Egon Schiele / Jenny Saville, Kunsthaus Zurich jusqu’au 25 janvier 2015
Alors que le Leopold Museum à Vienne célèbre l’œuvre d’Alberto Giacometti, en présentant les collections du Kunsthaus de Zurich. Ce dernier peut consacrer une vaste exposition à Egon Schiele, en s’appuyant sur les collections viennoises, mais aussi sur des prêts d’autres provenances. La documentation présentée en fin d’exposition nous révèle que Schiele avait eu des relations importantes avec cette institution qui n’avaient pas abouti à une exposition personnelle, mais il fut largement représenté dans une exposition collective à Zurich en 1918. La mort précoce de l’artiste et le caractère extraordinairement tourmenté de son dessin, nous font oublier que son talent exceptionnel fut reconnu très rapidement par les galeries et les collectionneurs. En raison de la sélection des œuvres, l’exposition pourrait avoir comme sous-titre la mort dans l’œuvre de Schiele, car celle-ci est omniprésente. Les toiles sont accrochées sur des parois peintes en noires qui soulignent encore ce caractère funèbre et même les paysages qui montrent des arbres dénudés ou des villes mortes sont extraordinairement sombres. Ceci dit, il faut souligner que l’on découvre une magnifique exposition Schiele, qui s’appuie sur des toiles et à la fin sur les dessins qui sont plus connus. La part des dessins érotiques est assez limitée.
Cette exposition n’est pas présentée comme une rétrospective. En effet, on trouve un second nom dans le titre, Continuer la lecture →
Depuis l’ouverture en 2005 du Centre Paul Klee à Berne, l’inauguration du nouveau MEG représente sans doute la principale ouverture de musée en Suisse. (Il y a eu encore celui du musée des cultures du monde à Bâle). Ce nouveau musée frappe par deux aspects: Il fait table rase du passé en plongeant sous la terre, le seul signe architectural extérieur nouveau, mais relativement modeste, est le hall d’entrée, surmonté d’une petite bibliothèque. L’ancien musée est complètement abandonné et abritera l’administration.
Deux exposition à Genève au musée Rath et à Riehen à la Fondation Beyeler nous permettent de revenir sur la carrière du peintre franc-comtois.
Après Paris, New York et Montpellier en 2007- 2008, la Fondation Beyeler et le musée d’art et d’histoire à Genève consacrent une exposition à Gustave Courbet 7 septembre – 18 janvier 2015. En 1998 – 1999, le musée des beaux-arts de Lausanne avait également consacré une expositon au peintre franc-comtois. A Genève, au musée Rath on découvre, Gustave Courbet. Les années suisses jusqu’au 4 janvier 2015.
Une exposition qui documente non seulement les oeuvres produites en Suisse, mais aussi celles que Courbet avaient amenées en Suisse et qu’il exposa à la Tour-de-Peilz. L’exposition s’appuie sur l’inventaire après décès de l’artiste que l’on peut feuilleter sur écran et qui porte notamment la signature du peintre François Bocion.
Ces deux expositions appartiennent à deux approches très différentes: l’une documente les années suisses du peintre et s’appuie sur des recherches débutées il y a une quarantaine d’années; l’autre offre un véritable album d’images d’une soixantaine de belles toiles de Gustave Courbet. Elle montre tous les aspects de son activité, autoportraits, nus et surtout paysages, à l’exception bien sûr des oeuvres monumentales, elle forme aussi un véritable tableau de chasse de la Fondation Beyeler qui a pu obtenir le prêt d’oeuvres représentatives.
Après la visite de trois musées à Gwangju et celle de quatre institutions à Seoul, auxquelles il faut ajouter le ddp, Dogdaemun design Plaza, sans compter les différents palais et le musée d’histoire, j’en viens à quelques réflexions sur l’ampleur de l’espace, du vide dans ces lieux. Assurément il ne correspond pas à notre notion de l’espace muséal. Première remarque, les prémisses, les parvis sont gigantesques, pour ne pas dire stupéfiant dans le cas du musée national qui doit faire plusieurs centaines de mètres. Tous ont des cours intérieures très vastes, des cages d’escaliers et des espaces de circulation presque aussi grands que les salles d’exposition. De plus la logique de l’enchaînement des salles n’est pas toujours linéaire, mais parfois rhizomatique.
Peut-être l’espace des anciens palais nous donne-t-il une clef ? ils sont constitués d’immenses terrains entourés de murailles qui abritent des séries de pavillons relativement modestes aux fonctions spécifiques. Ou bien faut-il relever l’incroyable audace du ddp, inauguré en mars 2014, il remplace tout simplement un ancien stade de football et de baseball dont on a conservé un grand projecteur comme seul souvenir ! le bâtiment se déploie comme une colossale archisculpture d’aluminium et de béton. Continuer la lecture →
Je rassemble sur cette page le compte-rendu de quelques biennales.
Biennale de GwangjuBurning Down the House jusqu’au 9 novembre 2014
Gwangju est une grande agglomération au sud de la Corée à 4-5 heures de Seoul. Avec 1,5 millions d’habitants, elle représente un bassin important pour une exposition biennale. Celle-ci, qui marque sa dixième édition, se veut toutefois internationale et ouverte sur tous les continents. Elle assure aussi, je n’ai pas les moyens de vérifier !, être la plus importante des biennales d’Asie, on sait que celles-ci sont très nombreuses. ( en Corée du Sud, il y a deux autres biennales au même moment à Busan et à Séoul). L’étendue de la ville est considérable, les autorités ont créé une sorte de Museumsinsel, non sur une île, mais sur une excroissance rocheuse. Continuer la lecture →
J’ai passé deux semaines en Corée du Sud. Cette page présente quelques photographies des trois villes visitées. Pour commencer une première remarque: Gwangju et Séoul ont la particularité d’être adossées à des montagnes peu élevées, mais abruptes et rocheuses, couvertes d’une forêt dense. Face au développement urbain intempestif, elles offrent des zones de détente et de balades considérables et rendent ces villes plutôt sympathiques, malgré leur immensité. Séoul même est partagée par l’une de ces montagnes où trône une grande antenne de télévision, un téléphérique et divers parcs d’attraction. A Gawangju, j’ai emprunté un télésiège situé près de mon hôtel et à quelques minutes de voiture du centre ville. Il donne accès à un grand réseau de randonnées balisé en coréen!, par monts et par vaux, parsemé de temples et de musées.
La première ville découverte a été Gwangju qui propose en ce moment la dixième édition de la Biennale d’art contemporain. A l’exception de l’obstacle posé par la langue, tout est simple et fonctionnel. En sortant de l’aéroport je prends un billet de bus pour Gwangju et le bus par 20 minutes plus tard. Malheureusement en ce jour de congé, le voyage prendra six heures au lieu de quatre dans des embouteillages monstrueux. La Corée étant un pays constructeur d’autos tout est fait pour elle. Ici on associe les coréennes à de toutes petites voitures, mais en Corée on ne voit que des limousines.
Les immeubles locatifs caractéristiques de Gwangju et de beaucoup de villes vues depuis le bus ou le train.
Vue de Gwangju
Un télésiège permet d’accéder au sommet d’une petite montagne
Une marchande d’algues
Des douceurs
A l’intérieur de la Biennale, une performance, orchestrée par Allora & Calzadilla.
La deuxième ville est Suwon, proche de Séoul, elle est tournée vers le passé, en raison d’une immense muraille conservée et restaurée qui entoure une partie du centre de la ville où l’on découvre des marchés couverts très animés.
A gauche une étrange cathédrale.
Suwon Paldalmun, la porte sud de la forteresse Hwaseong
Plusieurs marchés couverts flanquent les abords de la forteresse
Dans l’un des marchés couverts
Ouverture du festival culturel de Suwon qui célèbre le passé en costumes
Nam June Paik Art Center
Et enfin je suis resté huit jours à Séoul. Difficile de se repérer dans une telle métropole. Pourtant on s’y fait assez vite. Certaines structures anciennes ont été conservées ou rétablies: les palais, les portes. Le centre est traversé depuis l’hôtel de ville jusqu’à Dongdaemun et plus loin, par une rivière remise à jour et assainie, c’est une jolie promenade qui traverse la ville horizontalement. Partout on trouve le contraste entre les petites maisons anciennes, parfois très bien refaites surtout à Bukchon et les grandes tours. http://www.zaha-hadid.com/
Dans la cour intérieure du temple bouddhiste Jogyesa, décoration de chrysanthèmes.
Dans la cour intérieure du temple bouddhiste Jogyesa, décoration de chrysanthèmes.
Dans la cour intérieure du temple bouddhiste Jogyesa, décoration de chrysanthèmes.
Sanctuaire de Jongmyo, vaste parc et et bâtiments qui conservent les autels habités par l’esprit des anciens rois de Corée. Il est interdit de marcher sur le passage central, réservé aux esprits.
Sanctuaire de Jongmyo, la grande galerie en bois qui abrite les autels.
Seoul, palais de Gyeongbokgung
Seoul, Palais de Gyeongbokgung, dans la partie nord de l’enceinte, l’ensemble abrite une quinzaine de bâtiments
Bukchon
Au nord du musée Leeum un autre édifice de Mario Botta
Leeum, musée réalisé par Mario Botta, Rem Koolhass et Jean Nouvel
Musée national de Corée
Musée national de Corée, vue intérieure
ddp Zaha Hadid. Dongdaemun Design Plaza
ddp Zaha Hadid Architects. Dongdaemun Design Plaza
Dongdaemun Design Plaza
Dongdaemun Design Plaza
Insadong. Quartier de maisons Hanok près d’un grand hôtel ouvert en 2013
Brève visite à Helsinki 30 septembre – 2 octobre 2014. L’étendue de la ville 1900 m’a étonné. Peu de chance du côté des musées. le musée d’art contemporain Kiasma est fermé pour travaux. Le musée du XIXe siècle est partiellement fermé pour travaux et la prochaine exposition était en cours de montage. Il existe un musée d’architecture en montage et le musée du design, tout proche, fermé. j’ai tout de même vu une belle exposition au Sinebrychoff Art Museum. Une demeure privée richement meublée qui abrite une belle collection de peinture ancienne et qui propose une rétrospective du peintre de la cour sédoise. Pehr Hilleström. The 18th Century Observed jusqu’au 11 janvier 2015.
Au cours des années, je retrouve les mêmes cheminements et par conséquent des prises de vues presque identiques. Il y a toujours l’envie de revenir sur ses pas, mais aussi celle de découvrir d’autres lieux.
Le musée des beaux-arts de Berne présente des vidéos de Bill Viola dans la collégiale de Berne et dans les salles du musée du 12 avril au 20 juillet 2014
Galeries nationales du Grand Palais rétrospective Bill Viola 5 mars – 28 juillet 2014.
L’exposition retient 20 créations conçues de 1977 à 2013 projetées sur 50 écrans dans un parti-pris de projection nocturne. L’art vidéo se prête-t-il à une rétrospective? la présentation du Grand Palais répond à la question par une immersion dans les travaux de Bill Viola, avec un parcours à travers ses installations qui permet de saisir la permanence et l’évolution dans ses recherches d’une ampleur étonnante.
L’exposition ouvre sur Reflecting Pool, un bassin dans la verdure et un événement soudain qui rompt l’attente, un procédé que l’on retrouve dans de nombreux travaux.
Ensuite on découvre une pièce de 1992, Heaven & Earth, plaçant deux téléviseurs face contre face avec un bébé sur l’écran.
9 Attempts to Achieve Immortality, 1996, un autoportrait dans lequel l’artiste retient son souffle avant de laisser exploser la reprise d’air. Suit une grande installation de 1995 The Veilling des figures projetées sur 10 toiles disposées dans l’espace.
3 pièces plus petites, Surrender 2001, 4 hands 2001 et Catherine’s room 2001. The Quintett of the astonished à partir de 2000, il devient moins performer engage des acteurs et se situe par rapport à des tableaux de l’histoire de l’art qu’il reconstitue. Cet aspect est assez peu repris dans cette rétrospective. On revient à des pièces plus expérimentales, The Sleep of reason, 1988 avec un petit écran sur un buffet où l’on voit dormir une personne, alors que sur les murs sont projetées des images par saccades courtes. Chott el Djerid, 1979 précède Walking on the edge 2012 et the Encounter, deux films tournés dans le désert. Une grande installation spectaculaire sur 5 écrans Going Forth by Day créée en 2002 pour le Deutsche Guggenheim à Berlin qui évoque simultanément une veillée mortuaire, la marche de personnes dans une forêt, un déménagement, un incendie et les secouristes qui se préparent. La référence explicite de l’installation étant la chapelle des Scrovegni de Giotto à Padoue. Une pièce dont les projections durent 35’ et qui se regarde comme un film avec un récit qui mélange catastrophes et événements surnaturels. Un étrange syncrétisme entre l’art de la première Renaissance et les films catastrophes ou certaines actualités, tsunami, incendies. Une Installation sonore est proposée dans l’escalier qui mène à l’étage inférieur. Avant de passer à la présentation d’un grand écran vertical qui propose alternativement Fire Woman et Tristan’s Ascension, 2005. Un diptyque Man / Woman searching for Eternity, 2013 montre un homme et une femme âgés, explorant leur corps à la lampe de poche. L’exposition s’achève dans une salle présentant The Dreamers, 7 figures appartenant à des sexes et des âges différents filmés sous l’eau qui font écho à la première pièce consacrée à l’eau également. Le parcours est très réussi, il propose une véritable expérience, un cheminement dans l’oeuvre.
Bill Viola apparaît clairement comme un artiste californien. Inspiré par les montagnes, le désert, la chaleur, la recherche de l’eau, les incendies, le sentiment de l’éphémère, différentes quêtes mystiques. La nature d’un côté et la technologie de l’autre, le cinéma, les développements les plus récents sur l’image mouvante, les appareils d’enregistrement, la qualité des images, des couleurs. Le théâtre, le mélodrame, le jeu, la mise en scène, sont rassemblés pour aboutir à une scénographie très spectaculaire qui montre ce que l’on peut faire de l’image mouvante en partant d’un point de vue artistique, mais clairement on est dans l’esprit des studios de Hollywood. On pense d’ailleurs au parcours que les visiteurs peuvent faire dans les studios de cinéma en cheminant dans l’exposition. On prend aussi la mesure de l’ampleur de son travail, puisqu’une pièce très spectaculaire et caractéristique comme The Crossing n’est pas présentée.
Patrick Schaefer l’art en jeu 19 mars 2014
A Tourcoing le centre http://www.lefresnoy.net/présente: Thierry Kuntzel / Bill Viola. Deux éternités proches jusqu’au 25 avril 2010.
Les scènes inspirées à Bill Viola par l’opéra Tristan et Iseult font maintenant l’objet d’une exposition spécifique intitulée: Love/Death: The Tristan Project. Elle est proposée jusqu’au 2 septembre 2006 par la galerie Haunch of Venisson à Londres.
Bill Viola participe avec Peter Sellars à une mise en scène de Tristan et Iseult à Los Angeles en décembre 2004 et à l’opéra de Paris en avril-mai 2005, elle sera reprise à Paris en novembre et décembre 2005, lors de la saison 2005-2006. L’opéra est repris à Paris en novembre – décembre 2008.
Un grand écran ferme la scène de l’opéra Bastille, les chanteurs évoluent toujours à l’avant de l’espace scénique et au cours du premier acte, il y a quelques interventions des choeurs et du roi dans la salle. Ainsi le metteur en scène Peter Sellars renonce presque à une mise en espace de l’opéra. Les chanteurs habillés de noir sont généralement dans la nuit, toute l’attention visuelle est concentrée sur l’écran. Peut-être pourrait-on dire qu’il s’agit d’une version de concert de l’opéra, accompagnée d’images projetées, inspirées à Bill Viola par l’oeuvre de Wagner? Bill Viola a construit un scénario, une suite d’images splendides et mystérieuses qui s’inscrivent tout à fait dans le style de son travail des dernières années.
La première série d’images montre la mer, puis apparaît un diptyque, une fenêtre à deux battants d’où surgissent progressivement un homme et une femme, ils s’approchent de plus en plus, se déshabillent complètement. Chacun dispose d’un aide. Ils trempent la tête dans une vasque d’eau, puis les serviteurs leur versent l’eau d’un cruche sur le corps. A la fin du premier acte les deux corps enlacés se dissolvent dans l’eau. Au deuxième acte c’est le décor de la forêt qui est évoqué. Le feu surgit et l’homme traverse le feu. Une femme allume des cierges. A la fin un couple entre dans la mer. Dans le troisième acte, l’écran est dressé verticalement alors qu’il était horizontal dans les deux premiers. Il n’y a plus de figures. Des images de nature, des arbres, la mer, le ciel, le feu; l’approche est plus abstraite. Seul le navire d’Isolde évoque l’action. On constate que le rapport de Bill Viola à l’opéra est comparable à son rapport à la peinture, tel qu’il apparaissait dans son exposition à la National Gallery de Londres évoquée plus bas dans cette page. Certes les images de ce vidéaste ont une puissance wagnérienne!, elles fonctionnent bien sur l’écran gigantesque affiché sur la scène de l’opéra. Peut-être cette recherche ouvre-t-elle de nouvelles perspectives à l’opéra et vont-ils lui permettre de trouver un public différent, car elles facilitent certainement la réception de la musique pour un public peu habitué à Wagner. L’avantage sur un décor traditionnel étant les changements de situations plus fréquents. Bien que Bill Viola travaille en extrême lenteur, il y a une dizaine de séquences différentes dans le premier acte, ce qui offre une variété beaucoup plus grande qu’un décor traditionnel et les images créées prennent ici toute leur ampleur on peut les apprécier plus sereinement que dans une exposition.
Dans la réalisation proposée ici, il faut pourtant relever qu’on ne comprend pas bien la relation entre la mise en scène et les images projetées, au contraire de la relation entre la musique et les images qui est évidente. Le problème est évidemment crucial, parce que l’on se demande alors si l’on est vraiment à l’opéra ou au cinéma et Wagner n’a pas écrit une musique de film! Ainsi aux moments de paroxysme, l’écran devient noir pour concentrer l’attention sur les chanteurs, mais il ne se passe rien sur la scène. A certains moments les acteurs filmés se substituent aux chanteurs par exemple pour évoquer l’amour qui est traité de façon très pudique par des corps sous l’eau qui sont aspirés dans un tourbillon et se dissolvent, à d’autres moments les acteurs filmés et les chanteurs agissent simultanément dans des actions différentes. L’articulation entre les deux espaces fonctionne difficilement, elle est peu compréhensible. On peut ainsi formuler un certain nombre de critiques, mais l’expérience est vraiment intéressante, elle ouvre certainement des perspectives.
Vers un article sur une mise en scène diamétralement opposée de cet opéra par Olivier Py.
National Gallery, Londres, jusqu’au 4 janvier 2004
L’exposition itinérante Bill Viola, the Passions est présentée à la National Gallery de Londres dans les salles habituellement destinées aux expositions temporaires de cette institution. Il s’agit de 7 espaces bien distincts de dimensions variables avec une salle centrale qui est liée aux autres. Dans la première pièce on découvre des peintures anciennes, définies comme sources d’inspiration et un écran vidéo qui montre un visage en mouvement très lent, intitulée Man of Sorrows, 2001. Dans la vidéo qui accompagne l’exposition et dont on peut découvrir un extrait sur le site de la National Gallery, Bill Viola souligne deux éléments qui me paraissent importants. Premièrement s’il s’inspire de peintures anciennes, ce qui l’intéresse n’est pas de reconstituer exactement la mise en scène du peintre, mais d’explorer les sentiments qui sont à l’origine de l’œuvre et qui sont exprimés dans celle-ci. La deuxième chose est que, selon lui, la tradition chrétienne occidentale n’est pas seule propriétaire de l’expression d’événements dramatiques comme la Crucifixion et la Résurrection. Il y a un fond commun plus large. Et l’on comprend bien que sa propre référence spirituelle est tournée vers le boudhisme plus que vers le christianisme.
Salle 2 Observance, réalisé dans un format vertical, présente un rituel de deuil accompli par une série de figures qui passent de l’arrière-plan au premier plan de l’écran. Viola donne Les Apôtres de Dürer comme source de cette composition. Loin de se limiter au format standard d’un téléviseur, Il a élaboré des écrans aux formats très divers tantôt verticaux comme ici, tantôt horizontaux comme dans The Quintet of the Astonished présenté dans la salle 3. Il propose aussi des diptyques, polyptyques pour mettre en scène les émotions qu’il explore. Dans la salle 4, on s’éloigne des sources directes de la peinture et l’on trouve deux travaux vidéos caractéristiques de l’univers de Viola avec Surrender, qui montre les reflets superposés d’un homme et d’une femme, dont les figures se dissolvent l’une dans l’autre, dans une gamme colorée d’un rouge et d’un bleu intense. Salle 5 The Crossing est une grande installation vidéo qui présente d’un côté l’artiste attaqué par les flammes, alors que de l’autre il est submergé par de l’eau. C’est la seule installation dans cette exposition qui comprend un élément sonore. Cet aspect est beaucoup moins violent que dans d’autres présentations (je l’avais vue dans une salle gigantesque du Palais des Papes à Avignon en 2000 où le bruit de l’eau qui tombe atteignait une force énorme). Il y a une association intéressante avec la salle 6 où l’artiste présente sous le titre Emergence, une figure qui sort d’un sarcophage et qui en fait sort de l’eau. La mise en scène est inspirée par une peinture de Masolino. Dans la dernière salle Bill Viola présente des travaux de petite dimension en particulier le polyptique Catherine’s Room.
La principale caractéristique de cette exposition et du travail qu’elle propose est l’intégration de la vidéo au musée traditionnel. C’est un projet déroutant qui peut susciter le rejet, pourtant en fait il me semble qu’il est très bien maîtrisé et très intéressant, car s’il évite les ruptures choquantes, s’il respecte le lieu, il montre bien la spécificité, l’identité irréductible de chaque mode d’expression. Et c’est certainement une manière de stimuler un nouveau regard sur la peinture ancienne. La relation entre les différentes salles, les points communs l’eau et le feu, en plus de la douleur sont étudiés avec subtilité. Les silhouettes des visiteurs qui se détachent dans la nuit; la tension et l’émotion du public compact dans ces salles assez petites deviennent également des éléments de la manifestation. La différence soulignée est liée au rapport au temps puisque le peintre exprime un seul instant qui est aussi la synthèse de nombreux autres moments, alors que dans les films en jouant avec le travail des acteurs et les possibilités de l’enregistrement filmé, Bill Viola joue sur la décomposition du temps qui est aussi celle des émotions. (Bien sûr même si le reproche de kitsch ne paraît pas pertinent puisqu’il s’agit d’un critère d’évaluation lié au modernisme et que tous les travaux actuels assument une part de narrativité, on sent surtout en décrivant les pièces qu’il y a une gêne, mais elle est moins sensible lorsqu’on les voit).
L’installation présentée dans une galerie privée, Haunch of Venison, et qui apporte un complément important à l’exposition me semble montrer que Bill Viola n’a pas renoncé aux modes d’expression de l’art contemporain. Ici en effet sont exposés des objets et des calligraphies bouddhistes anciens, alors qu’au dernier étage de la galerie, on découvre une installation vidéo en noir et blanc de 1995, Hall of Whispers.
Bill Viola, chez Anthony d’Offay à Londres
Peintures vivantes
Avec Chott el Djerid, (A Portrait in Light and Heat), 1979, qui montre le mouvement fluide de la chaleur et le bruit du vent dans le désert, Bill Viola (1951) affirme une démarche à l’écoute du monde qui exalte la beauté des images et le mystère de leur apparition. Ses vidéos et ses installations lui ont permis de définir quelques préoccupations essentielles, la naissance et la mort, la jeunesse et le grand âge (Nantes Triptych, 1992 par exemple). L’eau, la vapeur, les mirages de chaleur comme site d’apparition et de disparition, comme éléments essentiels dans la perception instable du monde l’ont également frappé. Il les considère comme lieu de formation d’images jamais vues. Viola a d’autre part exploré les possibilités de l’installation avec toutes ses implications dans l’occupation d’un espace. Il l’a montré dans Stations présenté en 1994 à l’American Center de Paris. On a encore pu découvrir un exemple spectaculaire de cette capacité à tenir, à investir par l’image et le son, un espace gigantesque lors de l’exposition La Beauté dans la grande chapelle du Palais des Papes à Avignon en été 2000 avec The Crossing, 1996.
Célébré comme artiste vidéo, Bill Viola n’a jamais caché son intérêt pour la peinture, pour l’histoire de la peinture occidentale en particulier. En 1995 déjà, il a présenté une installation vidéo sur grand écran dans le pavillon américain à Venise, The Greeting, 1995 inspirée par une toile de Pontormo; recréant une peinture vivante. C’est le dernier stade de cette évolution qui est proposé à la galerie Anthony d’Offay jusqu’au 21 juillet 2001. Utilisant les possibilités de l’écran LCD qui se rapproche de plus en plus d’un tableau, Bill Viola réalise des diptyques, des polyptiques évoquant la peinture. Une peinture vivante où évoluent des figures filmées en extrême lenteur. Obsédé par l’accomplissement technique, il réalise des images absolument parfaites qui ont un impact aussi virulent qu’un arrangement d’Ikebana. Ainsi Catherine’s Room, 2001, 5 écrans sur lesquels on découvre une femme dans une pièce avec un bouquet de fleurs. Une organisation très sobre de l’espace, l’accentuation des zones d’ombre et de lumière, exercent une fascination comparable à celle d’un intérieur peint dans une scène de genre hollandaise. Mater, 2001, un diptyque qui oppose les visages de deux femmes d’âge différent étudie les variations d’expression, les mouvements des traits du visage. On peut s’étonner du renoncement apparent à l’installation monumentale. Bien que l’installation se simplifie, ces écrans offrent des images fortes dont l’impact demeure impressionnant.
En fait cette évolution s’inscrit de façon cohérente dans une conception de la vidéo par laquelle il élabore une image manipulée par ordinateur, un peu comme le peintre manipule l’image à travers les possibilités de l’expression picturale. Concevant la vidéo comme une sédimentation, un dépôt de mémoire, Viola propose une réhabilitation de l’image en développant une iconographie personnelle fondée sur la tradition. Le caractère transcendant de sa recherche est rassurant. Il rassemble, construit pour toucher l’oeil, l’oreille, le toucher, la perception de l’espace. Il recherche une catharsis plutôt qu’une critique ou une distanciaion. Tout notre système de captation est en alerte. La vidéo lui permet avant tout de faire entrer le temps et son évolution dans les arts plastiques.
L’art en jeu Patrick Schaefer 5 juillet 2001
Bill Viola participe avec Peter Sellars à une mise en scène de Tristan et Iseult à Los Angeles en décembre 2004 et à l’opéra de Paris en avril 2005.
Le site de Bill Viola informe sur toutes les expositions dans lesquelles ses oeuvres apparaissent.
Une exposition Bill Viola est annoncée au J. Paul Getty Museum du 24 janvier au 27 avril 2003: Bill Viola The Passions. Elle ira ensuite à la National Gallery à Londres et à Munich.
L’exposition Bill Viola The Passionsa ouvert ses portes à la National Gallery de Londres. Le site de cette institution propose une excellente vidéo de 5 minutes, qui se charge rapidement, dans laquelle l’artiste présente son travail.
Fondation Beyeler, Riehen, Gerhard Richter, tableaux / séries jusqu’au 7 septembre 2014.
Gerhard Richter (1932) est salué comme le plus important peintre vivant, il est aussi l’un des plus cotés et lors de la conférence de presse de la Fondation Beyeler, une douzaine de caméras de télévision, plus de très nombreux téléobjectifs de photographes donnaient un caractère très « people » à l’événement. Il y avait tout de même une certaine ironie perceptible dans la salle et nombreux sont ceux qui ont tourné leur objectif vers les caméras, en attendant l’arrivée de l’artiste. Après l’introduction des organisateurs, il a répondu près d’une demi-heure aux questions des journalistes, en gardant toujours une certaine distance.
Dix salles dont l’accrochage, comme le catalogue qui accompagne l’exposition, ont été en grande partie conçus par l’artiste avec le commissaire Hans Ulrich Orbrist. Un accrochage ample, dense et subtil qui présente des séries de peintures, le plus souvent abstraites et comme en contrepoint une ou deux peintures figuratives très photographiques. Les périodes sont confrontées les une aux autres. Y compris des oeuvres récentes réalisées à partir de photographies digitales ou des parois de verre qui contribuent à l’exaltation de l’architecture de Renzo Piano qui est au centre de cette exposition.
L’exposition débute avec une série de huit Maternités de 1995, on est dans la figuration et l’évocation de l’histoire de la peinture avec en plus le symbole de la naissance. C’est ici aussi que l’on découvre un petit paysage de Davos de 1981. Paysages, portraits, natures mortes vont surgir ainsi au fil des salles, généralement de petits formats et isolés, contrastant avec les grandes compositions abstraites. Puis l’on découvre deux oeuvres monumentales récentes Strip, 2013. Elles soulignent l’horizontalité de l’espace. Dans le grand volume qui donne sur le jardin, sont accrochées les six peintures carrées de la série Cage, 2006 et en face les six losanges rouges de Rhombus. Le centre de la salle est occupé par de grands panneaux de verre. Plus loin une salle fermée présente une série de toiles grises. Chaque pièce propose une ou plusieurs petites toiles figuratives. La série des Annonciations d’après Titien, précède une salle où l’on retrouve quatre carrés en hommage à Bach. Puis ce sont les 16 toiles verticales intitulées Forêts, 2005. Alors qu’une autre salle propose les toiles 4900 couleurs. Les quinze oeuvres qui évoquent la situation politique en Allemagne dans les années 1970, 18 octobre 1977, 1988 précèdent une dernière salle qui propose des panneaux en verre Château de carte, 2013 et Doppelgrau, 2014. L’ensemble de l’exposition apparaît comme une composition musicale qui fait se rencontrer couleur et gris, figuration et abstraction, transparence et miroir dans un ensemble étonnant.