L'ART EN JEU

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4 octobre 2006

Les artistes suisses s'inquiètent des modifications apportées à la loi sur le droit d'auteur. En effet elles pourraient mettre en cause les pratiques actuelles qui s'inscrivent dans l'héritage du collage.

http://www.kunstfreiheit.ch

Le collage a encore frappé

Les médias suisses sont très agités par l’exposition Thomas Hirschhorn au centre culturel suisse à Paris. Il est assez rare qu’une exposition suscite de telles réactions pour qu’on s’y intéresse. Et l’on devrait commencer par se poser la question : Est-il normal qu’en règle général les expositions ne suscitent pas de réactions, aucune discussion? Dans une société qui se dit libre ne serait-il pas, au contraire, logique que l’on discute de points de vue différents et que des approches très diverses puissent s’exprimer ? On sait qu’aujourd’hui il existe une indifférence, voire une hostilité discrète à l’égard de l’art contemporain. On le laisse s’exprimer, on le subventionne pour autant qu’il ne dérange pas et qu’il fasse le moins de vagues possible. Les artistes sont vivement invités par les institutions et par les écoles à respecter ce statu quo, afin d’éviter la mise en cause des subventions. Le cas de Thomas Hirschhorn est particulier. Il a réalisé de nombreuses expositions en Suisse et à l’étranger en développant une approche participative de l’expression artistique qui connaît un grand succès en ce moment. Il est d’ailleurs à la tête d’une véritable entreprise, tant il est sollicité, puisqu’il fait partie des 100 artistes contemporains les plus connus et les plus exposés dans le monde. Une importante monographie vient de sortir chez l’éditeur Phaidon qui présente toutes ses installations.

En fait à ce point il faut déjà relever que seul un artiste mondialement connu et tout à fait établi peut se permettre d’engager une débat politique sur la Suisse !! aucun autre ne peut prendre ce risque.

Internet permet de consulter les procès-verbaux des débats du parlement très rapidement. Il est donc possible de se faire une idée sur le débat qui a eu lieu mardi 7 décembre 2004 au sujet du budget fédéral et en particulier du budget de Pro Helvetia. C’est un député démocrate-chrétien, donc plutôt centriste, zougois qui a demandé que ce budget soit réduit d’un million et passe de 34 à 33 millions comme sanction contre l’exposition Hirschhorn à Paris, au vu des reproductions parues dans la presse dominicale. Ce député estime en effet que l’exposition injurie la Suisse et en particulier les cantons fondateurs Uri, Schwyz et Unterwald. Il est soutenu par une députée radicale vaudoise qui propose que la sanction soit de 80'000 frs soit les honoraires supposés de l’artiste. Elle finit d’ailleurs pas se raviser pour soutenir la proposition de son collègue!

Apparemment c’est l’invitation au vernissage de l’exposition qui est aussi une petite affiche qui suscite la fureur de ces politiciens. Il s’agit d’un collage qui rapproche effectivement le titre de l’exposition Swiss Swiss Democracy, des photos du dos d’un prisonnier ensanglanté en Iraq auquel fait face un soldat américain, les trois écussons des cantons fondateurs de la Suisse et le drapeau suisse. On sait depuis longtemps que le collage est polysémique et qu’il se prête à de nombreuses interprétations. Un certain nombre de personnes ont vu dans ces rapprochements une injure à la Suisse. J’avoue que cela ne m’est vraiment pas venu à l’idée, j’y verrais plutôt une interrogation par l’image du genre : qu’est devenue la démocratie aujourd’hui ? on rappelle les origines (les emblèmes des cantons suisses) et on montre des aspects actuels de la dérive de la plus « grande démocratie » je ne vois vraiment pas où est l’injure pour la Suisse. Mais la première interprétation suggérée par la presse semble-t-il s’est imposée et tous les intervenants même ceux qui s’opposent aux représailles la partagent ou du moins ne la questionnent pas. Ce qui est vraiment très étrange et peu rassurant, quant au niveau de culture visuelle de ces députés. La lecture du débat montre d'ailleurs qu’il s’agit d’une réaction à chaud, irréfléchie et parfaitement démagogique pour aller dans le sens des médias.

Ceci dit ce genre de réaction est très grave, elle illustre le climat général d’autocensure dans lequel vit la Suisse. Car les médias quels qu’ils soient savent qu’ils s’exposent au même genre de réactions. Les institutions artistiques et culturelles le savent parfaitement également et les artistes aussi. On voit que le moindre dérapage suscite une réaction massive ; le message étant évidemment d’encourager les institutions à mieux contrôler leur système d’autocensure! en oubliant la question essentielle à quoi sert-il d’investir de l’argent dans la culture, respectivement l’information, si le principal objectif est de s’assurer que les intéressés ne disent rien de dérangeant et se contentent de confirmer qu’ils n’ont strictement rien à dire?

16 décembre 2004:

Après 10 jours de débats et 4 allers et retours entre les 2 chambres, le Parlement a décidé de sanctionner Pro Helvetia pour cette exposition, en réduisant le budget 2005 d'un million. C'est l'introduction d'une prime annuelle rétroactive négative! Dorénavant la Fondation suisse devra sans doute consacrer ses ressources à stimuler la composition d'hymnes à la gloire du parlement et de certains partis politiques et encourager la pratique du cor des alpes dans le monde!!.

Vers un article sur Thomas Hirschhorn.

Vers un article sur Kurt Schwitters l'un des pères du collage.

Patrick Schaefer, L'art en jeu, 9 décembre 2004

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