Louise Bourgeois

Le musée of modern art de New York a lancé un site recensant toutes les gravures et livres illustrés de Louise Bourgeois. http://www.moma.org/explore/collection/lb/index

Bâle le 2 octobre 2011

La Fondation Beyeler présente Louise Bourgeois. A l’infini jusqu’au 8 janvier 2012.

Une vingtaine de sculptures et travaux sur papier et en tissu appartenant à toutes les périodes d’activité de l’artiste sont présentés dans les salles consacrées à la collection de la Fondation Beyeler. Au sous-sol on découvre les 220 dessins de la série Insomnia Drawings et une grande installation Passage dangereux, 1997.

Louise Bourgeois 25 décembre 1911 – 31 mai 2010

On apprend le décès de Louise Bourgeois. Je ne pratique pas la nécrologie sur ce site, mais comme il s’agit de l’artiste que je préfère, je vais faire une exception en mentionnant cette information. La dernière rétrospective à la Tate de Londres et à Beaubourg a mis l’accent sur l’importance de Louise Bourgeois comme sculpteur dans l’art du XXe siècle. Si cette approche visant à l’insérer à sa juste importance dans une histoire de l’art était tout à fait légitime, il faut pourtant relever que ce qui a fait la seconde vie de Louise Bourgeois, c’est incontestablement la manière dont elle a su utiliser la narration et l’autobiographie comme source de créativité. Seconde vie, car il faut rappeler que c’est à l’âge où la plupart des gens sont supposés prendre leur retraite que sa carrière a réellement pris un essor considérable. Certes elle avait toujours travaillé et exposé, mais le succès des trente dernières années s’est révélé particulièrement stimulant et lui a permis de montrer une énergie stupéfiante dans ses travaux basés sur l’invocation de la mémoire personnelle.

Un documentaire sur Louise Bourgeois est sorti en décembre 2009: Louise Bourgeois: l’araignée, la maîtresse et la mandarine de Marion Cajori et Amei Wallach.

Tate Modern, Londres: Louise Bourgeois jusqu’ au 20 janvier 2008

La rétrospective Louise Bourgeois à la Tate Modern à Londres se concentre sur l’activité de sculpteur de cette artiste. Elle met clairement en évidence plusieurs périodes bien distinctes dans l’évolution du travail et fait ressortir l’énergie d’une démarche qui se renouvelle et concrétise à chaque fois des idées différentes.

L’exposition présente également des peintures, des dessins et des gravures où l’on voit apparaître les thèmes qui seront développés par ailleurs. Elle se caractérise pourtant par le souci de mettre en évidence l’impact plastique des oeuvres de Louise Bourgeois, plutôt que les éléments narratifs que l’on connait par ses dessins, gravures et les livres qui lui sont consacrés.

Le parcours est divisé en une dizaine d’espaces. Dans les 4 premières salles ce sont les travaux en bois, éléments érigés souvent peints qui évoquent des figures. Dans les années 1960 on constate une rupture complète avec le développement de pièces molles issues du plâtre, du latex, puis traduites en marbre à partir de 1967 ou en bronze avec l’exploration de l’horizontalité et la première cellule très impressionnante The Destruction of the Father de 1974. Elles évoquent des fragments sexuels du corps, des bulbes atteints parfois de multiplication inquiétante.

A partir de 1980, elle développe la série monumentale des cellules, chambres grillagées, cages dans lesquelles sont rassemblés une quantité d’éléments appartenant au récit qui nourrit sa production. On voit aussi le thème de l’araignée qui synthétise les éléments autobiographiques, les références au tissage, à l’atelier familial consacré aux tapisseries anciennes. Depuis quelques années elle réemploie des tissus trouvés chez elle pour faire des poupées, des tours formées de coussins superposés. La dernière salle rassemble des oeuvres de petites dimensions, sculptures et dessins appartenant à différentes périodes.

L’exposition sera visible au centre Pompidou à Paris du 5 mars au 2 juin 2008, puis aux Etats-Unis.

Tate Modern, Londres jusqu’au 20 janvier 2008.

Patrick Schaefer, L’art en jeu, 18 octobre 2007


Quelques réflexions sur Louise Bourgeois( 25 décembre 1911 – 31 mai 2010).

Louise Bourgeois est née à Paris en 1911. Ses parents dirigeaient un atelier de restauration de tapisserie ancienne à Choisy-le-Roi. Elle a épousé l’historien d’art américain Robert Goldwater. Après son mariage elle a émigré aux Etats-Unis. On assiste chez Louise Bourgeois à la mise au premier plan de l’autobiographie(1). Elle envahit tous les livres produits avec sa collaboration. Ce regard sur soi-même s’avère incroyablement fécond, toutes ses créations renvoient explicitement à l’autobiographique. L’artiste se prête très volontiers au jeu du commentaire de ses œuvres. Elle construit plusieurs récits par les photographies, par le texte ou encore par les entretiens. Face à une personne qui associe aussi brillamment le discours à son expression graphique et plastique, on hésite à s’exprimer, car le risque est grand de se limiter à un résumé ou à une répétition partielle de ce qu’elle dit ou écrit.

L’oeuvre d’art est pour Louise Bourgeois un moyen d’exploration intérieure. Elle la comprend comme réaction aux émotions, aux souvenirs, à la difficulté d’être. Ses dessins mettent en évidence la fécondité d’une plongée intense dans la mémoire, le trait et les mots sont intimement liés. Art is Memory, écrit-elle. Ils fonctionnent comme des sources, un répertoire d’idées, un point de départ à des élaborations plus complexes en fonction des demandes, des opportunités. Il y a d’abord les gravures et les sculptures, puis les installations et les expositions. Il existe aussi un caractère de performance dans certaines actions menées par l’artiste ou avec son soutien que l’on retrouve dans les expositions et dans certains livres.

On ressent face à ces compositions un tourbillon d’énergie, inspiré par cette descente au fond d’elle-même. Pour cette raison peut-être la spirale est un motif récurrent dans ses travaux.

Impossible chez Louise Bourgeois de distinguer un développement chronologique, car elle reprend des dessins à 40 ans d’intervalle lorsqu’ils évoquent une situation qui la touche. Pour les gravures, elle utilise ses dessins anciens d’après l’ouvrage Louise Bourgeois Drawings paru en 1988 notamment. Les sculptures reposent aussi sur des idées élaborées sous forme de dessins, il y a fort longtemps. L’évolution récente montre les immenses stimulations apportées par le succès et la reconnaissance publique qui lui a permis de multiplier les installations et les expositions au cours des 15 dernières années. On constate l’ampleur des élaborations sculpturales qu’elle développe, qu’elle concrétise après des années. Ainsi après avoir vu les trois tours exécutées dans le hall de la Tate Modern, regarde-t-on ses gravures des années 1940 (He disappeared into Complete Silence, 1947), réalisées peu après une rencontre avec Le Corbusier, d’un regard neuf.

Elle est l’auteur d’images fortes qui sont devenues emblématiques. La première série des femmes-maison date de 1945-1947. (En 1976, l’une de ses figures est reproduite sur la couverture d’un livre édité par Lucy R. Lippard, From the Center, Feminist Essays on Women’s Art). On observe aussi le développement de nouveaux thèmes les araignées, les cellules, l’œil.

Avant tout un sculpteur, elle a fait des sculptures en balsa avec des figures prises dans un cadre; puis elle est passée au travail du marbre, du plâtre, le tissu, la broderie et enfin à ces installations complexes très denses qui ressemblent à des chambres de torture. Intitulées Cells depuis 1991 et Red Rooms dès 1995, elles suggèrent l’enfermement, la claustrophobie, la violence ou l’intimité.

Ses gravures sont des gravures de sculpteur, elle utilise la pointe sèche et recherche des rythmes, des intensités de noir qui produisent des effets de bas-reliefs. Importante aussi l’idée de la vue, du regard de l’extérieur vers l’intérieur et de l’intérieur vers l’extérieur: traverser, voir à travers, voir ou ne pas voir, être aveugle. La relation avec l’autre est un autre élément fondamental dans son travail. Cette relation peut s’exprimer par l’évocation du couple, de l’acte sexuel ou de la relation mère-enfant. Elle exprime la naissance, la souffrance, le viol ou le plaisir dans ses figures, insistant sur la relation entre les êtres. Poursuivant inlassablement une interrogation sur l’identité sexuelle de l’être représenté, elle utilise les métamorphoses, les glissements d’images pour exprimer ce questionnement. L’ambiguïté d’une identité, le double et la quête passionnée d’un passé, affirmée avec force, caractérisent sa démarche.

Par ailleurs elle est fascinée par la fragmentation du corps, par la mise à nu et la dissection, l’écorchement, ou la vue des os. A propos de cette représentation du corps fragmenté, la comparaison avec Bruce Nauman est intéressante. L’intensité est différente chez Nauman qui recherche le mouvement et un impact plastique maximal. Il y a un aspect obsessionnel et rituel chez lui, alors que chez Louise Bourgeois il y a une véritable possession qui passe par l’intimité, l’introspection. Nauman rejette la dimension narrative; Il adopte un point de vue factuel, très brutal, beaucoup plus analytique.

Louise Bourgeois revisite les grandes figures de la peinture occidentale sous un angle féministe lorsqu’elle crée par exemple le personnage de St Sébastienne. La femme à la longue chevelure que l’on rencontre souvent est un autoportrait, mais c’est aussi un rappel iconographique de Marie l’Egyptienne qui était représentée ainsi.

Il existe une relation frappante entre l’œuvre de Louise Bourgeois et celle de Francis Bacon. Les cellules évoquent les cages dans lesquelles Bacon enferme ses personnages. Les figures de Louise Bourgeois poussent des cris, proches de ceux qui sont hurlés par les personnages de Bacon. L’Arched Figure inspirée par des photographies d’expériences de Charcot peut aussi évoquer les références à la Crucifixion et à la douleur telles qu’elles ont été montrées par Bacon. Elle a d’ailleurs reconnu son admiration pour Bacon dans les entretiens, Louise Bourgeois, Destruction of the Father, Reconstruction of the Father, writings and interviews 1923-1997, edited and with texts by Marie-Laure Bernadac and Hans-Ulrich Obrist, Violette Editions, London, 1998, p. 229 et p. 269. La conscience du regard, la présence d’un observateur extérieur, la mise à nu d’une intimité sont toutes des caractéristiques communes aux travaux des deux artistes.


(1) Le numéro de l’Oxford Art Journal, vol. 22, number 2, 1999 consacré à Louise Bourgeois tente de se distancer de ce discours. Il présente des articles sur l’artiste qui relèvent d’approches appartenant à l’histoire de l’art et à l’histoire culturelle illustrant des points de vue très différents. Soit en la situant par rapport à une influence de la préhistoire, soulignant les parallèles entre certaines sculptures et des vues de grottes préhistoriques ou des statues de cette période (Anne M. Wagner, Bourgeois Prehistory, or the Ransom of Fantasies). Soit en rappelant la manière dont elle fut associée au courant postminimaliste incarné par des artistes beaucoup plus jeunes comme Bruce Nauman et Eva Hesse (Briony Fer, Objects Beyond Objecthood), ou encore en examinant comment elle prend en compte la réaction et l’impact sur le spectateur dans ses œuvres (Alex Protts, Louise Bourgeois – Sculptural Confrontation), en abordant la pièce Destruction of the Father, 1974, comme rupture avec le modernisme, affirmation de la narration, Mignon Nixon, Eating Words), soit en la situant dans le mouvement des études féministes (Griselda Pollock, Old Bones and Cocktail Dresses : Louise Bourgeois and The Question of Age) ou encore dans l’approche particulière de (Mieke Bal Narrative Inside Out : Louise Bourgeois’ Spider as Theoretical Object).

Quelques références bibliographiques (les catalogues d’expositions comprennent une bibliographie très complète).

The Prints of Louise Bourgeois, The Museum of Modern Art, New York, 1994).

Emmanuel Pernoud, Louise Bourgeois. Estampes, Bibliothèque nationale de France, Paris, 1995.

Louise Bourgeois, Zeichnungen und Beobachtungen, von Louise Bourgeois mit Lawrence Rinder. Vorwort Josef Helfenstein, University Art Museum and Pacific Fil Archive, University of California, Berkeley, Wiese Verlag Basel, 1996 (interviews 1995).

Jerry Gorovoy, Pandora Tabatabai Asbaghi, Louise Bourgeois, Blue Days and Pink Days, fondazione Prada, Milan, 1997.

Louise Bourgeois, Destruction of the Father, Reconstruction of the Father: Writings and Interviews 1923-1997, edited and with texts by Marie-Laure Bernadac and Hans-Ulrich Obrist, Violette Editions, London, 1998.

Louise Bourgeois, Destruction du père / Reconstruction du père, 408 pages,  Daniel lelong éditeur, 2000.

Oxford Art Journal, vol. 22, number 2, 1999.

Danielle Tilkin, Jerry Gorovoy (eds.), Louise Bourgeoi

s: Memory and Architecture, catalogue de l’exposition, Madrid, Museo Nacional de Arte Reina Sofia, 1999.

Louise Bourgeois, The Insomnia Drawings, textes de Marie-Laure Bernadac, Elisabeth Bronfen, Daros, Zurich, 2000, 2 vol.

Louise Bourgeois, Zeichnungen und Skulpturen, catalogue de l’exposition, Bregenz 2002.

Patrick Schaefer, L’art en jeu, 8 janvier 2003

Il y a toujours des expositions Louise Bourgeois en cours. par exemple:

La collection Daros à Zurich présente jusqu’au 12 septembre 2004 un ensemble important d’oeuvres de Louise Bourgeois. Les 220 dessins d‘Insomnia drawings, d’autres dessins, une sélection de sculptures de différentes périodes, ainsi que quelques peintures.

www.daros.ch

A Bielefeld la Kunsthalle présente Louise Bourgeois. La famille jusqu’au 5 juin 2006, Une exposition qui réunit 120 oeuvres (peintures, dessins, gravures, sculptures, broderies) autour du thème central de la famille chez cette artiste.

La Tate Modern à Londres annonce une exposition Louise Bourgeois du 11 octobre 2007 au 27 janvier 2008.

Berne 18 janvier 2007

Au musée des beaux-arts de Berne une petite salle est consacrée à Louise Bourgeois pour présenter un portefeuille de 19 sérigraphies et lithographies sur le thème de la Fugue. L’album avec les dessins originaux est également visible jusqu’au 8 avril 2007.

Le site de l’atelier de sérigraphie de New York qui a imprimé ces travaux permet de les voir tous reproduits: http://procuniarworkshop.com/artists