Jasper Johns, Alex Katz, Mark Rothko, Andy Warhol

Jasper Johns an Allegory of Painting 1955 – 1965 jusqu’au 23 septembre 2007

Musée des beaux-art Bâle

L’exposition Jasper Johns (né en 1930) proposée par le musée de Bâle n’est pas une rétrospective, il s’agit d’un regard sur quelques aspects du travail de l’artiste au cours de la première décennie de sa fructueuse carrière. Quatre éléments sont mis en évidence. Les cibles dont on découvre de très nombreux aspects. Par contre le travail sur les chiffres et sur le drapeau américain n’est pas présent (on voit des exemples dans l’accrochage de la collection du musée qui en possède). Par ailleurs c’est la mise en évidence du processus de travail qui est soulignée: d’une part le travail sur la couleur, en particulier le rappel des trois couleurs fondamentales, inlassablement répété et sur les moyens d’appliquer la couleur avec une planche en bois qui permet de tracer les cercles notamment. On trouve aussi la règle, le fil, d’autres objets sont intégrés à la peinture comme un balais pour évoquer un pinceau géant.

Enfin le dernier aspect du travail de l’artiste qui est mis en évidence est celui des empreintes du corps, main, pied, visage. Cette approche très concentrée sur quelques aspects met bien évidence le caractère expérimental des recherches de l’artiste et mélange heureusement les techniques: peintures, dessins, lithographies, collages sont présentés sur le même plan. Cette approche paraît excellente, car elle permet de renouveler nos connaissances sur un artiste dont a une vision trop icônique qui nuit sans doute à la compréhension de son travail.

Patrick Schaefer, L’art en jeu 18 juin 2007


Musée cantonal des beaux-arts: Alex Katz et Félix Vallotton jusqu’au 9 juin 2013.

En 1995, le musée des beaux-arts de Lausanne achetait une toile de Félix Vallotton intitulée Quatre Torses, 1916. Cette oeuvre stupéfiante présente quatre corps de femmes en gros plan dans des tons roses, elle parait d’une incroyable actualité. Elle aurait pu être peinte dans les années 1960 ou même plus récemment. L’exposition Alex Katz (1927) et Félix Vallotton (1865 – 1925), loin de toute suggestion d’éventuelles influences ou filiation, s’emploie à montrer la singulière actualité de la peinture de Vallotton, en la confrontant à un artiste américain dont la carrière et le style se sont affirmés à l’époque du Pop Art.

Un peu moins de 40 toiles de Vallotton dont une quinzaine appartiennent à la collection du musée, un peu moins de 50 Alex Katz, de très grands et de petits formats invitent à une belle balade qui met en résonance deux artistes séparés par presque un siècle. Ils ont pour point commun la construction du sujet qu’il s’agisse de portraits, de nus, de figures en groupes ou de paysages diurnes et nocturnes. On ne peut que constater qu’ils arrivent parfois à des résultats relativement proches. Un véritable hommage à la Peinture et à ceux pour qui elle représente un engagement complet et la véritable création d’un « langage ». L’exposition et le catalogue pourraient de façon un peu plus élaborée et approfondie, au-delà du simple constat, apporter une contribution à la réflexion sur la notion de style et d’époque (on retrouve un peu la démarche de Bice Curiger au Kunsthaus de Zurich avec l’exposition Deftig Barock en 2012 qui s’intéressait à la permanence d’un intérêt pour l’étrange, la véhémence du 16e au 21e siècle).

A signaler qu’Alex Katz fait l’objet de deux autres exposition au Haus konstruktiv à Zurich jusqu’au 12 mai et au Museum der Moderne à Salzburg qui présente une rétrospective en collaboration avec le Colby College Museum of Art de Watteville qui possède 700 oeuvres de Katz jusqu’au 7 juillet.

Patrick Schaefer, L’art en jeu 23 mars 2013


Londres Tate Modern: Rothko les dernières séries jusqu’au 1er février 2009

Depuis la rétrospective du musée d’art moderne de la ville de Paris en 1999, puis celle de la Fondation Beyeler en 2001, l’oeuvre de Mark Rothko (1903 – 1970) jouit d’une visibilité toujours plus importante. La Tate Modern a choisi de lui rendre hommage en partant d’une série de huit toiles offertes par l’artiste en 1969. Pour respecter la volonté de Rothko ces toiles sont exposées en permanence. Elles faisaient partie d’un ensemble de 30 peintures que Rothko avait conçues en 1958 – 59 après avoir reçu une commande pour décorer une salle à manger dans le restaurant Four Seasons du Seagram building à New York. Il abandonna ce mandat réalisant que sa peinture ne correspondait pas à ce genre de site. Ici 14 pièces sont réunies et forment le point de départ d’une réflexion sur le développement des séries au cours de la dernière décennie de l’existence de Rothko. Pourtant Rothko restait habité par le désir d’offrir une immersion dans la peinture au spectateur d’où le développement d’autres séries. On voit ainsi les esquisses pour la chapelle de Houston. L’exposition se poursuit avec la série des peintures noires dans lesquelles il abandonne les bordures flottantes pour des limites bien marquées. L’exposition s’achève avec la série des peintures noires sur gris. On perçoit ien la dimension spirituelle de la recherche de Rothko. Les toiles paraissent très proches du spectateur et l’on sent la présence des pigments, d’une matière picturale sans reflet, on pense aux développements d’un Anish Kapoor.

Il est intéressant de visiter les expositions Bacon et Rothko à la suite l’une de l’autre. Ils appartiennent à la même génération, mais incarnent une approche de la peinture radicalement différente. Bacon crée la distance, joue le caractère imposant de l’art, alors que Rothko cherche la proximité dans une approche idéaliste tout en invoquant une transcendance. Une petite observation qui n’est rien de plus qu’une remarque: j’ai visité l’exposition Bacon vendredi matin à la Tate Britain, il y avait beaucoup de monde, mais les gens étaient silencieux ou parlaient à voix très basse. Ce qui m’a frappé dans l’exposition Rothko, c’est qu’au contraire les gens parlaient beaucoup. Dans une famille ou un petit groupe, il y avait toujours quelqu’un qui se lançait dans des explications pour ses proches, ses amis en parlant très fort!

Patrick Schaefer, L’art en jeu 22 octobre 2008


Bâle Öffentliche Kunstsammlung: Andy Warhol the Early Sixties Paintings and Drawings 1961 – 1964 5 septembre 2010 – 23 janvier 2011

L’exposition du musée de Bâle présente Andy Warhol dans ses meilleures années de recherche et d’expérimentation entre 1960 et 1964 avec des pièces très connues: les soupes Campbell, Elvis, Liz Taylor, les accidents de voiture, les fleurs. Une documentation permet de voir les sources imprimées dans la presse quotidienne qui sont au départ de ses travaux. Le côté sérielle, systématique des recherches de l’artiste ressort fortement et souligne la rupture avec la peinture expressionniste ou abstraite. On est aussi frappé par la simplicité ou l’évidence des solutions trouvées, une fois qu’il a choisi une approche. Les trois expositions collectives évoquées sur cette page tournent autour des mêmes problématiques, il est intéressant de constater ces rapprochements.

Patrick Schaefer, L’art en jeu 25 septembre 2010