Carol Rama

Lausanne 1er novembre 2020

Musée cantonal des beaux-arts: Kiki Smith, Hearing You with my Eyes jusqu’au 10 janvier 2021

Fille du sculpteur Tony Smith, Kiki Smith (1954) est fascinée par le corps humain et une expression fragile de la plasticité, du volume. Elle met le corps à plat en le fragmentant, montrant l’intérieur: fluide, viscères et l’extérieur, peau, membres. Kiki Smith part de son propre corps en le moulant et multiplie les autoportraits. Par ailleurs, elle introduit une vaine narrative, mythologique avec l’évocation de l’homme-animal, la métamorphose. Elle s’exprime par de grands dessins réalisés sur des feuilles de papier Népal, explore différentes techniques d’estampe, lithographie, taille-douce, gaufrage, pliage. La traduction de cet univers dans des tapisseries monumentales est un autre aspect largement représenté dans l’exposition. Kiki Smith a fait l’objet de deux expositions récentes à Salzburg et à la Monnaie de Paris, ses travaux sont également visibles dans la nouvelle succursale de la Pace Gallery à Genève. En 2013, elle avait été largement représentée dans l’exposition les Papesses, collection Lambert au Palais des Papes à Avignon, aux côtés de quatre artistes femmes du XXe siècle. ( Camille Claudel, Louise Bourgeois, Jana Sterbak et Berlinde de Bruyckere).


La passion selon Carol Rama. Musée d’art moderne de la ville de Paris jusqu’au 12 juillet 2015

La rétrospective Carol Rama (1918- 2015) est une vaste exposition de l’artiste turinoise qui voyage à travers l’Europe, elle a été présentée à Barcelone et des étapes sont prévues à Dublin et à Turin. Carol Rama a commencé à dessiner très jeune et ses premières expositions firent scandales et furent même censurées. Par la suite, elle a développé une œuvre originale certes, mais qui n’est pas totalement à l’écart des grands courants de son temps. Abstraction, nouveau réalisme, arte povera en particulier. Elle a mis l’autobiographie au centre de son inspiration. Issue d’une famille d’industriels actifs dans l’automobile, puis la bicyclette, elle s’inspira des matériaux laissés par son père qui fit faillite et se suicida en 1942 pour créer ses œuvres. Lorsqu’on parcourt cette rétrospective on ressent des échos de l’abstraction des années 1950, on pense aussi à Wols ou à Dubuffet, puis c’est le nouveau réalisme ou le pop art qui laissent des traces. Dès la fin des années 1960, elle utilise avant tout des chambres à air de vélos dans ses travaux. Elle suggère ainsi des proximités avec l’arte povera, mais aussi la soft sculpture qui se développe à ce moment. A partir des années 1990, Carol Rama va évoquer le drame de la vache folle et s’inspirera de cette catastrophe écologique dans toutes ses oeuvres. On découvre ainsi une personnalité singulière à la fois marginale et centrale comme il en existe tant.

J’ajoute à cette page des articles anciens qui traitent de thèmes voisins.


Paris 17 décembre 2013 Musée d’Orsay

Masculin / Masculin jusqu’au 2 janvier. De l’art ( du très grand art!) de donner un titre à une exposition. Annoncer L’académisme de 1800 à aujourd’hui et vous n’aurez personne ; intituler l’exposition Masculin/ Masculin, introduisez dix travaux de Pierre et Gilles, dont une photo de 3 footballeurs nus vus de face et c’est la ruée ! La démarche peut être critiquée, pourtant c’est une manière amusante de répondre aux attentes du public, et c’est l’occasion de rassembler des artistes intéressants, injustement négligés par le courant des expositions à succès, dont les fonds des musées regorgent ! Cela relativise les distinctions et les échelles de valeur, mais l’on est bien loin des gender studies. Voici quelques-uns des thèmes autour desquels les oeuvres ont été regroupées: l’idéal classique ( Prix de Rome 1807, 1812); le nu héroïque; les dieux du stade (Breker!); nuda veritas ( Schiele/ Lucian Freud); dans la nature ( Bazille / Cézanne/ Hodler); dans la douleur (Francis Bacon); le corps glorieux; l’objet du désir ( David Hockney). Si l’exposition propose beaucoup de grands noms Schiele, Moreau par exemple, il faut relever qu’un pourcentage non négligeable des toiles exposées ici a été rejeté pendant longtemps, qualifiées d’académiques, voire même de croûtes et c’est peut-être l’occasion de les percevoir autrement quoique…? J’ai observé un moment le public dans la salle qui contient l’oeuvre de Pierre et Gilles, mentionnée ci-dessus, qui propose par ailleurs des toiles superbes comme L’ange déchu, 1847 de Cabanel et j’ai constaté que personne ne les regarde !


Berne 9 novembre 2013

Le Kunstmuseum de Berne présente Le sexe faible. Nouvelles visions de l’homme dans l’art , 18 octobre – 9 février 2014. Depuis quelques années j’ai réuni les comptes-rendus d’expositions qui ont des points communs sur la même page. Pour cette dernière, j’hésite à la placer entre deux pages, l’une est consacrée à l’exposition Desire en 2002 à Londres, qui évoquait le désir dans le surréalisme et sur laquelle j’ai placé d’autres expositions qui traitaient de thèmes similaires; ou bien sur une autre page consacrée au féminisme. En effet, l’exposition du musée de Berne oscille entre ces deux aspects, deux renversements celui de la représentation du désir à travers le regard de la femme sur l’homme et non l’inverse et celui d’une approche féministe.

L’exposition organisée thématiquement, suit aussi une certaine chronologie et parvient à rendre compte de cette évolution d’une façon très intéressante, à partir des fondements militants des années 1970 et leurs conséquences. Elle rassemble une quarantaine d’artistes dont une dizaine sont Suisses. Sous le titre, Force et faiblesse, la première des six sections réunit les photos d’hommes célèbres qui pleurent par Sam Taylor-Johnson, une suite de dessins de Nedko Solakov, et Les larmes d’acier 1987 de Marie-Jo Lafontaine, une grande installation vidéo qui évoque les contradictions de la force physique ; expériences (2): Valie Export, Urs Lüthi, Manon ( Manon presents Man, 1976, six attitudes stéréotypées d’hommes dans une vitrine) ; émotions (3) plutôt homosexuelles: le néo expressionnisme, Martin Disler, Josef Felix Müller, Paul Mac Carthy, un film récent de Jesper Just, It will all end in tears, 2006, 20′; érotisme (4): Gélitin, Tracey Moffatt, Heaven, 1997 qui montre au téléobjectif de superbes surfeurs australiens en train de se changer, les peintures d’Elke Silvia Krystufek, regards de femme sur des hommes nus; critique en crise (5): Peter Land, Costa Vece, Pascal Häusermann; la virilité comme mascarade (6): Ugo Rondinone, Sarah Lucas. L’exposition s’inscrit dans la continuité de celle intitulée Ego Documents, sur l’autobiographie dans l’art contmporain, 2008 – 2009. ( Rappelons-nous qu’en 1995 le centre Beaubourg, présentait Féminin – Masculin- le sexe de l’art).


Avignon jusqu’au 11 novembre 2013

Les Papesses à la Fondation Lambert et au Palais des Papes jusqu’au 11 novembre. Une présentation de 5 artistes femmes du XXe siècle. Camille Claudel (1864 – 1943), Louise Bourgeois, (1911 – 2010), Jana Sterbak (1955), Berlinde de Bruyckhere (1964) et Kiki Smith (1954). L’exposition révèle d’étonnants parallèles entre Jana Sterbak et Louise Bourgeois, les rapprochements Camille Claudel et Berlinde de Bruyckhere fonctionnent bien également, par contre je comprends moins la présence de Kiki Smith qui occupe une large place dans les deux lieux.

Dans toutes les salles de la Fondation Lambert et dans plusieurs espaces du Palais des Papes on retrouve associées selon des rythmes variables, les oeuvres de ces 5 artistes femmes. Les bronzes ou les plâtres de Camilles Claudel (25 oeuvres), sont souvent rapprochés des travaux de Berlinde de Bruychere qui évoquent des chevaux. Parfois les artistes sont exposées seules dans un espace distinct. Jana Sterbak a créé plusieurs pièces pour l’exposition comme cette tour de matelas dans l’une des salles du Palais qui évoque certains travaux en tissu de Louise Bourgeois, d’une manière générale on sent qu’il y a des parallèles entre son travail et celui de Louise Bourgeois et que pour les oeuvres créées pour l’exposition elle s’est laissé conduire (très bien) par cette inspiration. De Louise Bourgeois, on découvre des sculptures, des gravures et des dessins. Les 4 sculpteurs se complètent admirablement. Les oeuvres graphiques de Kiki Smith sont largement mises en évidence, ainsi que des reliefs assez narratifs qui se détachent du mur. Presque tout le rez de la Fondation Lambert lui est consacré et l’on trouve de nombreux travaux au Palais des Papes. Mais elles sont plus narratives et n’ont pas le même impact plastique que les 4 autres artistes.


Kunstmuseum Berne Tracey Emin 20 Years jusqu’au 21 juin 2009

La rétrospective Tracey Emin proposée par le musée de Berne s’inscrit dans la continuité de l’exposition Ego Documents traitée ci-dessous. En effet Tracey Emin (1963) se prend comme unique sujet de son activité artistique. Lors de la conférence de presse, elle a même expliqué qu’elle avait envisagé de s’inscrire à l’université pour écrire une thèse sur elle-même. Entre temps elle a reçu trois docteurs honoris causa d’institutions britanniques qui l’ont amené à renoncer à ce projet. L’exposition a été réalisée par la National Gallery of Scotland, elle a également été montrée à Malaga. On découvre les divers aspects de l’activité artistique de Tracey Emin tournée vers l’autobiographique après un jeunesse très chahutée. Elle écrit beaucoup et publie régulièrement une chronique  » My Life in a Column » dans The Independent. L’exposition associe des travaux de plusieurs périodes et confronte, films, installations, couvertures (ces grands patchworks de textes), dessins, peintures et monotypes. Les salles sont organisées autour de thèmes autobiographiques, la mère, le père, par exemple. Le fameux lit présenté au Turner Prize de 1999 occupe une place importante dans cette présentation et plus loin la question de l’avortement et l’angoisse de vivre sans enfant devinrent une préoccupation centrale. Parallèlement aux installations susceptibles de faire scandale Tracey Emin a toujours dessiné et réalisé des monotypes. Actuellement, elle semble se tourner vers la peinture. Elle prend son corps comme sujet, il y a toutefois une exception avec une salle consacrée à des dessins d’oiseaux. L’alternance des diverses formes d’expression, la continuité et l’évolution du travail montrent la richesse de la démarche, tout en soulignant la fragilité de son statut. Présente à la conférence de presse, elle révèle une grande honnêteté et un rayonnement assez étonnant.

Le musée de Berne organise un symposium sur Tracey Emin le 16 mai 2009.

Patrick Schaefer, l’art en jeu 20 mars 2009.


2009 Ego Documents Berne La part autobiographique dans l’art contemporain

Le musée des beaux-arts de Berne propose une exposition intitulée Ego Documents jusqu’au 15 février 2009. Confiée à la nouvelle conservatrice responsable de l’art contemporain, Kathleen Bühler, elle associe des créations de jeunes artistes réalisées in situ à des oeuvres plus anciennes sur le thème de l’autobiographie, de la documentation privée comme source d’inspiration dans l’art contemporain. Depuis une quarantaine d’années, le moi occupe une place centrale dans la création artistique.

Le musée des beaux-arts de Berne propose d’examiner cet aspect des expressions actuelles en mettant en relation des oeuvres toutes récentes commandées pour la circonstance et des travaux plus anciens qui proviennent des collections de l’institution ou de prêts. Une typologie est mise en évidence entre le récit autobiographique, la collecte de documents personnels ou la mise en scène d’expériences. Quatre parties ont été mises en évidence: 1. Récits autobiographiques et documentation de vie; 2. l’individu face à la grande histoire; 3. le monde des expériences subjectives et enfin 4. la méditation sur le temps qui passe, les formes actuelles du memento mori. (Il existe d’ailleurs une relation entre cette exposition tournée vers la vie et une exposition antérieure, conçue par Bernard Fibicher, Six Feet Under, consacrée à la mort.)

Ces quatre thèmes ont permis de sélectionner les oeuvres, mais ne sont pas présentés en bloc, ils se mélangent dans l’exposition. La première salle met en relation des estampes de Louise Bourgeois, Autobiographical series, 1994, des dessins Hotel Zeichnungen, 1987 – 1997 de Martin Kippenberger sur du papier à lettre d’hôtel et l’installation d’une artiste autrichienne, sélectionnée pour le pavillon de son pays à la Biennale de Venise 2009, Elke Krystufek (1970). Elle associe une série d’autoportraits à un journal de bord inscrit sur les murs de l’espace et une vidéo dans laquelle elle apparaît sous différents costumes. Dans la salle suivante on voit d’un côté la réflexion sur le temps qui passe avec les portraits photographiques de soeurs Brown de 1975 à 2007 par Nicholas Nixon et de l’autre les travaux d’On Kawara qui mettent en relation des dates et des coupures de journaux. Les travaux de 21 artistes ont ainsi présentés. Signalons encore une grande installation d’Isabelle Krieg (1971) qui a vidé son atelier et tout amené au musée sous le titre Curriculum, ou les aquarelles réalisées d’après des albums de photos par Laura Lancaster (1979). Alors que les talk shaws exhibitionnistes se multiplient et que le web foisonne de blogs qui racontent les détails de la vie de chacun, on peut se demander quelle place reste aux artistes. Cette exposition tente d’apporter une réponse en présentant quelques précurseurs comme l’artiste underground américaine Carolee Schneemann (1939) qui a filmé sa vie de couple au plus intime entre 1964 et 1971 et des approches actuelles. En filigrane on pourrait adresser une question aux artistes sont-ils à travers eux-mêmes à la recherche d’une sorte de paradis perdu ou veulent-ils affirmer quelque chose de nouveau? La prédominance de l’autobiographie et du moi est aussi révélatrice des doutes qui marquent les créations actuelles.


26 août Zurich 2006

Migros Museum

It’s time for action (there’s no option) About feminism (2006) jusqu’au 22 octobre ( Patty Chang, Mary Beth Edelson, Katharina Sieverding, Manon, Mathilde ter Heijne, Cosey Fanni Tutti, Yoko Ono, Pipilotti Rist, Annie Sprinkle).

Cette exposition présente des démarches artistiques qui mettent en question la « neutralité du regard » posé sur la femme. Elle est à l’opposé d’une exposition comme Eros proposée par la Fondation Beyeler en ce moment qui se contente de mettre en parallèles deux visions érotiques de la femme chez Rodin et Picasso! Ici en effet sont réunis les travaux d’artistes féministes appartenant à plusieurs générations. La reconstitution de réalisations des années 1970 va de pair avec la présentation de démarches actuelles.

Les découpages de Mary Beth Edelson (1933) accueillent le visiteur avec une guirlande de bestioles étranges. Elle occupe également la grande salle du fond avec ses collages qui développent une réflexion sur la place et l’image de la femme dans l’histoire de l’art ou le cinéma. Katharina Sieverding (1944) réalise des photos de grands formats avec son autoportrait, elle reprend aussi un travail de 1974 dans lequel elle superposait son portrait et celui de son compagnon. De Patty Chang (1972), la plus jeune artiste dans cette présentation, on découvre une vidéo où elle ouvre son sein pour y manger comme dans un melon, Melons (At a Loss) 1998. D’Annie Sprinkle (1954) une série de photographies de seins, Bosom Ballet 1984 – 1991 sont accrochés. Mathilde ter Heijne (1969) a poursuivi un long travail de recherche sur des femmes oubliées, inconnues, elle réalise des cartes postales avec ces portraits de femmes anonymes avec au dos les biographies d’autres femmes exmplaires, proposées sur des tourniquets de cartes postales. Le visiteur peut les emmener donnant ainsi une célébrité tardive à ces figures. Cosey Fanni Tutti (1951) présente des travaux anciens et militants, alors qu’elle explorait le domaine du striptease. Elle a depuis évolué dans le domaine musical. De Manon (1946) une installation Le boudoir saumon de 1974 est reconstituée. On découvre encore un clip pour Walking on Thin Ice de Yoko Ono (1933) et une vidéo des débuts de Pipilotti Rist (1962).

A noter que le musée Ludwig à Cologne consacre une exposition aux questions de genre et changement de sexe dans l’art depuis les années 1960.

Das achte Feld – Geschlechter, Leben und Begehren in der Kunst seit 1960 jusqu’au 12 novembre 2006.

Un site sur les artistes femmes The Varo Registry of Women Artists