Expositions thématiques (8)

Grand Palais, Paris Bohèmes jusqu’au 14 janvier 2013

Le metteur en scène canadien Robert Carsen (1954) signe la scénographie très soignée et séduisante de deux expositions à Paris : Bohèmes au Grand Palais jusqu’au 14 janvier et l’impressionnisme et la mode au musée d’Orsay jusqu’au 20 janvier. Comme il est aussi l’auteur de la mise en scène de JJR, découverte à Genève ces derniers jours et qu’il avait réalisé Richard III de Giorgio Battistelli lors de la dernière saison, on lui porte un intérêt soutenu.

Bohèmes explore la polysémie du terme, ce qui donne une exposition en deux parties bien distinctes, mais assez surprenante, déconcertante même. La première, qui s’étend dans deux salles allongées au rez, examine l’iconographie des bohémiens, diseuses de bonne aventure et autres égyptiens aux pouvoirs mystérieux. C’est une toile de Georges de la Tour qui domine la première salle. Elle inclut également le passage à l’artiste qui s’identifie au vagabond, au marginal avec une toile comme Bonjour M. Courbet particulièrement bien mise en valeur, on découvre ce double aspect de la représentation des marginaux et de l’identification de l’artiste avec ce groupe.

La seconde partie à l’étage évoque les grandes oeuvres du XIXe siècle qui, dans le goût pour l’exotisme de l’époque, qui place les gitans et l’artiste bohème au centre avec Mérimée et Carmen, puis Puccini et la Bohème.

Pour commencer on entre dans un studio d’artiste aux papiers peints déchirés avec des portraits et des autoportraits, la salle suivante propose des vues d’ateliers, les toiles sont posées sur des chevalets. Puis l’on passe à la Bohème qui a une très longue histoire puisque le texte d’Henry Murger, La vie de Bohème date de 1850, il a connu plusieurs éditions illustrées et Daumier n’a pas manqué de s’en prendre à la vie de Bohème ! alors que l’opéra de Puccini est de 1896. Une autre salle évoque Rimbaud et Verlaine avant de nous faire entrer dans un grand café  aux murs duquel on trouve des toiles célèbres comme celle de Degas, l’exposition s’achève avec Picasso et des peintres hongrois et espagnols notamment.

Pour conclure, on dira que c’est encore une fois une exposition thématique, iconographique intéressante, mais assez étrange.

Patrick Schaefer l’art en jeu 2 octobre 2012


Vevey 29 juin 2013

Lemancolia musée Jenisch Vevey jusqu’au 13 octobre.

 Dans les espaces du rez-de-chaussée, le musée Jenisch évoque de multiples aspects de l’iconographie du Léman. Cette exposition associe des techniques et des périodes très diverses, à travers des confrontations bienvenues, soutenues par la force d’un modèle dont les variations inspirèrent tant d’artistes de Conrad Witz à Oscar Kokoschka et Jean-Luc Godard. A côté de toiles impressionnantes de Courbet, Hodler et Kokoschka, on découvre 8 aquarelles de Turner auxquelles répondent celles de Gustave Doré par exemple. Les sauts chronologiques sont déclinés avec audace, de même que les registres d’expression, puisque l’on passe sans transition d’une vision romantique tumultueuse, à la bande dessinée, à la photographie et à la vidéo. Ces associations sans doute parce qu’elles traitent du même sujet sont bien réussies.

Au visiteur qui se sent attiré par un grand Château de Chillon de Gustave Courbet dans la salle de droite, on indique qu’il devrait d’abord aller découvrir les Hodler et Kokoschka qui lui font signe dans la salle de gauche.

C’est ici que l’on trouve un fac-similé  de la Pêche miraculeuse de Conrad Witz, considéré comme le premier paysage du Léman, à ses cotés une toile de Pietro Sarto dont les atmosphère nuageuses et mouvantes conduisent le regard vers les aquarelles de Turner de 1841. Dans deux d’entre elles on reconnaît le clocher de l’église Saint-Martin de Vevey. Celles-ci sont à leur tour confrontées à deux tirages photographiques d’Alexander Hahn qui offrent une autre vision de Léman. Le parcours se poursuit ainsi avec des associations surprenantes, mais subtiles dont les sauts chronologiques sont soutenus par l’unité du thème. Dans l’aile Est du musée, on découvre des Courbet et des oeuvres de Corot, Bocion, Vallotton, mais aussi un chapitre qui évoque des modes d’expression différents avec partant de Rodolphe Töpffer, la bande dessinée de Hergé, l’affaire Tournesol, qui se déroule en partie à Nyon et des planches de Frédéric Pajak. Enfin un montage de différents films de Jean-Luc Godard est proposé, pour évoquer l’importance du Léman dans son oeuvre.


Zurich 4 juin 2012 Deftig Barock jusqu’au 2 septembre 2012

Deftig Barock de Cattelan à Zurbaran. Manifestes de la vie précaire, Kunsthaus Zurich.

En 1995, le Kunshaus de Zurich avait proposé une confrontation entre l’art contemporain et un artiste plus ancien sous le titre Zeichen & Wunder / Niko Pirosmani (1862-1918) und die Kunst der Gegenwart. En 2011, lors de la Biennale de Venise qu’elle dirigeait , Bice Curiger, a tenu à consacrer une salle aux grandes toiles de Tintoretto. L’exposition actuelle du Kunsthaus Deftig Barock poursuit dans le même esprit.

Pour résumer trois espaces sont consacrés à des toiles anciennes du 16e siècle au 18e siècle de 17 artistes. En général, il ne s’agit pas d’oeuvres majeures, mais plutôt de compositions qui frappent par leur étrangeté, leur véhémence. C’est cette relation que l’exposition propose d’explorer dans les travaux de 15 artistes contemporains. Ils sont sélectionnés dans un bel équilibre entre la vidéo, la peinture, la sculpture et l’installation.

Un premier mur nous accueille avec des scènes de genre du 17e siècle, Teniers, Brouwer, Pieter Aertsen, des scènes de beuveries ou de boucherie, en particulier. Les deux premières salles sont consacrées à des films de Ryan Trecartin et Lizzie Fitch, avec une invitation à se prélasser dans des canapés pour assister au délire assez gore du film. Dans la suivante ce sont les animations en terre ou pâte à modeler de Nathalie Djurberg I found myself alone qui proposent un scénario délirant. Puis l’on découvre les photographies de modèles nus dans des musées de Juergen Teller et les sculptures de Cattelan. Les photographies de Boris Mikhailov sont un excellent pendant aux scènes de genre de même que les peintures de Dana Schutz How we would Dance, 2007. On comprend moins la raison de la présence de 3 grandes peintures d’Albert Oehlen ou celle d’une belle sculpture d’Oscar Tuazon qui vient par ailleurs mettre un ordre construit dans l’espace. Les deux interventions d’Urs Fischer, une langue tirée et un lit mou sont particulièrement bien intégrées dans l’espace qui propose le plus grand ensemble de peintures anciennes. Des scènes historiques, mythologiques ou religieuses sont sélectionnées davantage pour leur étrangeté que pour leur qualité propre. On retient par exemple bien sûr cette scène de viol d’une femme noire de 1632 du musée de Strasbourg ; Les architectures fantastiques de Monsù Desiderio ou les étranges compositions d’Alessandro Magnasco. La plus belle toile ici est L’enlèvement d’Europe par Simon Vouet.

Les dessins autodérisoires et érotiques de Robert Crumb leur répondent judicieusement. Le plus jeune artiste de l’étape s’appelle  Tobias Madison (1985), il propose une installation rigoureuse et déroutante. L’exposition s’achève avec une installation vidéo de Diana Thater sur Tchernobyl, quatre grandes peintures à l’émail sur métal de Marilyn Minter qui travaille à la Warhol. La dernière salle propose de grands portraits photographiques de Cindy Sherman, une sculpture de Paul Mc Carthy qui fonctionnent très bien avec des portraits de Hyacinthe Rigaud et des natures mortes de Frans Snyders entre autres.

La référence au baroque est employée par de nombreux créateurs actuels comme Derek Jarman ou Mathew Barney qui ont mis en avant cette relation. Ils sont d’ailleurs présentés dans un cycle de films qui complète l’exposition. Les artistes retenus représentent quelques exemples de cette approche. On peut se demander pourquoi John Miller, présenté en 2009 à la Kunsthalle de Zurich est qui est en plein dans cette référence au baroque n’est pas présent, peut-être son approche est-elle trop critique, interrogative? On a préféré Paul Mc Carthy qui fait un peu « ancien », fin des années 1980!. Par ailleurs ce qui frappe c’est le parti pris esthétique général, les oeuvres contemporaines sont bien mises en valeur, l’ensemble offre une belle exposition, en évitant toutefois de trop exacerber la problématique !

Patrick Schaefer L’art en jeu 5 juin 2012


Berne 25 novembre 2010

Le Centre Paul Klee et le Musée des Beaux-Arts se sont associés pour évoquer Les sept péchés capitaux de Dürer à Nauman jusqu’au 20 février. Au musée on découvre d’abord les suites consacrées à l’évocation des péchés, puis une présentation détaillée de l’orgueil, l’envie, l’avarice et la colère, alors que la luxure, la paresse et la gourmandise sont évoqués au centre Paul Klee.


Une image peut en cacher une autre jusqu’au 6 juillet 2009

Au Grand Palais à Paris, on découvre Une image peut en cacher une autre jusqu’au 6 juillet. Cette vaste exposition propose d’explorer en 22 étapes, différentes formes de l’ambiguïté visuelle et de la double image à travers les siècles. Le 16e siècle occupe une place considérable, suivi par le 20ème, une salle entière est accordée à Salvador Dali et l’exposition s’achève de façon très séduisante sur les sculptures de  Markus Raetz.

Le propos de l’exposition est de montrer comment à chaque époque les artistes ont joué avec la perception visuelle. Plaçant des visages dans les rochers, cachant des images à l’intérieur d’autres représentations.

Développant les métamorphoses, les assemblages ou les anamorphoses par jeu, mais aussi pour y cacher un sens.

La gravure a joué un rôle important dans la diffusion de ce genre de travaux surtout au XIXe siècle. Ils ont connu un regain d’intérêt auprès des surréalistes et Dali en a fait l’une des sources principales de son inspiration artistique.

Le site de la http://www.rmn.fr/ présente divers aspects de l’exposition avec des commentaires d’oeuvres et des entretiens.

Patrick Schaefer, l’art en jeu 29 avril 2009


Zurich Musée national: Animali. Animaux réels et fabuleux de l’Antiquité à l’époque moderne jusqu’au 14 juillet 2013.

Une exposition qui considère la représentation des animaux réels et fabuleux depuis la préhistoire jusqu’au 17e siècle, avec quelques exemples contemporains. L’exposition suit la typologie des animaux mélangeant les époques, ainsi le dragon, la sirène, le cerf, le cheval. l’aigle ou encore le griffon, la licorne, le centaure, le lion, le poisson et le sphinx sont tour à tour évoqués. Une belle sélection de bijoux, vases, sculptures, manuscrits, peintures ou encore tapisseries.

A signaler que le Kunsthaus de Zurich propose du 1er avril au 31 juillet 2011, une exposition intitulée Tierisch gut! HundeKatzeMaus im Kunsthaus Zurich.


Comme des bêtes

Musée cantonal des beaux-arts Lausanne jusqu’au 22 juin 2008.

La première exposition du nouveau directeur du musée des beaux-arts de Lausanne, Bernard Fibicher, propose une approche thématique autour des animaux dans l’art d’aujourd’hui et d’autrefois avec 170 œuvres provenant d’une centaine de prêteurs différents. L’exposition est organisée autour de neuf animaux. Elle commence par celui que l’on considère parfois comme le plus intelligent, le cochon et se poursuit avec une vie plus sauvage autour du cerf, puis de l’ours. Après ces épisodes on arrive à la grande icône helvétique: la vache. Puis l’on passe au chat et au papillon, on continue avec la poule et ses poussins, l’âne et le parcours s’achève avec la mouche.

L’exposition ne cherche pas à construire un discours sur les relations entre l’homme et l’animal, l’artiste et l’animal, mais présente des exemples appartenant à différentes époques sur la manière de traiter l’animal chez les artistes et par là le regard de la société sur l’animal. La salle consacrée aux chats oppose par exemple la vision femme et chat et la relation homme et chat. Une sorte de taxinomie de la représentation des animaux retenus nous est proposée. Elle est basée sur des critères de sélection liés d’un côté à l’histoire de l’art local (on remarque la présence de nombreuses sculptures d’Edouard Marcel Sandoz, mais aussi des oeuvres d’André Lasserre), celle des collections (Steinlen, Vallotton, Auberjonois par exemple) ou encore les expériences préalables du concepteur de l’exposition, à ce titre on relève la présence de plusieurs artistes chinois. Il n’y a pas non plus de référence aux performances avec les animaux qui sont nombreuses dans l’histoire de l’art des 40 dernières années depuis la rencontre de Beuys avec un coyote. En fait l’approche n’est assurément pas un traitement diachronique relevant de l’histoire de l’art, qui se baserait par exemple sur l’évolution de la notion de peintre animalier, ou sur la problématique des mythes et des métamorphoses. Elle favorise des confrontations denses d’oeuvres de différentes époques, des approches multiples autour du motif et laisse ouverte l’interprétation sans hiérarchie esthétique. Des artistes ont été invités à intervenir directement dans les salles Didier Rittener a dessiné une grande mouche sur un mur et Alexandre Joly propose un surprenant carrousel avec une vache. Le résultat est un tohu bohu plutôt joyeux et apaisant sans prétention excessive, mais tout à fait original. Le catalogue reprend cette approche taxinomique avec un texte du directeur du musée de zoologie sur ce sujet et des citations de textes de différentes époques sur chaque animal, accompagnant un commentaire des principales oeuvres retenues.

Les animaux sont à la mode lors de la dernière Skulptur Projekte Münster 07, l’artiste Andreas Siekmann s’en est pris d’ailleurs à la pratique de nombreuses villes adoptant comme emblème un animal. Au début des années 1990 c’est Damien Hirst qui a renouvelé la représentation de l’animal en présentant différentes bêtes dans des vitrines de formaldéhyde, mais il a aussi reconstitué dans de grands blocs en verre des milieux naturels, aquariums ou forêts emplies de papillons. L’exposition In a Gadda Vida à la Tate Britain à Londres en 2004 en offraient de bons exemples. Cette approche est contredite par l’engagement de Mark Wallinger qui revêt une peau d’ours et se filme lui-même errant dans la National Galerie à Berlin solitaire dans ce costume, une vidéo que l’on découvre dans l’exposition lausannoise. Un livre de Steve Baker, the Postmodern Animal, Londres, 2000 rend compte de cette évolution de la représentation des animaux. On peut aussi citer Jeff Koons dont on trouve un écho dans l’ours proposé ici par Valentin Carron.

Plus tôt c’est la relation identitaire, mimétique avec l’animal comme la relation Picasso- Minotaure évoquée dans l’exposition Picasso, Sous le soleil de Mithra en 2001 et 2002 qui était traitée.

On peut encore mentionner le néo-expressionnisme des années 1980 et une relation totémique dont l’artiste outsider François Burland offre un exemple.

Un catalogue et un programme d’animation important accompagnent l’exposition. A voir sur le site du musée. Patrick Schaefer, L’art en jeu 28 mars 2008


Galeries nationales du Grand Palais

Mélancolie, Génie et folie en Occident jusqu’au 16 janvier 2006

En 1994, Achille Bonito Oliva présentait au musée Correr à Venise « Preferirei di no » cinque stanze tra arte e depressione, une remarquable réflexion sur le thème de la Mélancolie chez les artistes et dans l’expression artistique. Après bien des péripéties Jean Clair propose au Grand Palais à Paris une large évocation de ce thème. L’exposition interroge la constitution et la mise en place des normes à travers huit chapitres et de nombreuses sections qui traquent l’origine de la figure de la mélancolie de l’Antiquité jusqu’à aujourd’hui. En plus de l’approche iconographique, elle traite des relations entre l’art et la science et de l’identité de l’artiste. Une problématique déjà abordée dans L’âme au corps. Art et sciences 1793 – 1993. Le déroulement chronologique va de pair avec la confrontation d’oeuvres à travers les siècles, afin de souligner la permanence des préoccupations évoquées.

1 La Mélancolie dans l’Antiquité: humeurs, tempéraments, saisons. Vases antiques, Télémaque et Pénélope devant son métier à tisser le mouvement de la tête appuyée sur un bras, la prostration. 2 Le Bain du diable, les 7 vices. Le Moyen Âge. 3 Les enfants de Saturne qui rassemble les marginaux et les contemplatifs. La Renaissance. Héraclite qui pleure, Démocrite qui rit. Robert Burton L’anatomie de la mélancolie. Melencolia I de Dürer (à signaler que le tirage présenté est celui de la collection Decker du cabinet des estampes de Vevey). Dürer introduit la notion moderne de génie, il associe la figure de la mélancolie à l’art noble de la géométrie. Saturne astre de la mélancolie. Un musée de la mélancolie au centre Le Cube 1933 d’Alberto Giacometti. 4 L’anatomie de la mélancolie à l’âge classique. Les Vanités. La mélancolie liée au Memento mori. Musique et Mélancolie. 5 Les lumières et leurs ombres. Le 18ème siècle. 6 Dieu est mort. Le romantisme. Peintures de catastrophes. 7 La naturalisation de la mélancolie. Médecine et mélancolie Messerschmidt, Lavater, étude de la folie par Goya, Géricault. Portrait du Dr Gachet par van Gogh, ce Dr Gachet a fait une thèse sur la mélancolie, Eakins, Artaud. 8 Mélancolie et temps modernes. Anselm Kiefer, Ron Mueck confrontation d’oeuvres du 19e et du 20 siècle. L’exposition brosse une histoire de l’art et des idées complète, à travers le thème de la mélancolie et de la prostration.

L’exposition est visible à la neue Nationalgalerie à Berlin du 17 février au 7 mai 2006. Elle connait un grand succès les heures d’ouverture ont été étendues il y a eu 100’000 visiteurs en 5 semaines. Le site de l’exposition donne de nombreux renseignement y-compris des commentaires sur les oeuvres. Par ailleurs un programme de vidéos contemporaines est présenté à côté de l’exposition.