Interactivité, vidéo, jeux

Lausanne 16 novembre 2013: Musée cantonal des beaux-arts, Lausanne

Making Space. 40 ans d’art vidéo 18 octobre – 5 janvier 2014

Le musée des beaux-arts de Lausanne se lance dans une tentative difficile : jeter un regard rétrospectif sur l’art vidéo des 40 dernières années. A travers un thème, l’ouverture vers de nouveaux espaces intérieurs, extérieurs, simultanés. C’est une expérience intéressante pour le spectateur et une réflexion sur notre mémoire visuelle, l’évolution de nos sensations. 23 artistes ont été retenus. D’un côté l’exposition donne l’occasion au public local de découvrir des installations présentées au cours des 15 dernières années dans de grandes expositions internationales, de l’autre elle tente de proposer quelques travaux historiques internationaux ou suisses.

L’expérience sur soi et la perception du monde rendue possible par l’emploi d’une caméra souple ont ouvert de nouveaux champs à l’expression artistique. Depuis 40 ans, le musée des beaux-arts de Lausanne a accordé une certaine place à cette forme d’expression. Les recherches intimistes, le dialogue ou le rapport à la ville à l’espace sont quelques aspects que l’on retrouve dans ces vidéos à divers moments.

Dans la troisième salle, on découvre un film de Dan Graham, surtout connu aujourd’hui pour ses pavillons arrondis et transparents qui offrent une vision différente de l’espace. Ici, on le voit tourner sur lui-même avec une caméra. Cette rotation, on la retrouve dans l’installation de Bruce Nauman, un autoportrait de l’artiste en rotation, émettant un son lancinant. Chez Pipilotti Rist, la mise en scène de soi est agressive, lorsqu’elle marche dans la rue en cassant les pare-brises d’automobiles. Alors que Kim Sooja se présente, passive, au milieu du flux de la foule de plusieurs grandes villes. Ici le caractère gigantesque de l’installation implique aussi le spectateur dans ce face à face avec des villes du monde. On retrouve une certaine intimité avec Francis Alys qui fait sonner les grilles des maisons londoniennes dans l’une de ses nombreuses balades. La ville aussi fait l’objet d’un très beau film d’Anri Sala, consacré à la mise en couleur de Tirana. Eija – Liisa Ahtila avec The House, présentée à la Documenta 2002, introduit le fantastique, l’imaginaire dans une vidéo qui semble au premier abord un reportage sur le quotidien le plus banal. Avec Salla Tykkä un fragment de la trilogie Cave (Lasso, Thriller, Cave) présentée à la Biennale de Venise 2001, propose un regard extérieur sur un jeune homme qui s’entraîne au lasso, surpris par une jeune femme. De Bill Viola, on présente sur un petit écran The Reflecting Pool, 1977-1979.

En 2008, le Musée des beaux-arts de Lucerne a présenté La video suisse, des années 70 et 80 avec 20 installations vidéo soigneusement reconstituées avec l’aide des artistes et de nombreuses projections en annexe pour tenter de poser les jalons d’une histoire de la vidéo en Suisse. On retrouve certains artistes dans cette exposition René Bauermeister, Silvie et Chérif Defraoui et Jean Otth, mais une place est aussi accordée aux précurseurs internationaux Nam June Paik, Valie Export ou Joan Jonas, par exemple. Les artistes suisses contemporains sont bien représentés: Emmanuelle Antille incarne une approche psychologique en se tournant vers son entourage le plus proche. On peut la rapprocher de Gilian Wearing ou de Fiona Tan. Judith Albert, propose un encadrement lumineux et poétique du paysage, en soulignant les rapports entre image filmée et image peinte. Quant aux travaux sélectionnés d’Anne-Julie Raccoursier et de Pipilotti Rist, ils relèvent du thème de la représentation de la ville. On s’étonnera par rapport au thème de l’exposition que l’on n’ait pas fait de place aux installations qui proposent des espaces très « cool » et « fun », où le spectateur peut s’installer confortablement, comme dans les travaux récents de Pipilotti Rist par exemple ou lorsqu’il est totalement immergé dans les images comme chez Doug Aitken ou Isaac Julien. Douglas Gordon, peut-être le principal artiste vidéo actuel est absent, il est vrai qu’on le voit partout, mais il travaille justement sur le thème du miroir, de l’insertion du spectateur, du gros plan, de l’espace!.

Patrick Schaefer, l’art en jeu 25 novembre 2013


Kunsthalle Wien

Salon der Angst jusqu’au 12 janvier 2014. Deux termes clefs dans le titre de cette exposition: Salon et Angst, peur. L’idée du Salon inspire l’accrochage qui réunit des oeuvres actuelles et du 20e siècle, la peur motive plus ou moins la sélection des oeuvres choisies. Mais c’est un terme vague et très général il ne s’agit donc pas d’une exposition thématique en prévison de Halloween ou sur les peurs irrationelles, millénaristes par exemple.

Une partie des oeuvres évoquent des situations qui suscitent l’horreur comme les victimes d’attentats montrées par Thomas Hirschhorn, d’autres relèvent du surréalisme, du fantastique. Certaines sont carrément politique comme ce film de Mark Wallinger qui réunit des discours de Margaret Thatcher, mais ne retient que quelques mots et les appplaudissements qui les ponctuent. C’est d’ailleurs le fond sonore de l’exposition que l’on entend sur tout le 1er étage.

La partie salon réunit un nombre important de toiles de Francis Picabia, parmi les artistes plus anciens on trouve aussi Ensor, Kubin et des dessins d’artistes contemporains. Photographies, vidéos, installations et peintures sont associées. En réalité si l’exposition offre la présentation de plusieurs figures importantes et appartenant à des courants assez différents, on ne comprend pas ce qui motive leur rapprochement. On trouve ainsi une installation de Kader Attia, un grand groupe de photographies d’Allan Sekula prises en Pologne. Une vidéo touchante d’Ieva Epnere, Zenta, 2004, sur une femme qui vit dans une petite cabane; une grande installation d’Eva Kotatkova qui évoque Gugging, elle est également présentée à la Biennale de Venise, de même d’ailleurs que le film de Harun Farocki sur les rites autour de certaines sculptures.

Patrick Schaefer L’art en jeu 10 octobre 2013


Nouvelles boîtes, Musée des beaux-arts, Lucerne jusqu’au 21 octobre 2012 

L’exposition interroge la problématique du white cube, l’idée d’u espace neutre qui met les oeuvres en valeur. La directrice sélectionne des créateurs décédés ou invite des artistes vivants à prendre position par rapport aux espaces que lui imposent les choix de Jean Nouvel. Les dix artistes retenus déclinent diverses propositions face à cette situation. Les rectangles de fil noir de Fred Sandback (1943 – 2003)  partagent obliquement la salle. Eric Hattan expédie les tables et les chaises au plafond. Les toiles tissées d’ Adrian Esparza couvrent les murs. Bruno Jakob laisse les murs blancs. Les visiteurs peuvent s’inscrire pour couvrir les murs en noir ou en blanc selon l’action de Nedko Solakov. Christian Kathriner (1974) partage l’espace par des portes monumentales que le visiteur traverse pour se retrouver dans un cube blanc. Stefan Burger projette des dias à tout vitesse sur les murs.

Le dernier jour de l’exposition une performance d’Allora & Calzadilla est annoncée dès 13h.

Patrick schaefer L’art en jeu 20 août 2012


CentrePasquArt Bienne jusqu’au 15 août 2004 I Need You

Autour de l’interaction entre l’art et le public

Une trentaine d’artistes suisses et internationaux sont proposés. Ils illustrent différentes formes d’interaction entre l’oeuvre d’art, l’artiste et le public en adoptant un champ de vision large et intéressant. L’exposition dresse un inventaire des formes d’interactions entre l’artiste et le public. Ainsi certains créateurs utilisent ce dernier pour réaliser une performance dont ils conservent le souvenir sous la forme de photographies (Les Dormeurs de Sophie Calle) ou sous la forme de films (Spencer Tunick et les actions qui impliquent un grand nombre de figurants nus. Le film réalisé à Fribourg est montré ici). Dans ce domaine le travail le plus pertinent et le plus impressionnant est sans doute celui de Santiago Sierra. On découvre ici un film de 2003 Cubo de Pan qui relate la création d’un immense carré de pain offert à des sans-abris de Mexico. On assiste à la réalisation du cube en fer blanc, au travail en boulangerie, puis à la distribution des miches. Un documentaire provoqué très étonnant qui rejoint une forme d’iconographie chrétienne. Le recours à l’ordinateur et aux jeux est évidemment évoqué par plusieurs exemples, notamment le jeu iconoclaste de Tobias Bernstrup et Palle Torsson qui se déroule dans le musée des beaux-arts de Stockholm, 1999. Le travail de Dominik Stauch propose au visiteur de composer des harmonies colorées sur écran avec « Alan Smithee goes de de Stijl » 2004. Le spectateur est aussi directement mis à contribution s’il veut pénétrer dans la structure gonflable de Haruko ( haruko.ch ) ou dans l’installation sonore de Jan Kopp par laquelle l’exposition s’achève: 40 plaques carrées émettent les sons enregistrés dans diverses villes lorsque le spectateur marche sur l’une d’elles. (l’exposition Sonic Process à Beaubourg avait présenté de nombreuses démarches de ce type d’octobre 2002 à janvier 2003). Avec le trio Mickry Drei on découvre une installation sous le titre Salon Bamboo 04. Comme dans toute exposition thématique de nombreux autres exemples viennent à l’esprit, mais la sélection qui illustre différents types d’interaction et plusieurs générations est intéressante. Le contexte de l’Eurofoot a suscité un match en début d’exposition à l’initiative de Heinrich Gartentor gartentor.ch

Patrick Schaefer, L’art en jeu, 25 juillet 2004

A signaler dans le même esprit que le musée d’art contemporain de Chicago présente une exposition intitulée Without you I’m nothing. Art and it’s Audience jusqu’au 1er mai 2011. ( centrée sur les sculpteurs comme Carl André, Richard Serra, Bruce Nauman…)


Tate Modern, Londres. Time Zones, Recent Film and videos jusqu’au 2 janvier 2005

L’exposition présente les travaux de dix artistes qui ont pour point commun une réflexion sur le temps de la perception et de l’enregistrement de l’image, le plan fixe, la caméra de surveillance par exemple. Si l’on cherche une autre caractéristique qui relie ces travaux, on dira que la sélection privilégie un regard plutôt ethnographique et non la mise en évidence de scénarios de fiction. On découvre ainsi les travaux de Fikret Atay, Fiona Tan, Wolfgang Staehle, Jeroen de Rijke et Willem de Rooij, Yael Bartana, Yang Fudong, Anri Sala, Bojan Sarcevic et Francis Alÿs.

Fikret Atay nous montre deux adolescents kurdes qui chantent et dansent devant un automate à billets comme si une caméra de surveillance les avait enregistrés. Fiona Tan présente des femmes qui tirent à l’arc, Saint Sebastian, 2001, l’image en gros plan, fixe les visages et les mouvements du haut du corps les réactions au tir aussi. Wolfgang Staehle est devenu célèbre parce qu’il avait fixé une caméra en face de Manhattan dans le cadre d’une exposition dans une galerie new yorkaise enregistrant ainsi en temps réel, de façon fortuite, les attentats du 11 septembre. Ici, il a placé sa caméra au pied d’un couvent fortifié en Allemagne à Comburg. L’ œil est en éveil permanent, observe là où il ne se passe rien.

Jeroen de Rijke et Willem de Rooij présentent une vue en plan fixe d’un cimetière dans la banlieue de Jakarta.

Yael Bartana propose Kings of the Hill, 2003, un reportage silencieux sur des hommes qui jouent avec des 4×4 très puissants en essayant de leur faire gravir des dunes sur une plage près de Tel Aviv.

De Yang Fudong, on découvre un court-métrage évoquant le retour au pays d’un jeune homme.

Bojan Sarcevic laisse une caméra le suivre dans ses déambulations à travers les rues de Bangkok.

Anri Sala avec Blindfold, 2002 fixe la caméra devant des panneaux d’affichage métalliques vides et observe l’évolution de la réflexion lumineuse au cours de la journée.

La pièce de Francis Alÿs retenue date de 1999 et montre les personnes qui se mettent à l’abri d’un mât sur le Zocalo, la grande place de Mexico.

La sélection est assez intéressante, mais pas très percutante me semble-t-il. Il y a notamment sur le thème des caméras de surveillance beaucoup de travaux qui auraient pu figurer ici par exemple chez Sophie Calle.

Le site de l‘exposition est toujours accessible.

En fait plusieurs des approches présentées correspondent à la Camera obscura qui reproduit une image du lieu où elle est placée sur un mur. Il faut signaler qu’un exemple de ce procédé a été construit sur le toit de la Hayward Gallery dans le cadre de l’exposition Eyes, Lies & Illusions.

Dans la collection on trouve une œuvre de Nauman qui explore le même problème Mapping the Studio, 2000 5h 45 c’est un enregistrement nocturne dans son studio, à côté, il dresse l’inventaire écrit de tous les événements qui se passent: craquements, souris, chien qui aboie etc

Au même étage de la Tate une grande rétrospective est consacrée au photographe et cinéaste suisse installé aux Etats-Unis Robert Frank (1924). Elle met en évidence le caractère expérimental de la démarche du photographe. Eprouvant une insatisfaction devant l’arrêt sur image imposé par la photographie, il s’intéresse ainsi à des suites de planches-contacts qui permettent de suivre une action. Finalement il passe au cinéma expérimental et il utilise le côté instantané du polaroïd. Par ailleurs il est motivé par une exploration autobiographique et l’ensemble de son œuvre apparaît comme un autoportrait.

Patrick Schaefer, L’art en jeu, 7 novembre 2004


Common Wealth: Tate Modern jusqu’au 28 décembre 2003

Le titre de cette exposition appelle l’exégèse pourtant le dépliant de l’exposition ne donne qu’une interprétation à cette expression et ne se lance pas dans des allusions diverses. On sait qu’en un seul mot le Commonwealth est la réunion d’une quarantaine de pays qui ont fait partie de l’ancien Empire britannique. Par ailleurs en deux mots c’est un slogan auquel recourent toutes sortes de groupes, c’est aussi l’évocation de valeurs écologiques, le bien commun, l’air, l’eau etc. Ici, selon le dépliant il s’agit d’explorer les notions de Common Wealth, ce qui est commun. Mettre en cause la création autonome, individuelle par une création à plusieurs d’une part et par une implication directe du spectateur d’autre part. Sans pour autant faire du didactisme ou du militantisme. L’idée de l’interactivité, du jeu et de l’engagement politique et social sont associées dans cette exposition de manière originale. Une formulation inattendue, on est loin des créations de jeux par ordinateur. Il s’agit plutôt de reprendre des jeux traditionnels connus comme le ping pong qui devient Ping Pondrevu par Gabriel Orozco un jeu pour 8 participants, le billard intitulé billard avec pendule par le même Orozco et le frisbee revu par Carsten Höller, qui propose aussi un mur de miroirs avec portes coulissantes dans lequel le spectateur pénètre. Thomas Hirschhorn a construit une bibliothèque en carton qui tient lieu de salle de repos, présente des documents sur le mouvement d’avant-garde vorticiste et un hôtel conçu comme une gigantesque maison de poupées Hotel Democracy qui évoque divers aspects de l’actualité récente dans chaque chambre. Le propos est complexe, mais la réalisation est très accessible et surprenante.

Cette approche rejoint peut-être certaines évolutions de l’art public que l’on a pu observer au cours des dernières années en particulier en Allemagne avec Rosemarie Trockel. Cet élément n’est toutefois pas relevé dans l’exposition.

Patrick Schaefer, L’art en jeu, 13 novembre 2003


20 avril 2010

Lors de sa conférence annuelle la Fondation Pro Helvetia a annoncé qu’elle allait soutenir le développement de jeux vidéos de qualité. Soit en contribuant à des expositions sur ce thème, soit en créant un concours avec distribution de prix d’encouragement dans le cadre d’un programme « game culture » réparti sur deux ans qui prévoit 1,5 millions de francs. Les principaux partenaires seront l’école d’art de Zurich, le festival Fantoche à Baden, la Maison d’ailleurs à Yverdon et le festival du film fantastique à Neuchâtel.


GAME ON: The history, culture and future of videogames

Londres Barbican Gallery jusqu’au 15 septembre 2002. L’exposition est réalisée en collaboration avec les National Museums of Scotland.

On entend parfois dire que l’art contemporain est sans grand rapport avec les enjeux de la vie actuelle. Il suffit pourtant de laisser diverger son regard légèrement vers des domaines voisins de création appliquée pour se trouver au centre des débats de société les plus pressants. Certes les jeux vidéos ne relèvent en principe pas du domaine artistique, pourtant, la place qu’ils occupent, les enjeux économiques qu’ils génèrent sont tellement importants qu’ils mobilisent les énergies de créateurs d’origines très diverses. De plus, ils offrent une forme de culture visuelle interactive qui fait partie du bagage culturel des jeunes artistes. Ceux-ci élaborent des œuvres dans des registres de langage différents, mais souvent dérivés de cette culture.

Nombreux sont ceux qui sont conscients de l’importance de cette culture visuelle et qui tentent de tracer des passages d’un domaine à l’autre. La Biennale de Lyon2001 offrait un bon exemple de cette tentative. Evidemment il est difficile de trouver une approche qui permette de mettre en évidence les parallèles et les différences entre les concepts (celui d’espace imaginaire par exemple), les langages et les techniques utilisés.

L’exposition Game On proposée à la Barbican Gallery dans un espace généralement réservé à des expositions artistiques se lance résolument dans une tentative de présentation historique des jeux vidéos depuis 1962 (date des premiers jeux sur ordinateur semble-t-il) jusqu’à aujourd’hui. En exposant le passage des premières consoles disponibles dans les bars et les salons de jeux, aux ordinateurs personnels et consoles de jeux destinées à la maison, sans oublier le vaste champ des jeux disponibles en ligne.

L’exposition est organisée d’une manière chronologique et typologique fort intéressante qui permet à ceux qui ne sont pas familiers de ce domaine de le découvrir. Par ailleurs elle ne présente pratiquement que des machines qui fonctionnent et avec lesquelles on peut jouer. (Il est rare en entrant dans une exposition que l’on vous annonce que vous ne pouvez rester plus de 2h 30! Et vous êtes invités à ne pas passer plus de 5 minutes sur un jeu pour laisser la place à d’autres). Le site de l’exposition permet de visiter salle après salle. Il propose des photos des machines et la liste des jeux mis à disposition. Le catalogue ne suit malheureusement pas le déroulement de l’exposition. Il est formé d’une série d’essais qui traitent de diverses questions d’actualité liées aux jeux vidéos. On y trouve toutefois une quantité de renseignements. (GAME ON, The history, culture and future of videogames, ed. by Lucien King, London, 2002).

Les consoles anciennes présentées feront dorénavant partie des collections des National Museums of Scotland.

Le Computerspiele Museum ouvert en 1997 à Berlin serait le premier consacré à ce domaine d’activité. Il est fermé en ce moment, pour ouvrir dans de nouveaux locaux. Il existe pourtant en ligne et en allemand : http://www.computerspielemuseum.de/

Suite au massacre d’Erfurt (dont l’auteur était un passionné de jeux vidéo), la revue Telepolis consacre de nombreux articles aux jeux vidéos et à leur mise en cause. A relever le compte-rendu d’un livre de Mathias Mertens; Tobias O. Meißner : Wir waren Space Invaders – Geschichten von Computerspielen, Eichborn.

www.mameworld.net/movies Site qui tente d’établir un inventaire des images de films dans lesquelles apparaissent des arcades de jeux depuis les années 1970 (Arcade at the movies).

Un Museum of Computing a été créé à l’University of Bath in Swindon – Oakfield Campus, Greenbridge Road/Marlowe Avenue, Walcot, Swindon, SN3 3JR, Wiltshire, England. Il présente d’anciennes consoles de jeux.

28 01 05: Karlsruhe: Zentrum für Kunst und Medien Technologie ZKM

Die Algorithmische Revolution zur Geschichte der interaktiven Kunst jusqu’à fin 2005. Le site de l’expo.

Un livre en français à signaler (c’est rare dans ce domaine): Edmond Couchot et Norbert Hillaire, L’art numérique, Comment la technologie vient au monde de l’art, Champs, Flammarion, Paris, 2003.

 


Entretien par courriel avec Laurence Dreyfus, commissaire d’expositions, 2002

Laurence Dreyfus a été l’un des commissaires de la Biennale de Lyon 2001. Elle présente une exposition à Reims et prépare pour le 23 septembre une exposition au Palais de Tokyo à Paris sur l’artiste Tobias Bernstrup « NEKROPOLIS ». Elle a bien voulu répondre à quelques questions à propos de l’exposition au FRAC Champagne-Ardenne.

  1. Vous êtes la commissaire d’une exposition présentée à Reims au FRAC Champagne-Ardenne Game Over City ( La ville en jeux) jusqu’au 28 juillet. Pourriez-vous nous présenter quelques aspects de cette exposition ?

J’ai souhaité réunir 6 artistes Virginie Barré, Tobias Bernstrup, Pierre Giner, Felix Stephan Huber, Stéphane Sautour et Palle Torsson qui questionnent l’univers du jeu video avec pour dénominateur commun l’architecture et la complexité de l’occupation de la place dans les univers virtuels et surtout ces artistes questionnent la vie urbaine et la ville à travers les images mathématiques. Pierre Giner (français, vit à Paris) a travaillé les champs et hors-champs d’une voiture sur un terrain ou une aire de parking un peu comme pour une course de voiture mais avec une route de bosses, le tremplin et des messages issus de faits divers d’accidents de voiture. C’est l’inverse d’une route balisée, c’est l’inverse de la course de performance, c’est l’errance et la liberté d’une balade avec des possibilités de sauts dans le vide.

Tobias Bernstrup a modelisé Potsdamer Platz à Berlin et propose une promenade la nuit. Avec distance et ironie, il porte un regard critique sur cette cité générique comme la décrit Rem Koolhaas aux multiples constructions faites par les architectes internationnaux dont les façades se ressemblent toutes.

Ou Felix Stephan Huber (1957) qui propose avec Reality Check One, un jeu sur Alexander Platz à Berlin. Une des places les plus connues de la ville pour son souterrrain construit après guerre qui symbolise une perte d’humanité des villes. Ici il y a un jeu sur le basement et un jeu souterrain. Plusieurs clones de Tomb Raider ou Spider-Manou de The Hulk nous parlent. L’artiste redonne une parole aux héros. Paroles issues de Ghost in the Shell ou de l’héroine feminine de Matrix. Felix Stephan Huber délimite son architecture aussi par une text box. Dès que l’on s’approche des parois on peut lire un texte qui défile comme un générique de film avec une parole intelligente parfois énigmatique sur la réalité et l’espace virtuel d’un jeu.

Ainsi dans Game Over City je précise la complexité d’envisager aujourd’hui une architecture autre que celle prise du réel. Et tout cela sur le mode ludique du jeu vidéo avec le joy-stick.

  1. Pour vous quel est le rapport de l’artiste au jeu vidéo: va-t-il formuler de nouvelles propositions qui peuvent transformer les jeux électroniques ou s’agit-il d’une intervention qui utilise et détourne des jeux vidéos existants?

Ils utilisent des moteurs graphiques déjà existants comme Half Life, Unreal edit tournement, Quake. Il s’agit de la notion d’open source qui me semble très intéressante comme le jeu de Palle Torsson (1970) Sam présenté aussi dans Game Over City et dans Tokyo Games au Palais de Tokyo actuellement.

Open source : C’est la possiblilité d’ouvrir un programme sur internet à un large public. C’est de cette manière que Palle Torsson a pu collaborer à travers le net avec tous les Hackers qui ont modifié à leur manière la carte graphique de Half Life. Ainsi Palle a récupéré avec leur accord des éléments comme des armes, des papiers peints, des affiches, des voitures, des personnages pour construire le jeu SAM. Cette notion est primordiale pour toute une génération d’artistes qui travaillent en réseau avec des intérêts communs et qui construisent comme au temps des cathédrales à plusieurs, sur plusieurs années des édifices de jeu. D’ailleurs Palle Torsson les remercie longuement dans le générique et les crédits de son jeu.

Il s’agit pour les artistes d’une appropriation des jeux vidéo dans un premier temps, mais au fur et à mesure que l’on joue à ces oeuvres numériques, alors on aperçoit une dimension poétique, critique et pertinente face aux jeux commerciaux. Ils formulent de nouvelles propositions, car ils ne cherchent pas l’effet de la jouabilité, mais au contraire ils révèlent le sens. Par exemple les éditeurs de jeux n’utilisent que 10% du potentiel technique dans les jeux. Certains artistes se contentent d’une technologie pour une camera subjective pour traiter de vitesse, de la notion de l’hypertexte, de la question de l’enfermement et de la violence canalisée. D’autres suggèrent subtilement des avances technologiques possibles comme les lunettes vidéo pour proposer des jeux. Mais vous savez honnêtement seulement les jeux qui sortent sur PC peuvent être appropriés par les artistes. Les autres jeux sont sur les trois consoles Xbox, PS2, Game Cube et bien sûr pour des raisons de profit, ils ne sont pas prêts à ouvrir les clés et les code des jeux.

  1. Comment gérer les problèmes liés à l’exposition de ce genre de démarche, s’agit-il de présenter des écrans avec des jeux créés par de artistes ou s‘agit-il de proposer des installations spécifiques dans l’esprit des installations vidéos?

Il s’agit de proposer des oeuvres du type projections vidéo comme on en voit trop dans les musées avec pour différence le joy-stick et l’image mega grande qui permet une vision immersive et très efficace pour le visiteur/gamer. Il faut préciser que pour beaucoup de visiteurs d’expositions l’utilisation des joy-stick est une première dans leur vie. Dans mes expositions ils ont l’occasion de s’entraîner.

D’autres artistes utilisent l’installation avec photos, video projection, plasma, lap top dissimulés dans des murs ou juste des ordinateurs reliés entre eux avec canapé, fils apparents, simplement comme dans une maison. Mais pour la prochaine exposition je travaille pour mettre au point une nouvelle forme d’appréhension du jeu : plusieurs fauteuils, écran plasma, joy-sticks inventés par des designers….

Au sujet de l’interactivité (est interactive toute phase sur le déroulement de laquelle le visiteur d’une exposition peut influer) : je n’aime pas à priori cette notion dans l’art contemporain car très vite on assiste à des oeuvres où l’effet prédomine sur le sens. Mais après l’esthétique relationnelle très présente dans les expositions en Europe entre 1990 et 1998, je constate une esthétique participative dans certaines expositions comme Au delà du spectacle ou en anglais Let’s Entertain organisé par le Walker Art Center. J’aime les oeuvres participatives ou interactives de Walter Pichler, Mathieu Briand, C. Wodichsko….

Deux pages du Walker Art Center connu pour ses projets en ligne

http://www.thekitchen.org/

Propos recueillis par courriel par Patrick Schaefer

L’art en jeu, 14 juin 2002