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En 2010 Gillian Wearing propose un film de 83' Self Made.

Le musée Rodin à Paris présente Gillian Wearing, Confessions, portraits, vidéos jusqu'au 23 août 2009

Gillian Wearing a réalisé un monument public à Trento qui sera dévoilé le 16 juillet 2008.

Vu le film de Gillian Wearing Family History à la galerie Maureen Paley à Londres le 18 novembre 2006.

Il y a deux travaux un très court (2'56)sur un petit écran qui montre le décor dans lequel se déroule l'entretien (38') que l'on voit dans l'autre pièce et d'autre part une reconstitution du décor du salon où habitait Gillian Wearing à cette époque. Il propose un entretien supposé avec l'héroïne du premier reality shaw vu en Angleterre dans les années 1970, The Family. Une femme d'âge mûr raconte sa vie et l'effet que sa particpation à cette émission eut sur elle et sa famille.

La dernière production de Gillian Wearing Family History, 2006 est présentée sur ce site.

Gillian Wearing

Face à la réalité souvent insupportable de la vie et de la mort, l’art peut-il exister? Autour de cette question Gillian Wearing développe un travail intense.

Gillian Wearing fait l’objet d’une exposition à la Serpentine Gallery à Londres du 16 septembre au 29 octobre 2000. La pièce principale, Drunk, 1999 est une vidéo présentée sur trois écrans dans laquelle elle a filmé des alcooliques. La mise en scène est minimale dans la mesure où l’espace filmé est souligné par un drap placé sur le sol et contre le mur. Les personnages évoluent devant l’écran en toute liberté. Un conflit éclate, ils semblent sur le point de se battre, puis ils manifestent de l’affection les uns pour les autres ou bien sont totalement perdus, hébétés. L’un des écrans reste vide et parfois les personnages passent d’un écran à l’autre. Leur corps peut aussi être fragmenté sur les trois écrans comme dans l’image qui a été retenue pour l’invitation au vernissage (rappel des recherches de Gary Hill). Le plus souvent l’un des écrans est blanc, Wearing crée un rythme en faisant alterner l’image en noir et l’écran blanc. Elle explore toute l’ambiguïté entre le théâtre et l’observation du réel. Les personnages évoluant dans l’espace filmé sont imprévisibles, par contre il est évident que l’artiste peut travailler au montage. L’utilisation de trois écrans de grande dimension donne une véritable dimension picturale à cette réalisation. Et ces images ont la qualité d’une scène historique ou religieuse dans la peinture ancienne. C’est un ballet, une scène de théâtre, une peinture jouée sur la toile elle-même. Pourtant on sent très bien que les acteurs ne jouent pas, ils sont eux-mêmes, imprévisibles, doux ou violents, perdus dans leur monde, perdus pour le monde. Le rapport avec la peinture d’un côté et avec le théâtre de l’autre est très fort. Tout acteur jouant du Beckett devra étudier cette vidéo, car on pense immédiatement aux personnages de l’auteur Irlandais en la regardant à Ô les beaux jours notamment. L'unique différence réside dans le regard. Leur regard n’est pas celui, brûlant, brillant d’intensité et de plaisir d’un acteur, c’est un regard vide, morne, totalement absent. Elle a dû gagner la confiance de ces personnages. L’une des femmes est morte pendant le tournage. Wearing a réalisé une vidéo distincte, Prelude, 2000, dédiée à cette femme qui fut présentée dans l’exposition Intelligence à la Tate Britain. Elle propose un véritable chef-d’œuvre, si ce terme peut être employé face à la situation évoquée, une pièce particulièrement émouvante et impressionnante qui rejoint les plus grands moments de l’histoire de la peinture. En jouant la carte d’une intensité pathétique dans cette réalisation, Wearing propose une nouvelle étape dans sa réflexion sur le rapport de l’artiste au réel. Où est le jeu, où est la vérité, l’authentique ? Où se situe l’artiste? Quelle est la place du spectateur ? Qu’est-ce qui relève de la sphère privée ? A partir de quel moment le spectateur devient-il voyeur ? Enfin quelle est la spécificité de l’expression artistique, par rapport à une approche sociologique, journalistique ou politique ? Que peut-on montrer, dire ? Son travail se développe autour de ces thèmes. Elle tient à mettre le spectateur dans une situation inconfortable, tout en affirmant la maîtrise des moyens techniques auxquels elle recourt. Elle a beaucoup travaillé et développé sa maîtrise de la vidéo, tout en posant des questions fondamentales sur la nature et la place de l’expression artistique.
Gillian Wearing est née en 1963, elle a étudié à la Chelsea School of Art de Londres de 1985 à 1987 et au Goldsmiths’ College de 1987 à 1990.[1] Le premier travail qui l’a fait connaître est une critique du documentaire. Elle s’est attaquée à la photo-documentaire qui se fait à l’insu du modèle et qui est en réalité une construction du photographe. Intitulant cette série Signs that say what you want them to say and not Signs that say what someone else wants you to say, 1992-1993, elle a donné la parole aux personnes rencontrées en les associant à sa démarche. Cette série a beaucoup été montrée. Elle a même réalisé une seconde version en Italie. Par la suite, elle s’est fait connaître par des réalisations vidéo qui explorent la nature des relations entre les gens. Dans Sacha and Mum, 1996. (Video 4’ 30’’noir et blanc avec son, dimension variable), c’est la relation entre une mère et sa fille qui est mise en scène avec une extrême intensité. Elle fait alterner les moments de violence difficilement supportables et les instants de tendresse. Elle recourt, bien entendu, à des acteurs, mais l’utilisation de la vidéo a pu faire croire à une scène réelle, un reportage. Gillian Wearing raconte qu’elle s’est vue accuser d’encourager la violence entre parents et enfants et qu’elle a dû préciser qu’il s’agissait d’une scène tournée avec des acteurs, lors de l’exposition du Turner Prize, qu’elle a obtenu en 1997. Elle a su donner un rythme au montage en alternant les moments de conflit et de tendresse. Elle met en évidence les élans corporels d’agression ou de tendresse, d’une façon qui peut évoquer le mouvement d’un pinceau dans une composition gestuelle.[2]
Elle passe de la photographie à la vidéo, sans exclure au niveau de la perception du spectateur, l’évocation d’autres techniques comme la peinture et la sculpture. Elle refuse d’ailleurs de s’inscrire dans une tradition de la vidéo. Le sentiment d’une synthèse entre diverses techniques est particulièrement fort dans la pièce intitulée Sixty Minutes Silence, 1996. Une projection vidéo qui montre des policiers posant pour une photo. Ici aussi, bien que l’on puisse imaginer qu’il s’agit de vrais policiers, en réalité, elle a employé des acteurs revêtus du costume des bobbies. La durée, l’immobilité forcée renvoient aux premiers portraits par daguerréotypes. Dans cette métaphore du contrôle et de l’ordre où les policiers supposés contrôler les gens sont placés sous le contrôle du regard des spectateurs, elle relève une qualité sculpturale, un travail sur l’espace. Pourtant beaucoup de spectateurs frappés par l’association avec un portrait de groupe ont d’abord cru voir une peinture dans cette réalisation.[3] Elle a su mener très loin la confusion, ou la synthèse, entre les différentes techniques aussi bien au niveau de la réalisation qu’au niveau de la perception. Elle travaille sur le silence, l’attente. La vidéo devient une image presque fixe qui s’inscrit dans la durée. Le spectateur attend un développement comme les acteurs, pourtant rien ne se produit. L’attente a été vaine. Elle provoque ainsi une frustration aussi bien chez les acteurs que chez les spectateurs. Gillian Wearing refuse toute certitude au spectateur, tant au niveau de la bande sonore qu’au niveau de l’image, elle veut provoquer le doute chez celui qui regarde son travail.

En octobre 1999 à Londres, chez Maureen Paley, Interim art, j’ai vu une vidéo intitulée I love you. C’est une scène répétée plusieurs fois qui montre 2 couples rentrant d’une soirée en taxi. En sortant du taxi, l’une des femmes est saoûle, elle fait du bruit et se déplace en titubant, tombe. Les variations résident dans les divers comportements des accompagnants. Une fois ils la laissent seule, une autre fois c’est le mari qui tente de la calmer. En fait cette pièce renvoie directement à une œuvre de Bruce Nauman intitulée Violent Incident, 1986 qui met en scène de façon sarcastique, mais très violente, la virulence des échanges qui peuvent se développer dans un couple.[4]

Par les thèmes qu’elle aborde Gillian Wearing s’inscrit dans une tradition iconographique et littéraire dédiée aux pauvres et aux laissés pour compte. On peut penser à Murillo, aux frères Le Nain, à Zola. Cette tradition a trouvé sous une forme métaphorique, évoquant l’homme seul, perdu, confronté à l’absurdité de la vie et de la mort, une sorte d’apogée dans l’œuvre d’Alberto Giacometti d’une part et de Beckett d’autre part. Mais Gillian Wearing développe l’ambiguïté de la perception et de la représentation de la réalité et du jeu en tentant d’associer toutes les parties concernées à son travail. La réalité peut être dite, elle peut être montrée. Elle peut aussi être cachée par un masque, par des déformations du son, de l’image, par des effets de montage, par un jeu d’acteurs. Le spectateur est confronté à toutes ces possibilités. Elle exclut une catharsis, par l’inconfort, la gêne du spectateur, toute contemplation neutre ou passive devient impossible. La complexité de niveaux d’expression sur lesquels Wearing travaille, l’utilisation de la toile comme support de projections, la recherche de rythme, le triptyque dans la pièce Drunk imposent ausi une mise en parallèle avec les travaux de Francis Bacon.

 

Patrick Schaefer, octobre 2000, L’art en jeu

Notes

1 Russel Ferguson, Donna De Salvo, John Slyce, Gillian Wearing, Phaidon Press, London, 1999.

[2] Russel Ferguson, Donna De Salvo, John Slyce, Gillian Wearing, Phaidon Press, London, 1999, p. 24 « I really like the editing process. It’s the closest thing that you get to the old-fashioned way of making art. I can get quite obsessive about it. It’s one of the things I got out of painting : all of a sudden I get totally into it and no one can tear me away. » Elle compare le travail du montage à celui de la peinture.

[3] Russel Ferguson, Donna De Salvo, John Slyce, Gillian Wearing, Phaidon Press, London, 1999, pp. 13-14 : “I wanted to combine the sensibility of painting and sculpture with the sensibility of photography, but nothing tricksy, just something very simple.”… « The majority of people who saw it when it was shown at the Tate Gallery compared it to painting, but because to me these people were standing like statues, I saw it as sculpture. 

[4]  Une exposition temporaire de la Tate Gallery Liverpool, intitulée Violent Incident du 27 mars 1999 au 6 février 2000 a rapproché l’œuvre de Nauman de Sacha and Mum de Gillian Wearing.

Trois des vidéos que je présente dans l'article ci-dessus sont visibles au Kunsthaus de Glaris sous le titre Gillian Wearing, Trilogy du 27 janvier au 1er avril 2002. http://www.kunsthausglarus.ch

Les derniers travaux de Gillian Wearing sont présentés au Museum of contemporary art de Chicago du 19 octobre au 19 janvier 2003.

Patrick Schaefer, L'art en jeu, 2002

Patrick Schaefer, L'art en jeu 2008

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