Paris Centre Pompidou
Francis Bacon: En toutes lettres jusqu’au 20 janvier 2020, le centre Pompidou propose une exposition Bacon centrée sur l’oeuvre tardif de l’artiste et sa relation avec la littérature.
Bâle, Riehen 29 avril 2018
Fondation Beyeler, Bacon – Giacometti jusqu’au 2 septembre. De nombreux points réunissent ces artistes, à commencer par leur engagement dans la figuration à une époque où l’abstraction dominait totalement la scène artistique. Ils se sont rencontrés et s’estimaient, presque contemporains, Giacometti est né en 1901, Bacon en 1909, Bacon était bien conscient de la dette qu’il devait à Alberto. Il est passionnant de les voir réunis, dans une association que la valeur colossale atteintes par leurs oeuvres rend presque impossible.
Stuttgart 28 novembre 2016
Staatsgalerie de Stuttgart: Francis Bacon Unsichtbare Räume 7 octobre – 8 janvier 2017. L’exposition de la Staatsgalerie de Stuttgart présente des œuvres dans lesquelles l’artiste a enfermé ses personnages dans des cages transparentes. En se concentrant sur une problématique essentielle qui est à la fois formelle et iconographique, tout en suivant un fil chronologique, l’exposition de Stuttgart, montrée auparavant à la Tate Liverpool, parvient à une intensité et une qualité exceptionnelles. Réunir une quarantaine d’oeuvres de Bacon devient aujourd’hui un véritable exploit. L’exposition est partagée en deux salles principales, dans la première les toiles réalisées dans les années 1950 très sombres avec des fonds où l’on voit les traces, les mouvements du pinceau. Dans la seconde, celles où dominent des fonds aux couleurs vives: vert, orange et une peinture plus lisse. Les deux salles sont séparées par un espace où sont montrés quelques dessins qui montrent le caractère sculptural, volumétrique de la pratique de Bacon.
Londres: Francis Bacon Tate Britain jusqu’au 4 janvier 2009
Pour marquer le centième anniversaire de l’artiste une vaste rétrospective a été organisée par de prestigieuses institutions. L’exposition Francis Bacon (1909 – 1992) est présentée à la Tate Britain dans les salles du musée équipées depuis quelques années d’un éclairage zénithal ; un contexte muséologique parfait pour cette rétrospective. Contexte qui sera encore accentué par le tour annoncé de l’exposition, puisqu’elle sera visible au Prado à Madrid jusqu’au 19 avril 2009 et au Metropolitan Museum à New York. Bacon appréciait ce contexte muséal et il développa ce jeu en adoptant un système d’encadrements dorés toujours le même pour ses toiles, placées par ailleurs sous-verre, ce qui crée une distance entre la peinture et le spectateur. Ces éléments solennels et de distanciation ressortent très fortement dans cette exposition comme d’ailleurs le recours au triptyque, référence à la peinture religieuse ancienne, un mode d’expression privilégié par un artiste qui revendique pourtant son athéisme.
L’exposition suit les étapes de la carrière de Bacon, mais ne veut pas montrer ce que lui-même n’a pas revendiqué. Une seule salle est consacrée aux découvertes réalisées après sa mort dans son atelier. L’exposition débute en soulignant la relation homme – animal dans cette oeuvre (fragments du corps: Head 1945 – 1949). La deuxième salle ( Zone 1951 – 1953) s’attache à la mise en évidence de l’espace pictural notamment l’inspiration de Velasquez, rideaux, voiles, cadres et formats toujours identiques. Une troisième pièce souligne l’angoisse (Apprehension) de la seconde moitié des années 1950, les craintes d’une nouvelle guerre, la situation personnelle de l’artiste menacé dans son identité sexuelle. Elle s’exprime dans ses représentations d’hommes en bleu. La salle suivante est consacrée aux différentes versions de la Crucifixion. Puis on met en évidence la crise ( Crisis 1956 – 1961) personnelle de Bacon au début des années 1960 qui s’exprime par une évolution de sa peinture et la référence aux oeuvres de Van Gogh. L’atelier de l’artiste est évoqué avec des photographies et les dessins découverts après sa mort, alors qu’il avait toujours prétendu ne pas faire de dessin. Ensuite on se concentre sur les portraits des années 1960, puis les grands triptyques exécutés en hommage à George Dyer. D’autres triptyques prennent une dimension épique et renvoient à la littérature à Eschyle et à T.S. Eliot en particulier. Il s’agit d’une rétrospective qui se concentre sur l’oeuvre de Bacon qu’elle cherche à mettre en évidence dans son développement et sa logique interne sans trop renvoyer à des éléments externes. Patrick Schaefer l’art en jeu 21 octobre 2008
A Milan, le Palazzo Reale présente Francis Bacon jusqu’au 29 juin 2008
Lucerne: Le Musée des beaux-arts de Lucerne propose à son tour une confrontation Bacon & Picasso vis à vis jusqu’au 25 novembre 2007.
Francis Bacon a toujours revendiqué l’influence de Picasso et celle-ci a très tôt été mise en évidence. Cette problématique a fait l’objet d’une exposition récente au musée Picasso dont j’ai rendu compte sur cette page. L’exposition de Lucerne aborde le problème sous un angle très différent. Il ne s’agit pas de traquer d’hypothétiques influences, mais plutôt de mettre en évidence des similitudes dans le traitement de certaines questions picturales.
Paris: Musée Picasso Bacon – Picasso La vie des images jusqu’au 30 mai 2005.
Depuis la mise à disposition du fond d’atelier de Francis Bacon plusieurs expositions ont été consacrées aux sources revendiquées par cet artiste. Picasso étant la référence principale, le musée Picasso a choisi de partir à la découverte des oeuvres et de la période qui auraient inspiré Bacon. L’exposition est divisée en 8 salles, 8 chapitres pour examiner les oeuvres de Picasso qui ont pu marquer Bacon, mettre en évidence des thèmes communs. 1. Baigneuses et chimères 1928 – 1935. 2. La clef de fer 1928 – 1971. 3. Reconstitution de l’exposition de 1927. 4. Crucifixions 1926-1933/1944/1988. 5.Tauromachies 1922 – 1969. 6. Têtes 1909-1914/1930/1966-1978. 7. Chutes 1934/1954/1969. 8. Elégies 1923/1972-1988.
Il faut relever que le parallèle entre les deux artistes avait déjà été souligné par Herbert Read en 1933. La richesse des collections du musée Picasso a permis d’aller très loin dans l’étude des oeuvres qui auraient influencé Bacon et une multitude de croquis et d’études de Picasso sont proposés pour éclairer sa méthode de travail. On découvre aussi les photographies d’une partie des 100 dessins exposés en 1927 que Bacon avait vus. Ici, petite surprise, ces oeuvres appartiennent plutôt à la période du début des années 1920 celle des élégies comme l’indique le titre de l’une des sections. En fait l’exposition permet avant tout d’approfondir la connaissance du Picasso de la période surréaliste et la confrontation avec les oeuvres de Bacon montre que, s’il existe une « influence », surtout thématique, il y a également une grande différence dans la façon de travailler des deux artistes. On avait la même impression dans l’exposition de la Fondation Beyeler commentée plus bas. Certes les oeuvres mentionnées font partie d’un bagage visuel, d’un humus qui inspire Bacon, mais la façon de s’exprimer, le recours à la peinture fonctionne de façon profondément différente. A côté d’un très grand nombre de Picasso l’exposition propose une douzaine de Bacon: 3 grands triptyques, 6 portraits et 3 toiles. Patrick Schaefer. L’art en jeu 09 05 2005
Bâle, Riehen; Francis Bacon et la tradition de l’art (avec des oeuvres de Titien Velazquez, Rembrandt, Goya, Ingres, Van Gogh, Degas, Giacometti, Picasso) Fondation Beyeler Riehen jusqu’au 20 juin 2004
Après le Kunsthistorisches Museum de Vienne, la Fondation Beyeler à Riehen propose de plonger dans la mémoire visuelle et l’imaginaire du peintre Francis Bacon. Organisée thématiquement l’exposition confronte une quarantaine de toiles et de triptyques avec des oeuvres anciennes et modernes que Bacon a citées comme sources. A travers le parcours de sept salles, le visiteur est introduit dans le monde des modèles qui ont inspiré l’artiste, tels qu’il les a confiés, souvent avec une réticence réelle ou affectée, lors de nombreux entretiens et tels qu’ils sont attestés dorénavant par les milliers de documents visuels retrouvés et inventoriés dans son atelier qui sont en partie présentés ici.
La première salle explore le thème du cri avec la fascination pour Picasso, mais aussi le Chien andalou de Bunuel et Dali et Le cuirassier Potemkine d’Eisenstein. La deuxième salle expose la problématique du portrait et les fameuses séries des portraits de papes. Le Velazquez qui est la source principale de Bacon, qu’il n’a d’ailleurs jamais voulu voir n’est pas présent, mais d’autres portraits de papes illustrent cette question. Le thème parallèle du voile, du rideau est abordé ici avec des oeuvres du Titien et de Degas. La salle suivante examine la représentation du nu chez Bacon et son rapport à la tradition. Dans la quatrième pièce de grands triptyques sont associés pour évoquer le thème du portrait, mais aussi la mise en cage des modèles de l’artiste inspirée par les sculptures de Giacometti. A côté de Velazquez la référence la plus connue de Bacon à l’histoire de la peinture est celle à Van Gogh (elle a d’ailleurs fait l’objet d’une exposition en 2002 à Arles), elle est présentée dans la salle suivante parallèlement avec une référence à Ingres. Les deux dernières salles présentent des oeuvres importantes de Bacon illustrant les thèmes de l’ombre, de la Crucifixion, la référence à la chair, à la viande et l’exposition s’achève sur le thème du miroir, de la réflexion de soi-même ou des autres.
Douze années après la mort de Bacon, la présentation de ce dernier a échappé à tout autocontrôle. On a vu des expositions qui insistaient sur le caractère autobiographique de ses oeuvres. Cette présentation au contraire s’appuie sur les références à l’histoire de l’art, à la tradition picturale de la Renaissance au XXe siècle. Les oeuvres de Bacon sont assurément polysémiques et d’une puissance rare. Elles permettent à des interprétations extrêmement diverses et contradictoires de se déployer. Une exposition comme celle-ci est un rêve ou un fantasme d’historien d’art. Ce qui frappe tout de même et ce qui en fait sans doute une réussite, c’est qu’elle met particulièrement en valeur les oeuvres de Bacon. Evidemment par leur format, par leur technique, elles écrasent dans une telle confrontation les modèles réels ou supposés qui les ont inspirées. Ce que l’on retient c’est l’exaltation du peintre Bacon, exaltation qui pouvait être provoquée par les aventures de son quotidien ou par les reproductions d’oeuvres anciennes ou modernes qui jonchaient le sol de son atelier ou encore par diverses lectures. C’est une occasion exceptionnelle d’entrer dans l’alchimie de la création de Bacon. On pourrait tout de même reprocher à l’exposition de mettre sur le même plan des relations très différentes. Ainsi la découverte de Picasso a toujours été évoquée par Bacon comme une inspiration fondatrice à l’origine de sa vocation de peintre. La confrontation avec les portraits de papes est toute différente. Wieland Schmied a bien montré qu’il s’agissait d’une attaque contre la tradition, contre l’histoire de la peinture. Les papes hurlants, thème que Bacon a traité plus de 50 fois ont été les oeuvres marquantes du début de sa carrière qui ont scandalisé, tout en faisant beaucoup pour sa réputation. Par la suite une peinture a pu inspirer des toiles au même titre qu’une photographie d’actualité découpée dans un journal. Bacon s’inspirait d’un véritable humus visuel sans privilégier un domaine plus qu’un autre. Plusieurs auteurs ont déjà montré que l’un des enjeux de sa démarche artistique était le refus de la lisibilité, même si l’on peut reconstituer certains mécanismes de son inspiration. Mais cette exposition ne prétend sans doute pas dévoiler les oeuvres, elle offre des pistes pour entrer dans l’imaginaire du peintre.
On peut reprocher aux commentaires du catalogue de s’appuyer essentiellement sur les entretiens avec Daniel Sylvester comme s’il s’agissait de vérités d’évangiles, alors que l’on sait d’une part que Bacon était très conscient de donner une certaine image de lui-même dans ces entretiens et que d’autre part Sylvester a développé le caractère légitimant des entretiens excluant par exemple les aspects autobiographiques au profit des références à l’histoire de l’art. (Il existe un article intéressant concernant les sources photographiques de Bacon qui montre que Muybridge n’est pas la seule source de certaines oeuvres de Bacon: Simon Ofield, Wrestling with Francis Bacon, Oxford Art journal, 24.1 2000. pp. 113-130)
Autobiographie ou expression autonome d’une recherche picturale ? Bacon (1909-1992) est sans doute l’un des peintres du XXe siècle pour lequel cette question est le plus souvent posée. De plus, depuis la mort de l’artiste on a assisté à un renversement total de l’approche consacrée à son travail. De son vivant il refusa qu’on publie une biographie, il joua toutefois avec l’ambiguïté et laissa traîner des doutes disant tantôt que tout dans son oeuvre était autobiographique et assurant ensuite que ses peintures étaient autonomes. Il est resté maître de ce que l’on savait sur sa vie et même les moments de confidence, les ruptures apparentes doivent être considérées avec précaution. Il a préféré se confier ou laisser écrire des écrivains prestigieux comme Michel Leiris et Gilles Deleuze. Quant à Daniel Sylvester, il a depuis 1962 régulièrement publié des entretiens qui sont devenus la référence obligée pour tout discours sur l’artiste. Il est pourtant évident que ces entretiens contiennent des déclarations contradictoires et qu’ils ont été travaillés avec beaucoup de soin par Daniel Sylvester. Depuis la mort de Bacon trois biographies sont parues, celle de Michael Peppiatt a le statut de biographie officielle, Michael Peppiatt, Francis Bacon, Anatomy of an Enigma, Weidenfeld and Nicholson, London 1996, edition de poche, 1999. Parmi les ouvrages « officiels » il faut aussi mentionner celui de John Russel, Francis Bacon, Thames & Hudson, Paris, 1994 (1ère ed. anglaise 1971). La biographie de Daniel Farson est très anecdotique et s’efforce de rendre compte du milieu dans lequel vivait Bacon. Daniel Farson, The Gilded Gutter Life of Francis Bacon, London, Century Random House, 1993. Elle est la source principale du film de John Maybury, Love is the Devil. Enfin il existe une troisième biographie plus littéraire, Andrew Sinclair, Francis Bacon, His Life and Violent Times, Sinclair-Stevenson, Londres, 1993. Si Bacon préférait manifestement les essais d’auteurs prestigieux inspirés par son œuvre, il existe aussi des approches relevant de l’histoire de l’art notamment en Allemagne et aux Etats-Unis. L’ouvrage principal étant celui de Wieland Schmied, Francis Bacon, Commitment and Conflict, Prestel, Munich, New York, 1996 (1st ed. 1985) Bacon a détruit tout ce qu’il avait produit avant la guerre et seules quelques pièces, vendues à l’époque, permettent de saisir ses premières recherches. L’influence du style de Picasso dans la seconde moitié des années 1920 est évidente, mais l’on a aussi pu montrer celle beaucoup moins prestigieuse de l’un de ses premiers mentors le peintre australien Roy de Maistre, ce que Bacon avait soigneusement occulté de son vivant. Par ailleurs on peut évoquer la relation avec le peintre Graham Sutherland et la question ambiguë des influences de l’un sur l’autre. Le dépassement des déclarations de l’auteur par son œuvre est un problème constant, d’un côté il ne faut pas négliger ses déclarations, de l’autre, on ne peut se baser uniquement sur elles. Le problème c’est le dérapage provoqué par certains types d’interprétation qui reposent sur la biographie. Assurément Bacon est à la croisée de plusieurs univers, de systèmes de valeur qui déterminent la production et l’évaluation de l’œuvre d’art. Les déclarations de Bacon ont laissé place à des interprétations très diverses qui vont de la lecture autobiographique à une approche très extérieure iconographique, l’exposition de la Fondation Beyeler appartient à la seconde.
Il existe de nombreux sites consacrés à Bacon.
Patrick Schaefer, 7 février 2004 L’art en jeu