Sculpture on the Move, Donald Judd, Dan Flavin, Ellsworth Kelly, arte povera

Sculpture on the Move 1946 – 2016, Musée des beaux-arts de Bâle et musée d’art contemporain jusqu’au 18 septembre 2016.

Le musée des beaux-arts de Bâle veut évoquer 70 ans d’histoire de la sculpture moderne et contemporaine avec 55 artistes.  De Brancusi et Giacometti à Beuys, Serra ou encore Nauman. Les artistes américains sont prédominants dans la collection d’art moderne et contemporain du musée des beaux-arts de Bâle et cette institution leur a consacré plusieurs expositions monographiques ou collectives au cours des dernières années. Il n’est pas étonnant de les retrouver bien représentés dans l’exposition inaugurale de la nouvelle extension du musée consacrée à la sculpture depuis 1946. 

D’autres courants sont également présents comme l’arte povera. L’état actuel de la sculpture est évoqué avec Damien Hirst, Sarah Lucas, Maurizio Cattelan et Urs Fischer par exemple. Bien qu’il y ait de nombreux prêts extérieurs, l’exposition conserve le caractère d’une présentation très liée aux collections, presque un accrochage, plutôt que d’une réflexion ambitieuse sur l’état de la sculpture aujourd’hui face à son évolution récente. Un parti-pris difficile pour la sculpture, qui s’apparente plus à un livre d’images et qui ne permet pas vraiment d’entrer dans les problématiques développées par chaque artiste.

J’insère sur cette page les compte-rendus d’expositions plus anciennes: Ellsworth Kelly, Donald judd, Dan Flavin et arte povera, ou encore Damien Hirst et Sarah Lucas; ainsi que l’exposition Archiskulptur, présentée à la Fondation Beyeler en 2004:

Bâle 14 octobre 2012 Musée des beaux-arts Arte Povera de la collection Goetz. Der grosse Aufbruch 9 septembre – 3 février 2013.

Le musée des beaux-arts de Bâle présente l’arte povera à travers la collection Goetz. 12 artistes figurent dans cette présentation, tous italiens, la plupart ont fait de grandes carrières et on rencontre leurs oeuvres dans tous les musées d’art contemporain. Cette présentation fait bien ressortir l’effervescence et l’inventivité de ces artistes dans les années 1960. Ils sont partis à la recherche de nouveaux matériaux « pauvres » pour l’expression artistique qu’ils associent dans des installations, des travaux graphiques et parfois des peintures ( Michelangelo Pistoletto) avec ironie et provocation. L’actualité de leur démarche est saisissante et la présentation favorise des dialogues heureux et stimulants. Certains sont morts prématurément Alighiero Boetti (1940 – 1994), Pino Pascali (1935 – 1968). D’autres tiennent encore aujourd’hui la première place dans toutes les manifestations d’art contemporain. Après Mario Merz (1925 – 2003), Jannis Kounellis (1936), c’est actuellement Giuseppe Penone (1947) , il est aussi le plus jeune. On constate qu’il y a une génération de différence avec Mario Merz, et le travail de Penone sur les arbres et la nature reçoit la plus grande attention.


Paris Exposition Dan Flavin – Une rétrospective Du 9 juin au 8 octobre 2006

Après la Hayward Gallery à Londres, le Musée d’art moderne de la ville de Paris reprend la rétrospective Dan Flavin (1933-1996) préparée par la Dia Art Foundation pour marquer le dixième anniversaire de la mort de l’artiste. L’ampleur de la présentation est exceptionnelle, complétée par des esquisses, elle permet de prendre la mesure des recherches et des solutions proposées par l’artiste. La partie didactique qui expliquait le phénomène du néon à Londres n’est pas reprise à Paris. Dans treize salles, installations et dessins sont présentés en conservant la relation avec l’extérieur en renonçant à obscurcir les fenêtres. Certaines installations sont formées de néons blancs, d’autres de néons couverts de couleur par l’artiste ou de lumière colorée. L’atmosphère colorée varie ainsi d’une salle à l’autre, c’est tout l’espace qui est modifié par l’irridiation. L’effet obtenu évoque celui des vitraux dans une église et c’est cette atmosphère qui ressort ici, à Londres par contre on pensait davantage à une discothèque, il est fascinant de voir comment l’on peut obtenir des associations très différentes avec les mêmes pièces. Les oeuvres de Flavin sont sans titres, mais elles comportent toujours une dédicace: à son frère, à un politicien, à un collectionneur, un artiste (Constantin Brancusi, Tatlin, Matisse), on en voit même une en rouge et blanc bien sûr, qui est dédiée aux habitants des cantons suises! Flavin utilise un matériel industriel trouvé dans le commerce, il explore différentes configurations dans la disposition des néons: le sol, un angle, un tunnel, une barrière. Ses réflexions sur l’espace sont proches de celles de Donald Judd.

L’exposition sera aussi présentée à la Pinakotheke der Moderne à Munich: Dan Flavin – Eine Retrospektive du 16.11.2006  au 04.03.2007, prolongée jusqu’au 8 avril.

Patrick Schaefer 21 juin 2006


Donald Judd Bâle jusqu’au 9 janvier 2005

La rétrospective Donald Judd (1928 – 1994) présentée au Musées des beaux-art et au musée d’art contemporain de Bâle (2 octobre 2004 – 9 janvier), la première consacrée à l’artiste depuis son décès en 1994, comprend 40 travaux caractéristiques des différentes périodes d’activité du plasticien. Elle a déjà été montrée à la Tate Modern à Londres et à la Sammlung Nordrhein Westfalen à Düsseldorf. Certaines œuvres de Judd sont pratiquement inévitables dans toute collection d’art moderne comme les stacks, ces fameuses structures verticales assemblant plusieurs pièces identiques superposées. On en trouve trois dans la rétrospective de Bâle et elles acquièrent un nouvel impact dans ce contexte, confrontées à d’autres pièces.

L’exposition met en valeur le développement du travail, le passage de la peinture au relief, puis à la sculpture. Dès 1964 Judd renonce à toute exécution personnelle sur ses œuvres qui sont exécutées dans un atelier, d’après ses plans, mais il s’attache à faire vibrer des matériaux : le fer, l’aluminium, le bois, le plexiglas. Cette vibration des matériaux et les recherches sur les couleurs, la lumière, les laques ressortent particulièrement ici par le dialogue entre les différents travaux. Judd fut un critique et un essayiste virulent (Donald Judd écrits, 1963 – 1990 Daniel Lelong éditeur, 1991). Il aborda aussi bien les oeuvres de ses collègues artistes que les problèmes liés à la réception et à la présentation de ses propres travaux. Les institutions font l’objet d’attaques virulentes. Il eut également de gros problèmes avec l’un de ses collectionneurs, Panzza di Buono, sur lesquels il s’explique en détail. Dans ses écrits bien qu’il parle assez peu de ses propres œuvres, on prend la dimension du personnage. Les artistes qui lui sont proches, il fut l’un des principaux défenseurs de Dan Flavin et de Barnett Newman, et ceux qu’il rejette. Il tient aux valeurs modernistes, on constate que ses références sont Mies van der Rohe, Le Corbusier et de Stijl.

Il rejette la catégorie de minimaliste, p. 141 «J’ai dit et écrit à plusieurs reprises que l’étiquette « minimalisme » ne signifiait rien de toute façon, et que mon œuvre n’est décidément pas une œuvre impersonnelle quoi que cela puisse signifier en art». Il attaque le retour à la narrativité et le postmodernisme. Est-il paradoxal de montrer une rétrospective Donald Judd? lui dont les travaux sont des installations qui en principe devraient rester fixes. Premier point à relever, le deuxième étant que ces œuvres comme assertions, présences dans l’espace paraissent peu évolutives. Il est ainsi particulièrement intéressant de voir une tentative de les situer dans une cheminement personnel qui leur donne un impact différent et permet une véritable découverte. A la fois emblématiques, apparemment bien connues parce que omniprésentes dans les collections et les livres consacrés à l’art contemporain, elles restent déroutantes, caractéristiques d’un minimalisme (terme que Judd rejetait) qui a été mis en cause par les formes multiples du postmodernisme. La rétrospective s’avère particulièrement judicieuse et bienvenue en donnant une présence tout à fait inédite à ces travaux, en ravivant leur perception. Quelques liens: La Fondation créée en 1986 à Marfa au Texas par Judd pour la présentation permanente des certaines de ses oeuvres et d’autres artistes.

Les Hallen für neue Kunst à Schaffhouse abritent une installation permanente de Judd.

Meubles de Judd réalisés en 1984 par une firme suisse. Il existe une réflexion très actuelle dans l’art digital par rapport à l’art conceptuel comme proposition de relations entre des formes, des structures dans l’espace. Les pièces de Judd s’apparentent clairement à ce type de réflexions sérielles visant à placer des variables dans toutes les configurations possibles, à définir les rapports entre plusieurs éléments.

Un projet du Whithney Museum autour de Sol Lewitt réfléchit à ces questions. http://artport.whitney.org/commissions/softwarestructures/

Patrick Schaefer 2 octobre 2004


Ellsworth Kelly

Le Haus der Kunst à Munich présente une imposante rétrospective d’Ellsworth Kelly en se limitant strictement aux peintures en noir et blanc du 7 octobre 2011 au 22 janvier 2012. Le résultat est absolument impressionnant. Parallèlement la Pinakothek der Moderne propose les dessins de plantes du 7 octobre au 8 janvier 2012. La Villa Médicis à Rome propose une confrontation entre Ingres et Ellsworth Kelly du 20 juin au 26 septembre 2010.

La Serpentine Gallery présente 18 travaux récents d’ Ellsworth Kelly réalisés depuis 2002 jusqu’au 21 mai 2006. Ces toiles explorent les formats horizontaux, verticaux et la superposition de deux toiles l’une sur l’autre légèrement décalées qui forment des bas-reliefs, mais toutes les toiles sont destinées à être considérées comme des objets. Les associations de couleur s’étendent sur toute l’étendue du spectre coloré y compris le noir et le blanc. Il joue sur les superpositions de couleur sur deux plans ou dans le même plan. La beauté des salles et leur enchaînement contribue particulièrement à la mise en valeur de chaque pièce.

Ellsworth Kelly né en 1923 (décédé en décembre 2015) est un artiste particulièrement mis en évidence en 2002-2003, il y eut ce printemps la belle exposition Henri Matisse / Ellsworth Kelly : dessins de plantes au Centre Pompidou déclinée sous la forme d’une filiation, d’un passage de témoins. Et puis sans que cela soit coordonné au départ il y a deux expositions en Suisse: à Bâle à la Fondation Beyeler où sont présentées les grandes peintures et les sculptures et à Lausanne une exposition montrée en premier au Drawing Center de New York, puis au Musée cantonal des beaux-arts de Lausanne en étroite collaboration avec l’artiste : Ellsworth Kelly Tablet 1948-1973.

Ellsworth Kelly, Fondation Beyeler L’exposition se déploie dans quatre salles, auxquelles il faut ajouter le foyer et une pièce où sont montrés trois films sur l’artiste. Par ailleurs on découvre une grande sculpture blanche dans le parc. La première salle propose des dessins pour des sculptures et des interventions sur des cartes postales. La deuxième évoque les années 1957-1965 par une dizaine de toiles. La troisième salle est consacrée aux « Curves », la recherche sur les courbes, de 1980 à aujourd’hui. Enfin une dernière salle plus petite présente des « sculptures ». La géométrie, l’abstraction de Kelly apparaît comme facétieuse et inventive (un peu dans l’esprit de François Morellet). Son exploration des relations entre l’espace et la surface peinte le conduit à élaborer des pièces d’une efficacité extrême qui ont un impact visuel très fort. On peut penser qu’il est un peu trop efficace peut-être, mais l’on est pris par l’originalité des formes, la séduction des courbes. On est loin du carré dans le carré, il refuse systématiquement l’angle droit. L’invention des formes et la réalisation maîtrisée des confrontations colorées dégagent quelque chose de jubilatoire et d’euphorique. La feuille explicative remise aux visiteurs, basée sur le texte de Gottfried Boehm, parle d’une « force vitale et positive ». Il y a une part d’interactivité avec le spectateur dans la mesure où la perception varie selon le point où l’on se trouve. Je serais tenté de dire que contrairement à Barnet Newman ou à Mark Rothko, il n’y a aucun mysticisme dans cette peinture.

Pourtant dans l’un des films présentés Kelly revendique une certaine spiritualité dans ses recherches, mais ce qui frappe c’est la décantation du réel comme source d’invention.

Ellsworth Kelly, Tablet 1948-1973 musée des beaux-arts Lausanne.

Depuis l’exposition du Musée du Jeu de Paume à Paris, Ellsworth Kelly, Les années françaises, 1948-1954, Paris, Galerie nationale du Jeu de Paume, 17 mars – 24 mai 1992 et le texte d’Yve-Alain Bois, Kelly en France ou l’anti-composition dans ses divers états, c’est le processus créatif de Kelly qui est mis en évidence. On ne parle plus tellement de hard edge painting, d’expansion de la couleur pure. On nous propose au contraire d’assister à l’élaboration, à la naissance de formes à partir de l’étude des encadrements d’une fenêtre, des formes de wc turcs dans les bistrots parisiens ou de l’ombre d’une barrière. L’exposition lausannoise présente d’autres aspects de ce cheminement. On a l’impression de découvrir des patrons de couturière assemblés en collages par l’artiste ou les projets d’un bijoutier. Une salle de documentation bien fournie et un film de 52 minutes (Au diable les oiseaux. Regarder avec Ellsworth Kelly, 1995) précèdent l’exposition proprement dite. Celle-ci par son côté de documentation strictement visuelle sans aucune explication annexe peut paraître désarçonnante, d’autant plus que cet artiste n’est pas très connu en Suisse romande. Il est vivement conseillé de voir le film avant la visite et, ou, de visiter l’exposition de la Fondation Beyeler. La présentation, conçue et mise en scène par lui-même, offre une véritable descente dans le laboratoire du peintre. Il a documenté ses recherches de 1948 à 1973 en assemblant sur des cartons, esquisses et dessins; on suit le cheminement des idées, les intuitions et l’on assiste à la naissance d’une écriture qui est en fait une signalétique très personnelle. Soudain on reconnaît en tout petit une grande pièce connue.

Le livre-catalogue qui accompagne l’exposition permet de retrouver cette documentation passionnante qui devient le film d’une vie ou plutôt des idées d’une vie Ellsworth Kelly, Tablet 1948-1973 conçu par Yve-Alain Bois, The Drawing Center New York, Musée cantonal des beaux-arts, Lausanne, 2002. Il existe une bonne introduction générale à la peinture abstraite aux Etats-Unis: Eric de Chassey, La peinture efficace, une histoire de l’abstraction aux Etats-Unis (1910-1960), Paris, Gallimard, 2001.


En 2013 le musée des beaux-arts de Bâle a présenté Piet Mondrian, Barnett Newman, Dan Flavin 8 septembre 2013  – 19 janvier 2014

Des dessins et des estampes de Barnett Newman sont présentées dans les salles d’art graphique du musée des beaux-arts de Bâle jusqu’au 7 août 2016.

Barnett Newman (1905-1970) fait l’objet d’une rétrospective à la Tate Modern 2002- 2003. Il sera intéressant de comparer cette exposition avec celle d’Ellsworth Kelly à la Fondation Beyeler à Riehen.

En effet ces deux artistes incarnent des courants bien distincts de l’abstraction américaine. Tous deux ont une influence, un héritage considérables et sont des références incontournables avec lesquelles les artistes actuels continuent à entretenir un dialogue. La rétrospective Barnett Newman est monumentale. Elle regroupe en treize salles une grande partie de la production de cet artiste qui n’a peint ou plutôt conservé que 120 toiles environ. Après deux salles d’introduction qui évoquent les débuts (tardifs), influencés par Miro et Masson, on passe tout de suite au coeur du problème: les surfaces peintes en structure ternaire qui soulignent la verticalité ou l’horizontalité de la toile. La vue des premières recherches permet de comprendre l’idée du fameux « zip » comme une ouverture, la recherche d’une lumière, l’élaboration d’une évocation des rayons du soleil. Newman s’intéresse au cosmos, aux mythes juifs de la création du monde. L’exposition souligne la recherche spirituelle, le mysticisme qui caractérise toute l’oeuvre, une appréhension actuelle qui n’a pas toujours été ce que l’on retenait de l’oeuvre de Newman. Les peintures de la série Stations of the Cross auxquelles il travailla de 1958 à 1966 occupent la salle centrale de l’exposition. Elles sont de dimension humaine et se distinguent des véritables murs de couleur proposés dans les très grandes toiles. Londres Tate Modern Barnett Newman jusqu’au 05 01 2003.


La Kunsthalle de Zurich présente une rétrospective de Sarah Lucas du 2 avril au 15 juin 2005

Le 11 mai à 19h. Angus Fairhurst (décédé en 2008) propose une conférence sur Sarah Lucas.

La rétrospective Sarah Lucas (1962) proposée par la Kunsthalle permet de découvrir la star no2 du mouvement YBA britannique. No 2 parce qu’elle vient sans doute juste après Damien Hirst sur le plan de la réputation. Ses autoportraits photographiques provocateurs, ses silhouettes affalées en bas remplis, ses bananes-sexes, ses ballons -seins, ses sculptures collages de cigarettes sont des pièces incontournables dans les expositions internationales depuis bien des années. Il est intéressant de les voir regroupées ici sous la forme d’une rétrospective. Tout le travail de Sarah Lucas est concentré sur l’allusion à d’autres artistes, le remploi et les passages entre les divers niveaux culturels. La figure tutélaire dont la pièce est constamment reprise est bien sûr Marcel Duchamp et son urinoir, mais il y a aussi d’autres allusions sarcastiques à des contemporains. On mentionnera Cindy Sherman pour les autoportraits photographiques trash, Bruce Nauman pour les moulages, ici des cuvettes de wc en résine, à moins qu’il ne s’agisse d’une évocation des travaux de Rachel Whiteread. On pense aussi à Robert Gober pour la fragmentation provocante du corps, mais Sarah Lucas utilise des matériaux sans valeur: de vieux matelas, des baquets, des fruits pour ses compositions. Sans oublier les collages avec la presse de boulevard ou ses reliefs en cigarettes. Elle se place toujours au second degré, en relation avec un autre travail, une autre production à partir de laquelle elle construit ses propres assertions.

L’exposition s’achève sur de vitrines présentant des travaux de petits formats qui forment une sorte de cabinet surréaliste, mais ce sont bien ces jeux, ces échos que l’on retrouve dans chaque salle où les différents éléments sont associés, confrontés. Dans la première salle un caisson avec des collages de journaux et un autoportrait en cigarettes. Puis deux salles on l’on trouve les bas remplis qui forment des silhouettes affalées sur des chaises et les lits en fer, matelas dressés, pliés, complétés par différentes photographies. Et enfin une salle plus intime avec une vitrine qui propose des objets de dimension réduite. On remarque l’absence du dessin, de la peinture et de la vidéo. Tout le travail est disposé dans l’espace, l’exposition forme une grande installation elle sera présentée également par la suite à Hambourg et à Liverpool. Patrick Schaefer, L’art en jeu, 4 avril 2005


Fondation Cartier pour l’art contemporain: Damien Hirst: Cerisiers en fleurs 6 juillet – 2 janvier 2022.

Dès sa construction la fondation Cartier a établi un lien privilégié avec la nature grâce au fascinant jardin qui entoure le bâtiment, plusieurs expositions ont abordé celle-ci sous différents aspects et celle de Damien Hirst s’inscrit dans cette continuité. Damien Hirst (1965) se réfère à la série telle qu’elle été pratiquées par Monet dans beaucoup de ses travaux, il a d’abord chargé une machine de réaliser des séries de peinture giclée, mais ici il reprend la figure du démiurge, couvert de couleur en peignant exclusivement des cerisiers en fleurs à différents moments de la saison, dans différents sites sur des toiles de grand format. La notice de l’exposition nous explique qu’elles sont l’aboutissement de trois années de travail, au nombre de 107, une trentaine est présentée ici.

Punta della Dogana et Palazzo Grassi: Damien Hirst Trésors de l’épave de l’incroyable jusqu’au 3 décembre 2017.

Damien Hirst dans son exposition vénitienne nous raconte une histoire, celle du naufrage de la galère d’un riche affranchi, dont les trésors auraient été repêchés par une expédition de scaphandriers. Deux films présentent les fouilles sous-marines, la découverte et la sortie des trésors. Il y a des sculptures incrustées d’éponges et de coquillages dans les formats les plus divers, mais aussi un trésor qui propose une collection de nuggets et des bijoux sophistiqués. L’exposition est scandée par des écrans qui rappellent des images des fouilles.

L’inventaire des découvertes est très vaste d’un buste de pharaon qui porte un piercing à un ours géant. La cour centrale du Palazzo Grassi est occupée par une sculpture de 18m. de haut agrandissement de musée d’une œuvre découverte dans l’épave. Si la Biennale de Venise célèbre l’otium, le sommeil et le loisir, Damien Hirst est à fond dans le negotium. Il multiplie les objets, artefacts en tout genre, il réalise des espaces qui se situent entre le British Museum et un grand magasin comme Harrod’s. Les artefacts «découverts » ont été réalisés plusieurs versions, en différentes dimensions ou en plusieurs couleurs, comme dans un magasin.

In-A-Gadda-Da-Vida Tate Britain 2004

Angus Fairhurst (1966 – 2008), Damien Hirst (1965), Sarah Lucas (1962) L’exposition de ces trois artistes qui furent parmi les premiers acteurs du mouvement YBA qui a donné une forte résonance à l’art britannique dès la fin des années 1980 mérite l’attention. Ils exposent ensemble dans un seul espace où quelques parois seulement donnent des directions aux mouvements du visiteur. Que voit-on? Que propose-t-on? Je me limiterai pour commencer à une description avant de poser quelques questions. Chaque artiste a réalisé 12 à 15 travaux qui sont réunis pour former 6 ou 7 groupes distincts. La répétition des mêmes éléments qui ont une identité bien marquée, associée comme une signature à l’un ou à l’autre participant est l’une des caractéristiques de l’ensemble : de grandes cages en verre pour Hirst, des sculptures de gorilles en résine de Fairhurst et des sculptures en cigarettes collées sur des objets existants ou en d’autres matériaux: béton, canettes écrasées de Lucas. Les œuvres sont associées à chaque fois et pourtant on distingue facilement le caractère des uns et des autres. Les parois des salles sont couvertes de papiers peints réalisés d’après des dessins de chacun ce qui crée une sensation d’unité de l’espace. A noter qu’ils ont choisi de se tourner uniquement vers la sculpture, l’installation et dans une certaine mesure la peinture, par contre les écrans, la photographie, les vidéos ou les films sont totalement absents de même que la musique ou le son à l’exception du bruit de la filtration de l’aquarium.

La première pièce qui frappe le visiteur en entrant intitulée The Pursuit of oblivion est en effet un immense aquarium vertical d’une parfaite propreté dans lequel évoluent différentes espèces de poissons y-compris une anguille qui semble tout à fait heureuse. Par ailleurs deux grandes carcasses de viandes sont suspendues dans l’aquarium ainsi qu’une tête de veau et d’autres cadavres d’animaux (le dépliant nous informe qu’il s’agit d’un hommage à Francis Bacon). Sur les parois en plus des papiers peints mentionnés, on découvre des compositions colorées formées de papillons également caractéristiques du travail de Damien Hirst. Simultanément on voit suspendue au plafond une bombe qui porte le titre de Cola Zeppelin de Sarah Lucas et un immense gorille noir coulé en résine d’Angus Fairhurst. On va retrouver sous des formes diverses cette trilogie au cours de la visite. Après l’aquarium de Hirst, le second point fort est une Crucifixion de Lucas. Le Christ suspendu au mur sur une croix rouge est fait de cigarettes collées. Plus loin la même artiste a placé un vieux camion, derrière, un travail de Fairhurst évoque des panneaux d’affichage, alors que Hirst s’est inspiré d’un collage de Max Ernst dans The Hat makes the Man.

Le parcours s’achève sur une dernière vitrine de cet artiste intitulée Le collectionneur dans laquelle volent des papillons multicolores. L’exposition propose un ensemble de réalisations monumentales, plaisantes à regarder, qui intriguent, mais sont finalement peu choquantes si l’on connaît le travail des artistes, car il s’inscrit tout à fait dans la ligne de leurs réalisations antérieures, comme s’il s’agissait de répéter l’emblème d’une marque. On dira qu’il y a passablement d’humour, de jeu, de décoration et quelques allusions à la tradition religeuse d’une part et à l’actualité politique d’autre part, surtout chez Lucas pour ce dernier point. L’exposition est entourée de diverses précautions de la part du musée et le visiteur reçoit deux dépliants qui expliquent le propos, ainsi qu’un plan précis avec le titre de toutes les oeuvres. C’est le commentaire extérieur qui nous apprend que l’exposition traite de l’enfer et du paradis! Le titre évoque une chanson des années 1960 et signifie In the Garden of Eden.

Un livre récent présente l’atelier de Mike Smith (Making Art Work, Mike Smith Studio, ed. by Parsy Craig, London, 2003). Créé en 1995 c’est dans cet atelier que sont réalisées certaines des nombreuses constructions de plus en plus complexes demandées par les artistes. Si les techniques et les matériaux utilisés sont multiples la démarche n’est pas très différente de celle des sculpteurs qui s’adressaient à une fonderie d’art. Le livre présente des projets, des plans et des entretiens avec certains artistes qui ont commandé des réalisations dans cet atelier. Tate Britain jusqu’au 31 mai 2004.


Bien que cette page soit déjà chargée, j’inclus encore un compte-rendu de l’exposition Archisculpture, en guise de réflexion face au nouveau bâtiment du musée de Bâle. Celui-ci en effet apparaît comme une réalisation virtuose de deux jeunes architectes. Magnifique à l’extérieur, les parti-pris intérieurs notamment l’escalier monumental et imposant sont plus critiquables. Il y a assurément un jeu de miroir avec le bâtiment ancien de 1936. Les matériaux très présents, marbre, aluminium, béton, parquets donnent une lourdeur à l’ensemble.

L’exposition Archiskulptur dialogue entre l’architecture et la sculpture du XVIIIe siècle à aujourd’hui est reprise au musée de Wolfsburg du 1er avril au 2 juillet 2006

Fondation Beyeler Archiskulptur 3 octobre 2004 – 30 janvier 2005 Dialogues entre architecture et sculpture du XVIII e siècle jusqu’à aujourd’hui. Sculptures et architectures dialoguent depuis des siècles. Parfois les deux domaines affirment leur autonomie respective, parfois ils se rapprochent et posent alors des questions habituelles: qui domine l’autre? qui inspire l’autre? De plus en plus l’architecture semble s’inspirer de la sculpture. L’exposition de la Fondation Beyeler propose d’explorer ces dialogues, ces rapprochement volontaires ou inopinés du XVIIIe siècle jusqu’à aujourd’hui. Elle associe des sculptures, des peintures et des maquettes architecturales. Le propos se déploie en dix sections qui explorent la thématique sous différents angles. L’exposition est inspirée par des poblématiques actuelles en architecture. Notamment la tension, l’alternative entre une architecture fondée sur des formes géométriques, le rectangle, le cube ou sur des formes organiques, le corps humain, l’animal, des formes trouvées dans la nature, ce qu’on nomme l’opposition entre box et blob! Les possibilités du dessin informatique élargissent à l’infini les références à l’une ou l’autre appproche.

On voit que le projet de l’exposition est ambitieux et que l’appréhension du propos n’est pas évidente. Pourtant de nombreuses réalisations in situ, l’association de la peinture, de la sculpture et des maquettes architecturales créent des situations déroutantes qui renouvellent notre perception de certaines oeuvres tout en prenant conscience de problématiques et d’enjeux complexes.

Comme l’indique Werner Hofmann dans sa contribution au catalogue, l’exposition demande depuis quand ces trois formes d’expression: l’architecture, la sculpture et la peinture disposent-elles d’un vocabulaire commun qui leur permet l’ouverture et la mise à l’écart des limites entre elles. Une histoire qui s’étend sur des décennies et où l’on rencontre des figures comme Eiffel ou Gaudi notamment. Plusieurs travaux ont été commandés et réalisés sur place. A signaler un hommage à Boullée de Gerhard Merz, une évocation du monolithe de Jean Nouvel à Morat, alors que dans le parc de la Fondation, les architectes Herzog & de Meuron ont réalisé une structure Jinhua Structure II. Sans évoquer tout le déroulement de l’exposition, je voudrais relever la confrontation étonnante d’une construction de Dan Graham avec les sculptures d’Alberto Giacometti dans la section intitulée La place. Les jeux de miroir, la position du spectateur à l’intérieur et à l’extérieur d’une structure en verre renouvellent la perception des figures.

Un chapitre est également consacré aux relations entre l’art minimal et l’architecture, en particulier son influence sur les architectes suisses Diener& Diener, Herzog & de Meuron, Peter Zumthor, il établit un lien avec l’exposition Donald Judd présentée au musée des beaux-arts et au musée d’art contemporain. Les rapprochements entre maquettes d’architecture et sculptures reposent semble-t-il uniquement sur des similitudes formelles, perçues visuellement, ainsi on associe Ronchamp à Henry Moore ou le Guggenheim de Mies van der Rohe à Jean Arp. Les collages visuels sont séduisants, mais ne sont pas objectivement fondés. Cela devient gênant lorsque par exemple, on juxtapose L’oiseau de Constantin Brancusi avec le bâtiment de Swiss Re à Londres construit par Foster & Partners. En effet la source reconnue de ce bâtiment est bien un « animal », mais il s’agit d’un type d’éponge et pas du tout d’un oiseau! En cassant les limites d’une exposition d’art au sens traditionnel, la manifestation, événement, installlation permet de saisir des problématiques actuellles qui touchent les divers domaines d’expression et dont le site même de la Fondation Beyeler fait partie.

Une exposition du Victoria & Albert Museum à Londres Zoomorphic (18 septembre 2003 – 4 janvier 20004) a étudié les rapprochements entre structures animales et architecture contemporaine.