Expositions Matisse

Je rassemble sur cette page les compte-rendus d’expositions consacrées à Matisse et aux Fauves vues depuis 2003.

Lausanne  21 juin 2018

Fondation de l’Hermitage, Henri Manguin, la volupté de la couleur jusqu’au 28 octobre 2018

La Fondation de l’Hermitage présente en collaboration avec le musée des impressionnistes à Giverny l’oeuvre peint et dessiné d’Henri Manguin. Un artiste né en 1874 décédé en 1949, qui eut de nombreux liens avec des collectionneurs suisses et la famille Vallotton. Il fut un peintre heureux qui connut rapidement le succès. Manguin bénéficia tôt du soutien d’Ambroise Vollard qui fit de lui un peintre reconnu et aisé. Tourné vers sa famille, son épouse qui fut son modèle et ses trois enfants, il développa des recherches chromatiques originales. L’exposition se concentre sur les travaux réalisées de 1900 à 1913. Cette dernière année apparait comme une apothéose. La guerre en 1914 complique sérieusement le développement de sa carrière, il décide de s’établir en Suisse où il a noué de nombreux contacts. Il s’établit à Lausanne, puis sur les bords du lac de Neuchâtel.


Martigny 24 juillet 2015, Fondation Pierre Gianadda : Matisse en son temps jusqu’au 22 novembre 2015.

L’annonce d’une exposition Matisse suscite toujours l’intérêt. Celle qui est proposée par la Fondation Gianadda repose essentiellement sur les fonds du centre Pompidou, complétée par quelques prêts de collections privées. On retrouve des toiles célèbres et d’autres qui le sont moins, l’idée de l’exposition, assez complexe, réalisée par une conservatrice du Musée national d’art moderne, est de montrer Matisse et les travaux de quelques contemporain et même héritiers sur toute la durée de l’existence du maître. Un concept qui ne se prête guère à l’architecture de la fondation Gianadda, qui permet une vision simultanée et immédiate de toute l’exposition, alors que l’on verrait plutôt cette présentation dans une enfilade de salles, plus traditionnelle. Ceci dit les rencontres proposées sont très belles.


 

Vienne, Albertina: Matisse et les Fauves jusqu’au 12 janvier 2014.

Cette exposition présente exclusivement des oeuvres produites entre 1905 et 1908. Elle tente de montrer des travaux de la plupart des artistes présents au Salon d’automne en 1905. Les Fauves sont presque totalement absents des collections autrichiennes et c’est la première exposition consacrée à ce mouvement à Vienne. Elle souligne l’éloignement de la réalité au profit d’une vision expresssive et met en évidence l’influence d’oeuvres extra-européennes, en particulier la sculpture africaine. Pour Matisse ce sont surtout les sculptures qui sont présentées ici, alors qu’une large place est faite aux peintures d’André Derain dans une très belle salle qui rassemble 8 vues de Londres (il en réalisa 30).

Bien qu’ils aient fait scandale, les Fauves n’étaient pas des marginaux sans soutien. Le Salon d’automne était lié aux galeries particulièrement à Ambroise Vollard qui les a défendus et a largement contribué à les faire connaître très vite aux collectionneurs. C’est lui qui commanda les vues de Londres à Derain. Cette salle présente aussi un lit sculpté par Derain pour le marchand. L’exposition met en effet l’accent sur les sculptures de Matisse et Derain et présente des sculptures nègres qui ont appartenu à Derain, Matisse et Vlaminck. Le fait que les artistes décident de représenter ce qu’ils ressentent et non ce qu’ils voient a ouvert la porte à des peintres autodidactes comme Vlaminck, cycliste et boxeur par ailleurs. !

Salle 1. Prélude au Fauvisme : Matisse, Marquet, Manguin, sculptures de Matisse, oeuvres peu connues et très belles de Manguin. Salle 2. Matisse et Derain à Collioure. Salle 3 Maurice de Vlaminck et Braque. Salle 4 Grandes aquarelles peu connues de Derain, sculptures et dessins de Matisse, vases de Derain. Salle 5. Découverte de la sculpture africaine, lit sculpté par Derain pour Vollard. Vollard l’envoie à Londres il fera 30 toiles dans son atelier à Paris 8 sont visibles ici très belles pièces. Egalement oeuvres de Dufy et de Marquet. Salle 6. Finale sur la côte d’Azur, Friesz, Matisse et la décoration, vases, natures mortes et sculptures. Une petite salle est consacrée à Rouault et l’exposition s’achève sur une salle entièrement consacrée à Van Dongen.

Patrick Schaefer, 9 octobre 2013


 

Musée national d’art moderne, Centre Pompidou, Matisse paires et séries jusqu’au 18 juin 2012.

L’exposition du Centre Pompidou: Matisse. Paires et séries s’inscrit en quelque sorte dans la suite de l’exposition sur les nus de Degas. De dimension limitée, elle nous fait entrer dans l’univers créatif de Matisse par deux aspects. D’un côté, c’est la reprise d’un motif identique, portrait, nature morte, dans une composition totalement différente. On assiste à la déconstruction des éléments constitutifs du tableau: fond, premier plan, éléments décoratifs, objets et à leur réassemblage d’une façon différente. On constate la virtuosité époustouflante du peintre qui joue avec les formes, les couleurs pour les faire percevoir d’une façon différente. Il y a un côté festif et joyeux dans cette démarche. Les exemples choisis sont variés: Paysage avec le Pont Saint-Michel, Luxe I et II, 1907; Intérieur, bocal de poissons rouges, Marguerite, Les Pommes, 1916, par exemple. Les papiers collés présentés à la fin s’imposent comme l’aboutissement logique de cette approche. Par ailleurs on voit Matisse s’atteler à des nus en série auxquels il insuffle de petites variations, sous le titre Thèmes et variations en 1941 et 1943. L’exposition est visible à Copenhague à la galerie nationale du Danemark du 14 juillet au 28 octobre 2012 Patrick Schaefer L’art en jeu 21 mai 2012.


 

Matisse. Traits essentiels Le Cabinet des estampes de Genève propose: Matisse. Traits essentiels. Gravures et monotypes 1906 – 1952 jusqu’au 17 décembre 2006.

C’est une présentation très intéressante centrée sur l’exaltation du noir dans les estampes de Matisse, il s’agit de linogravures et d’aquatintes avant tout. Quelques travaux du début du siècle proposent des monotypes et des eaux-fortes de petites dimensions. Les autres oeuvres datent des années trente à la fin de la vie de l’artiste. Paradoxalement pour une exposition de gravures la présentation peut être saisie d’un seul coup d’oeil, tant les travaux retenus sont intenses et synthétiques, ils peuvent être regardés de près et de loin. Des livres illustrés, Pasiphaé de Montherlant (1944) notamment, des planches autonomes comme cette série de Bédouines de 1947, des états rejetés forment un ensemble qui illustre les variations inlassables du travail de Matisse. En 2005 le Musée du Luxembourg à Paris avait présenté une exposition sur l’oeuvre tardif de Matisse notamment sa correspondance avec André Rouveyre. –


Henri Matisse Figure, couleur, espace jusqu’au 9 juillet, prolongée jusqu’au 23 juillet 2006

Après la K20 Kunstsammlung Nordrhein Westfalen Düsseldorf du 29 octobre 2005 au 19 février 2006, la Fondation Beyeler à Riehen propose du 19 mars au 9 juillet 2006 une rétrospective Henri Matisse articulée autour des thèmes fondamentaux qui ont déterminé les recherches de Matisse: la figure, la couleur et l’espace.

La version bâloise de l’exposition présente davantage de papiers découpés et a produit son propre catalogue disponible en 3 langues. Près de 200 oeuvres, 90 peintures, des papiers découpés, des dessins et des estampes forment la très belle rétrospective Matisse proposée par la Fondation Beyeler. Les salles réservées aux collections présentent de nombreuses oeuvres de Picasso, Léger, Klee et Miro notamment qui viennent renforcer la rétrospective. L’accrochage disposé dans 17 espaces distincts suit un développement chronologique depuis les débuts assez tardifs de l’artiste jusqu’aux réalisations ultimes. Les sculptures sont mises en relation avec les peintures ce qui renforce l’effet plastique de l’ensemble et l’accrochage est assez aéré. Je vous propose de suivre le rectangle noir à travers l’exposition! L’oeuvre retenue pour l’affiche de l’exposition et la couverture du catalogue est assez étonnante: une femme assise sur un fauteuil , deux papiers peints dans le fond, le mouvement des planches du parquet, mais surtout un grand bouquet de fleurs placées dans un vase noir posé sur une table au plateau noir. C’est d’ailleurs le titre de l’oeuvre: La table noire, 1919. Un rectangle noir au premier plan de la toile, un noir dense, intense, surprenant chez ce peintre des couleurs. Et pourtant cette surface noire on la retrouve dans de nombreuses toiles, elle forme un appui, elle met en valeur les autres éléments et structure un ensemble ou la décoration et l’espace s’entrelacent. La chevelure des femmes est parfois d’un noir intense. Un cahier noir dans le petit tableau Nice, cahier noir, 1918; les pages d’un livre dans Liseuse au guéridon, 1921; Ou alors c’est le tissu d’une robe dans La Conversation, 1938; une fenêtre dans Intérieur au vase étrusque, 1940, un carrelage dans Tulipes et huîtres sur fond noir, 1943; la signature et la date placée sur un étrange rectangle noir dans Intérieur à la fougère, 1948. Un fil conducteur parmi d’autres possibles à travers cet ensemble.

Patrick Schaefer, L’art en jeu, 17 mars 2006


 

Matisse – Picasso Tate Modern Londres jusqu’au 18 août. (Grand-Palais, Paris 26 septembre – 6 janvier 2003, puis au Museum of Modern Art, New York) La comparaison entre les oeuvres de différents artistes est une méthode fréquemment utilisée dans l’enseignement de l’histoire de l’art. Lorsqu’il s’agit de recourir à des diapositives son emploi est facile, dans une exposition cette approche peut s’avérer très délicate. C’est pourtant dans une confrontation de ce type que se sont lancés les organisateurs de l’exposition Matisse – Picasso présentée à la Tate Modern à Londres jusqu’au 18 août, avant une seconde étape à Paris dès le 26 septembre. Le match passionne la presse qui n’hésite pas à distribuer des points, et le public. Les oeuvres ont pourtant été choisies avec soin, aussi bien dans les thèmes que dans les formats pour éviter que l’un des artistes ne semble écraser l’autre. Il me semble que l’exposition fait avant tout ressortir les différences fondamentales entre les deux artistes, même s’il existe un dialogue passionnant, une estime mutuelle et des influences réciproques. Note du 29 07 02: les organisateurs de l’exposition annoncent 250’000 visiteurs, l’exposition sera ouverte 36 heures de suite lors du dernier week- end. Cela promet des files d’attente pour l’étape parisienne!

Voici quelques suggestions de lecture qui permettent de préparer la visite de l’exposition:

Françoise Gilot, Matisse et Picasso, une amitié racontée par Françoise Gilot, Robert Laffont, Paris, 1991 (1ère édition en anglais, 1990).

Eric de Chassey, La violence décorative, Matisse dans l’art américain, éd. Jacqueline Chambon, s.l., 1998. Ce livre présente l’histoire de la fortune critique de Matisse aux Etats-Unis, celle-ci se développe toujours en relation-opposition avec celle de Picasso. Dans les années trente, Picasso est considéré comme le modèle absolu, en particulier par tous les artistes engagés dans les grands programmes de décoration pour les bâtiments publics. Puis l’on observe un basculement progressif en faveur de Matisse, ce dernier était très présent dans les collections privées, mais jouissait d’une estime moindre auprès des artistes et des critiques. C’est le récit passionnant de la construction de valeurs autour de l’oeuvre de ces deux artistes et des stratégies suivies par les artistes, les critiques et les responsables de musées qui est développée dans ce livre.

Yves-Alain Bois, Matisse et Picasso, Paris, Flammarion, 1999. L’auteur de cet ouvrage, qui fut également le catalogue d’une exposition présentée aux Etats-Unis, propose une analyse serrée des contacts entre les deux artistes. En dépassant la notion d’influence, il examine d’autres concepts pour traiter leurs relations: la rivalité, le dialogue, le désir mimétique notamment. La lecture de ce livre basé sur une analyse formelle subtile des oeuvres, qui écarte les problématiques de contextes sera très utile à ceux qui souhaitent préparer leur visite de l’exposition.

Patrick Schaefer, L’art en jeu, 11 juin 2002