L'ART EN JEU

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L'édition 2004 du LUFF (Lausanne Underground Film & music Festival) se déroule du 13 au 17 octobre 2004 dans 4 lieux au casino de Montbenon, à l'aula du Belvédère, au Zinéma et au cinéma Bourg. Pour compléter l'entretien de 2003 qui présente bien le concept de la manifestation associant rétrospectives, compétition et soirées musicales, j'ai posé deux questions à Julien Bodivit:

1. Pourriez-vous nous donner vos coups de coeur pour ce festival?

Plusieurs coups de coeur cette année. A commencer par la compétition de long métrages. Si, malheureusement, la sélection n'est composée que de films américains (le choix a été fait en fonction des films reçus, majoritairement américains pour cette catégorie), elle est en revanche remplie de films dont nous sommes ravis. Je pense particulièrement au film Elevator Movie de Zeb Haradon qui est une pure merveille et qui renoue avec un certain esprit des années 1970 en ce qui concerne sa réalisation. Il s'agit d'un huis clos de 90 minutes dans un ascenseur. La force du film est due à des dialogues excellents, à un humour inattendu et à des situations surprenantes. Avec trois murs et deux acteurs, le réalisateur réussit l'exploit de rendre son récit captivant ! Je suis véritablement fan du film. L'actrice Robin Ballard vient au festival, je suis impatient de la rencontrer.

Dans un autre genre, nous sommes très heureux également de présenter les films de Kenneth Anger. C'est une rétrospective à laquelle nous pensons depuis la première édition et qui est donc importante à nos yeux étant donné l'influence de cet auteur dans l'histoire du cinéma. Kenneth Anger a malheureusement du annuler sa venue. Il me semble que la notoriété d'Anger est grande. Tout le monde ou presque a entendu parler de ses films. Mais au final, peu les ont vus.

Je suis très heureux aussi d'accueillir Roland Lethem, un réalisateur belge très controversé à la fin des années soixante. Pour être franc, je n'avais jamais entendu parler de lui avant l'année dernière, puis un réalisateur dont nous avons projeté quelques courts métrages m'a parlé de lui puisqu'il lui a consacré un documentaire. Ce fut une véritable découverte. Roland est un personnage passionnant et ses films sont incroyables. Ils n'ont malheureusement plus aujourd'hui l'impact d'autrefois, car pour beaucoup, ce sont des films contextuels. En revanche ça permet de les visionner dans un cadre idéal, et non comme à l'époque où les spectateurs arrachaient les sièges pour les lancer sur l'écran !

Enfin, je souhaite dire un mot sur Sarah Jacobson. Il s'agit d'une jeune réalisatrice qui était entrée dans le monde du cinéma par la petite porte, mais en la fracassant d'un puissant coup d'épaule. Son premier film , tourné à l'age de 20 ans, I Was a Teenage Serial Killer, fut une véritable petite bombe. Malheureusement Sarah est décédée en février dernier à l'âge de 32 ans des suites d'un cancer. Nous avons tenu à lui rendre hommage en faisant découvrir ses films méconnus chez nous, en présence de la mère et productrice de Sarah.

2. Je vois que le festival et la compétition comportent une section de courts métrages expérimentaux. Pourriez-vous nous expliquer de quoi il s'agit et la différence avec les autres sections?

La première année, nous avions combiné les courts métrages de fiction aux courts métrages expérimentaux. Le résultat était des séances hybrides et déroutantes, en particulier pour les membres du jury mais également pour le public. Le cinéma expérimental n'est pas toujours facile d'accès et une partie du public ne s'y retrouvait pas non plus. Depuis l'année dernière, nous avons donc séparé les deux. La compétition de films expérimentaux présente un éventail de films en principe non narratifs qui proposent avant tout des expérimentations visuelles. Le cinéma expérimental est un domaine très vaste et il existe de nombreuses techniques différentes qui varient considérablement en fonction du support utilisé. Cela va de films jouant avec des variations d'intensité lumineuse à l'utilisation de "found footage", c'est à dire de morceaux de films récupérés à droite et à gauche.

Vous trouverez le programme complet sur

Le site du LUFF

et un entretien avec Geneviève Loup à propos du programme de courts métrages expérimentaux.

Entretien avec Julien Bodivit à propos de l'édition 2003 du LUFF.

Le LUFF. Lausanne underground film & music festival s'est déroulé à Lausanne pour la deuxième fois du 8 au 12 octobre 2003.

(Initié par Sigismond de Vajay les éditions antérieures du festival eurent lieu à Vevey). Large et ambitieux le projet 2003 regroupait cinéma, musique et performance dans six salles différentes sur 4 sites. Le festival a trouvé son coeur au casino de Montbenon dont tous les espaces étaient occupés. Par ailleurs il y a eu des projections et des événements à la galerie Circuit, au Zinema et à l'EJMA. L'édition 2003 a connu un vif succès, puisque les organisateurs recensent 6'800 spectateurs contre 4'000 en 2002. Le concert du samedi soir a rassemblé près de 900 participants.

Avec une programmation étonnante et assez provocatrice qui explore différentes zones limites de la production cinématographique, artistique et musicale, le festival tente de prendre une place originale. J'ai voulu en savoir plus sur cette manifestation et j'ai posé quelques questions par courriel à Julien Bodivit qui chapeaute un comité d'organisation d'une dizaine de personnes, auquel s'ajoute une soixantaine de bénévoles pendant la manifestation.

1. Le festival a trouvé un public, les salles ont presque toujours été combles du moins au casino de Montbenon comment expliquer ce phénomène ? Vous êtes un fan de films d'horreur et de séries B. Cette année pourtant vous avez touché les domaines très étendus. Vous voulez éviter le ghetto culturel et vous y êtes parvenu comment expliquer ce succès ?

Avant d'être un fan de cinéma bis et de films d'exploitation, je suis d'abord un cinéphage. Je regarde énormément de choses, de tous les genres, tous les pays, que ce soit un gros blockbuster hollywoodien ou un court métrage amateur du Vénézuela. Le désir incessant de toujours vouloir faire des découvertes cinématographiques m'a logiquement amené à m'intéresser à un cinéma difficile d'accès de par son manque de distribution et de visibilité. Ces films sont souvent innovants, que ce soit au niveau du fond ou de la forme, et pour avoir la possibilité de les voir, il faut les faire sortir de l'ombre. Le cinéma fascine, et je suis convaincu que les gens désirent avoir la possibilité de voir autre chose que les produits standardisés, formatés et convenus que l'on voit bien trop souvent sur les écrans. La raison est simple: un film est fait pour étonner, émerveiller, penser, réfléchir, divertir, choquer, surprendre, effrayer ou encore tout ça à la fois. Malheureusement, ces sensations se font de plus en plus rares car les films tendent à se ressembler - mais c'est comme ça depuis le début du cinéma: une formule fonctionne, elle est donc réutilisée jusqu'à l'usure. Le cinéma que l'on propose ne s'inspire justement pas des formules courantes. Du coup, le fait d'amener des films différents, qui sont souvent faits sans la contrainte d'une nécessité de rentabilité, amène une certaine fraîcheur. C'est cette fraîcheur, je pense, qui attire le public. Heureusement, la plupart des gens sont encore curieux. L'appellation underground que nous utilisons est un terme générique. Il indique simplement que le programme du festival est éclectique et que les films qui y sont projetés n'ont rien à voir avec ce que l'on peut voir d'habitude. Maintenant, il est vrai que la variété de genre et de style présenté peut surprendre, mais il me semble néanmoins absurde de ne se limiter qu'à un seul style de film. En tant qu'amateur de cinéma, j'aime voir un maximum de choses différentes, et il me semble que c'est le cas de tout le monde. Du coup, le fait de mélanger des films expérimentaux à des comédies érotiques, avec tout ce que l'on peut imaginer entre deux, nous a permis d'attirer un public très varié, et sans doute que certaines personnes ont été voir des films qu'ils n'auraient jamais été voir autrement. Du coup, le festival se pose comme un véritable espace de découverte culturelle. Cet aspect explique sans doute l'engouement du public. Le faire de cette taille était pourtant risqué. Il est vrai qu'on n'avait absolument aucune idée de l'accueil que les gens allaient nous faire. Du coup, on est ravi.

2. Pour vous la notion d'underground cinema correspond à une définition assez précise, je crois, qui relève du domaine économique et non d'un genre d'expression particulier. En fait est underground tout film qui n'a pu entrer dans les circuits commerciaux traditionnels et cela concerne aussi bien le fantastique, l'horreur, le porno que des recherches artistiques expérimentales notamment. En prenant ce critère économique comme fil conducteur vous mettez sur le même plan des productions très différentes. Comment vous distinguez-vous des autres festivals en Suisse et que signifie la compétition dans ce cadre là ? Dans un deuxième temps pourriez-vous nous expliquer le fonctionnement de cette dernière : sélection préalable, jury, lauréats ?

Les festivals en Suisse sont très souvent ciblés. Soleure pour les films suisses, Winterthur pour les courts métrages, Neuchâtel pour le cinéma fantastique, Locarno pour les films dits d'auteur.... Autrement dit, lorsqu'on se rend dans ces festivals, on sait plus ou moins à quoi s'attendre. Les surprises sont heureusement présentes, et il faut bien admettre que tous font un boulot fabuleux. Cependant malgré tous ces festivals, tout un pan du spectre cinématographique reste ignoré. Il se trouve que ce spectre recouvre tous les genres existants et qu'il ne présente qu'un seul dénominateur commun: une féroce volonté d'indépendance. Néanmoins il n'était pas question d'appeler le festival "Festival du Film Independant", cette notion étant totalement faussée par la main mise des gros studios sur les producteurs indépendants. Ce n'est pas le cas de tous, heureusement, mais il suffit de jeter un oeil au plus grand festival de films indépendants au monde, Sundance, pour s'apercevoir de la supercherie.

Il est vrai que la compétition est composée de films très différents, mais il est important pour nous de pouvoir aider d'une manière ou d'une autre les réalisateurs de ces films, la somme gagnée dans le cadre du festival pourra permettre la mise en oeuvre d'un autre film ou alors, vu que la somme n'est pas très élevée, donner une bonne dose de motivation pour continuer. Il nous est évidemment impossible de satisfaire tout le monde, du coup la compétition s'impose comme la solution idéale.

La sélection des films se fait en fonction des films reçus ou encore des films vus dans d'autres festivals. Le choix est évidemment fait en fonction de nos goûts personnels, c'est pourquoi le comité de sélection est composé de plusieurs personnes afin de ne pas avoir un style de films prédominant. Les jurys sont choisis en fonction de la compétition. Pour les films expérimentaux, il est clair qu'il est préférable d'avoir des gens qui connaissent ce cinéma pour pouvoir apprécier et juger les films à leur juste valeur. Ce sont donc des réalisateurs, distributeurs ou responsables de festival qui sont appelés. Pour les films de fiction, il nous semble qu'il n'est pas nécessaire d'être cinéaste ou d'avoir une connaissance accrue du cinéma pour pouvoir juger un film. Nous le faisons tous en tant que spectateur, et il est clair que n'importe qui est capable d'argumenter les raisons pour lesquelles il a apprécié un film ou non. C'est pourquoi nous pouvons trouver un musicien dans le jury des courts de fiction cette année, au milieu de metteurs en scène. Pour le reste, nos critères sont l'internationalité du jury, et nous tenons également à ce qu'il soit mixte. Pour le choix des lauréats, il faut plutôt demander aux jurys eux-mêmes. Je sais que personnellement j'aurai eu des choix très différents.

3. Cette année vous avez placé le festival dans une double filiation historique en présentant les films du groupe panique d'un côté Fernando Arrabal, Alejandro Jodorowski et Roland Topor. Vous avez aussi invité un spécialiste Bruce Jenkins responsable des archives cinématographiques de Harvard, qui a proposé 4 programmes remarquables sur le cinéma underground américain dans les années 1960 avec des cinéastes qui anticipent certaines pratiques devenues courantes aujourd'hui. Est-ce une tentative de définir plus précisément le festival et cette notion d'underground, une ouverture vers certaines formes d'art contemporain ?

Effectivement, ces programmes définissent assez bien ce que nous entendons par underground. A l'origine, les films issus du mouvement Panique ne sont pas à proprement parlé underground. Mais ils sont tellement atypiques et pas forcément évidents à voir - surtout sur grand écran - que leur présence me paraît justifiée. Si les films présentés par Jenkins sont fondamentalement différents, ils sont néanmoins complémentaires. Comme vous dites, les auteurs de ces films sont des précurseurs, ils ont une importance historique indéniable, la démarche créative de leurs géniteurs et les résultats à l'écran ont eu une influence énorme sur le cinéma contemporain, mais aussi sur la télévision, les vidéos clips... Et effectivement, ces mêmes personnes étaient des artistes pluridisciplinaires qui ont laissé leur empreinte dans le monde de l'art contemporain. Cet aspect sera peut-être un peu plus développé à l'avenir.

4. Le volet musical de la manifestation était très important et a largement contribué au succès du festival. Pourriez-vous nous dire quelques mots sur ce programme et la manière dont il s'associe au festival ?

En 2000, le festival de films était inclu dans un projet appelé Argos 2000, c'était une manifestation qui mélangeait photographie, cinéma et musique. Les concerts se déroulaient après les projections dans la même salle. Le concept était plaisant, il permettait de terminer une journée de visionnement sur une note festive, chose bien trop rare dans la plupart des festivals. Nous avons donc décidé de conserver ce concept. De plus, les créateurs de musique électronique aujourd'hui travaillent beaucoup avec l'image en projetant des films souvent visuellement très forts. D'habitude, la musique est utilisée au service d'un film, sur scène la situation s'inverse et le film agit au service de la musique, créant ainsi une dimension supplémentaire au concert.

Vous trouverez un autre entretien avec Julien Bodivit en suivant ce lien. (Il présente l'histoire du LUFF)

http://www.ohmygore.com/interviews/kerozene/kerozene.php

Le site du LUFF

Il donne les lauréats 2003, l'édition 2004 se déroule du 13 au 17 octobre 2004.

Patrick Schaefer, L'art en jeu, 3 décembre 2003

 
pour me contacter: infoat art-en-jeu.ch

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