Mr Turner. Une incarnation bienvenue

Une incarnation bienvenue

Alors que les cinémas ont de plus en plus de difficultés à conserver et renouveler leur public, on voit les grandes expositions attirer des foules toujours plus importantes. L’industrie cinématographique v-a-t-elle se tourner vers ces blockbusters ? Si elle sait trouver des cinéastes aussi brillants que Stephen Frears dans Mr Turner, on ne pourrait que s’en réjouir !

Stephen Frears s’est fait remarquer par des comédies comme Dirty Pretty Things en 2002, Tamara Drewe en 2010, où il a su rendre une atmsophère. On retrouve ce sens de la reconstitution d’une atmosphère dans Mr Turner. Avec pas mal d’empathie pour cet étrange héros, à la fois reconnu et mal compris par ses contemporains et de nos jours. Frears nous rend attentif au fait qu’il n’y a pas que des paysages et des couchers de soleil dans l’œuvre de Joseph Mallord William Turner (1775 – 1851), mais aussi une quantité d’événements, de personnages qui sont liés à l’actualité de son temps, à la vie quotidienne dans laquelle il était plongé. C’est ainsi que cette incarnation du peintre devient intéressante, car on voit les gens qu’il rencontre, les problèmes qui le préoccupent. Frears insiste sur l’évocation du trafic d’esclaves et l’arrivée du chemin de fer, mais aussi la peinture d’histoire et l’importance de la marine anglaise. En fait, ce film propose une lecture approfondie des toiles de Turner et nous invite à aller les regarder de plus près. La reconstitution de certaines toiles comme Le Dernier retour du Téméraire ( un événement qui eut lieu en 1838) qui se trouve à la National Gallery à Londres est stupéfiante. L’incarnation de John Ruskin en jeune surdoué, insupportable de pédanterie, mais pertinent dans ses remarques et appréciations est très réussie. La mise en contexte des mœurs de l’époque ou des comportements, jalousies, des autres artistes, aussi, avec l’évocation du peintre Benjamin Haydon 1786 – 1846 qui fut souvent emprisonné pour dettes et finit par se suicider.

La reconstitution des expositions de la Royal Academy qui se tinrent à Somerset House jusqu’en 1836, dans les salles où l’on visite la collection du Courtauld Institute aujourd’hui est excellente.

L’évocation de l’apparition du daguérréotype, des premiers portraits photographiques, également.

Le film propose une suite de reconstitutions admirables et soigneusement documentées. La carrière de Turner s’étend sur près d’un demi-siècle, elle va des guerres napoléoniennes à l’inauguration du Crystal Palace. Tous ces événements sont évoqués, mais il est peut-être parfois un peu difficile de suivre la chronologie. Curieusement aussi dans la première partie du film le personnage du père de l’artiste qui semble avoir le même âge ou être même plus jeune que le peintre crée une certaine confusion. Ce film peut se comparer au film Amadeus de Milos Forman (1984) par la justesse du point de vue et la pertinence de l’incarnation du peintre, on ne pourra plus regarder un Turner sans y penser.