-Ardenne Game Over City ( La ville en jeux) jusqu’au 28 juillet. Pourriez-vous nous présenter quelques aspects de cette exposition ?

J'ai souhaité réunir 6 artistes Virginie Barré, Tobias Bernstrup, Pierre Giner, Felix Stephan Huber, Stéphane Sautour et Palle Torsson qui questionnent l'univers du jeu video avec pour dénominateur commun l'architecture et la complexité de l'occupation de la place dans les univers virtuels et surtout ces artistes questionnent la vie urbaine et la ville à travers les images mathématiques. Pierre Giner (français, vit à Paris) a travaillé les champs et hors-champs d'une voiture sur un terrain ou une aire de parking un peu comme pour une course de voiture mais avec une route de bosses, le tremplin et des messages issus de faits divers d'accidents de voiture. C'est l'inverse d'une route balisée, c'est l'inverse de la course de performance, c'est l’errance et la liberté d'une balade avec des possibilités de sauts dans le vide.

Tobias Bernstrup a modelisé Potsdamer Platz à Berlin et propose une promenade la nuit. Avec distance et ironie, il porte un regard critique sur cette cité générique comme la décrit Rem Koolhaas aux multiples constructions faites par les architectes internationnaux dont les façades se ressemblent toutes.

Ou Felix Stephan Huber (1957) qui propose avec Reality Check One, un jeu sur Alexander Platz à Berlin. Une des places les plus connues de la ville pour son souterrrain construit après guerre qui symbolise une perte d'humanité des villes. Ici il y a un jeu sur le basement et un jeu souterrain. Plusieurs clones de Tomb Raider ou Spider-Man ou de The Hulk nous parlent. L'artiste redonne une parole aux héros. Paroles issues de Ghost in the Shell ou de l'héroine feminine de Matrix. Felix Stephan Huber délimite son architecture aussi par une text box. Dès que l'on s'approche des parois on peut lire un texte qui défile comme un générique de film avec une parole intelligente parfois énigmatique sur la réalité et l'espace virtuel d'un jeu.

Ainsi dans Game Over City je précise la complexité d'envisager aujourd'hui une architecture autre que celle prise du réel. Et tout cela sur le mode ludique du jeu vidéo avec le joy-stick.

2. Pour vous quel est le rapport de l’artiste au jeu vidéo: va-t-il formuler de nouvelles propositions qui peuvent transformer les jeux électroniques ou s’agit-il d’une intervention qui utilise et détourne des jeux vidéos existants?

Ils utilisent des moteurs graphiques déjà existants comme Half Life, Unreal edit tournement, Quake. Il s'agit de la notion d'open source qui me semble très intéressante comme le jeu de Palle Torsson (1970) Sam présenté aussi dans Game Over City et dans Tokyo Games au Palais de Tokyo actuellement.

Open source : C'est la possiblilité d'ouvrir un programme sur internet à un large public. C'est de cette manière que Palle Torsson a pu collaborer à travers le net avec tous les Hackers qui ont modifié à leur manière la carte graphique de Half Life. Ainsi Palle a récupéré avec leur accord des éléments comme des armes, des papiers peints, des affiches, des voitures, des personnages pour construire le jeu SAM. Cette notion est primordiale pour toute une génération d'artistes qui travaillent en réseau avec des intérêts communs et qui construisent comme au temps des cathédrales à plusieurs, sur plusieurs années des édifices de jeu. D'ailleurs Palle Torsson les remercie longuement dans le générique et les crédits de son jeu.

Il s'agit pour les artistes d'une appropriation des jeux vidéo dans un premier temps, mais au fur et à mesure que l'on joue à ces oeuvres numériques, alors on aperçoit une dimension poétique, critique et pertinente face aux jeux commerciaux. Ils formulent de nouvelles propositions, car ils ne cherchent pas l'effet de la jouabilité, mais au contraire ils révèlent le sens. Par exemple les éditeurs de jeux n'utilisent que 10% du potentiel technique dans les jeux. Certains artistes se contentent d'une technologie pour une camera subjective pour traiter de vitesse, de la notion de l'hypertexte, de la question de l'enfermement et de la violence canalisée. D'autres suggèrent subtilement des avances technologiques possibles comme les lunettes vidéo pour proposer des jeux. Mais vous savez honnêtement seulement les jeux qui sortent sur PC peuvent être appropriés par les artistes. Les autres jeux sont sur les trois consoles Xbox, PS2, Game Cube et bien sûr pour des raisons de profit, ils ne sont pas prêts à ouvrir les clés et les code des jeux.

3. Comment gérer les problèmes liés à l’exposition de ce genre de démarche, s’agit-il de présenter des écrans avec des jeux créés par de artistes ou s‘agit-il de proposer des installations spécifiques dans l’esprit des installations vidéos?

Il s'agit de proposer des oeuvres du type projections vidéo comme on en voit trop dans les musées avec pour différence le joy-stick et l'image mega grande qui permet une vision immersive et très efficace pour le visiteur/gamer. Il faut préciser que pour beaucoup de visiteurs d'expositions l’utilisation des joy-stick est une première dans leur vie. Dans mes expositions ils ont l'occasion de s'entraîner.

D'autres artistes utilisent l'installation avec photos, video projection, plasma, lap top dissimulés dans des murs ou juste des ordinateurs reliés entre eux avec canapé, fils apparents, simplement comme dans une maison. Mais pour la prochaine exposition je travaille pour mettre au point une nouvelle forme d'appréhension du jeu : plusieurs fauteuils, écran plasma, joy-sticks inventés par des designers....

Au sujet de l'interactivité (est interactive toute phase sur le déroulement de laquelle le visiteur d'une exposition peut influer) : je n'aime pas à priori cette notion dans l'art contemporain car très vite on assiste à des oeuvres où l'effet prédomine sur le sens. Mais après l'esthétique relationnelle très présente dans les expositions en Europe entre 1990 et 1998, je constate une esthétique participative dans certaines expositions comme Au delà du spectacle ou en anglais Let's Entertain organisé par le Walker Art Center. J'aime les oeuvres participatives ou interactives de Walter Pichler, Mathieu Briand, C. Wodichsko....

Deux pages du Walker Art Center connu pour ses projets en ligne:

http://aen.walkerart.org/

http://www.thekitchen.org/

Propos recueillis par courriel par Patrick Schaefer

L'art en jeu, 14 juin 2002

 
pour me contacter: infoat art-en-jeu.ch

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