Archives de catégorie : photographie

Gerhard Richter

Fondation Beyeler, Riehen, Gerhard Richter, tableaux / séries jusqu’au 7 septembre 2014.

Gerhard Richter (1932) est salué comme le plus important peintre vivant, il est aussi l’un des plus cotés et lors de la conférence de presse de la Fondation Beyeler, une douzaine de caméras de télévision, plus de très nombreux téléobjectifs de photographes donnaient un caractère très « people » à l’événement. Il y avait tout de même une certaine ironie perceptible dans la salle et nombreux sont ceux qui ont tourné leur objectif vers les caméras, en attendant l’arrivée de l’artiste. Après l’introduction des organisateurs, il a répondu près d’une demi-heure aux questions des journalistes, en gardant toujours une certaine distance.

Dix salles dont l’accrochage, comme le catalogue qui accompagne l’exposition, ont été en grande partie conçus par l’artiste avec le commissaire Hans Ulrich Orbrist. Un accrochage ample, dense et subtil qui présente des séries de peintures, le plus souvent abstraites et comme en contrepoint une ou deux peintures figuratives très photographiques. Les périodes sont confrontées les une aux autres. Y compris des oeuvres récentes réalisées à partir de photographies digitales ou des parois de verre qui contribuent à l’exaltation de l’architecture de Renzo Piano qui est au centre de cette exposition.

L’exposition débute avec une série de huit Maternités de 1995, on est dans la figuration et l’évocation de l’histoire de la peinture avec en plus le symbole de la naissance. C’est ici aussi que l’on découvre un petit paysage de Davos de 1981. Paysages, portraits, natures mortes vont surgir ainsi au fil des salles, généralement de petits formats et isolés, contrastant avec les grandes compositions abstraites. Puis l’on découvre deux oeuvres monumentales récentes Strip, 2013. Elles soulignent l’horizontalité de l’espace. Dans le grand volume qui donne sur le jardin, sont accrochées les six peintures carrées de la série Cage, 2006 et en face les six losanges rouges de Rhombus. Le centre de la salle est occupé par de grands panneaux de verre. Plus loin une salle fermée présente une série de toiles grises. Chaque pièce propose une ou plusieurs petites toiles figuratives. La série des Annonciations d’après Titien, précède une salle où l’on retrouve quatre carrés en hommage à Bach. Puis ce sont les 16 toiles verticales intitulées Forêts, 2005. Alors qu’une autre salle propose les toiles 4900 couleurs. Les quinze oeuvres qui évoquent la situation politique en Allemagne dans les années 1970, 18 octobre 1977, 1988 précèdent une dernière salle qui propose des panneaux en verre Château de carte, 2013 et Doppelgrau, 2014. L’ensemble de l’exposition apparaît comme une composition musicale qui fait se rencontrer couleur et gris, figuration et abstraction, transparence et miroir dans un ensemble étonnant.

Patrick Schaefer, l’art en jeu 19 mai 2014

 

Félix Vallotton

Paris, Grand Palais

Félix Vallotton. Le feu sous la glace 2 octobre – 20 janvier 2014. 

A l’opposé du parti retenu pour Georges Braque, dont une grande rétrospective est présentée au même moment au Grand Palais, les responsables de l’exposition  Félix Vallotton ont choisi une approche entièrement thématique et non chronologique. Un choix audacieux, mais très bienvenu, qui évite de ressasser toujours la même histoire et qui permet de prendre en compte l’ensemble de la production du peintre.

Félix Vallotton a réalisé 1’700 peintures et 200 gravures. En suivant des fils conducteurs à la fois formels et iconographiques, on saisit la permanence des préoccupations de l’artiste, mais aussi leur évolution. Voici les principaux thèmes retenus : Idéalisme et pureté de la ligne. Perspectives aplaties. Refoulement et mensonges ( critique de la vie bourgeoise). Un regard photographique (il dispose d’un appareil Kodak dès 1899). La violence tragique d’une tache noire (gravures sur bois). Le double féminin. Erotisme glacé et opulence de la matière. Mythologies modernes. C’est la guerre ( la guerre de 1914 – 1918, mais aussi la guerre des sexes).

En visitant successivement les expositions Vallotton et Braque, on constate qu’ils sont deux théoriciens de la représentation et de la peinture. Ils rejettent un certain usage de la couleur et privilégient la construction du tableau. Lorsqu’on regarde un paysage de Vallotton comme Souvenir des Andelys, 1916, on constate que l’on n’est finalement pas très loin des paysages cubistes de Braque.

Patrick Schaefer, l’art en jeu 18 décembre 2013

Alex Katz et Félix Vallotton, Lausanne 23 mars 2013

Fondation de l’Hermitage Lausanne: Van Gogh, BonnardVallotton… La collection Arthur et Hedy Hahnloser jusqu’au 23 octobre 2011. A signaler que les Hahnloser furent parmi les principaux amateurs et amis de Félix Vallotton, la collection présentée en ce moment à la Fondation de l’Hermitage offre un ensemble exceptionnel d’oeuvres de cet artiste.

Le Cabinet d’art graphique du musée d’art et d’histoire de Genève présente

Félix Vallotton de la gravure à la peinture jusqu’au 9 janvier 2011.

L’exposition réunit des estampes réalisées dans diverses techniques: eau-forte, bois zincographie, des dessins préparatoires et quelques peintures. On découvre une suite de vues parisiennes, 1893, les Intérieurs, les instruments de musique, les pages d’un numéro de l’Assiette au beurre, Crimes et Châtiments, 1902, pour citer quelques exemples ou encore celles de l’album C’est la guerre. Elle couvre toutes les périodes d’activité de l’artiste en approfondissant le regard sur quelques productions.

Patrick Schaefer, 28 octobre 2010

Félix Vallotton idylle au bord du gouffre

Le Kunsthaus de Zurich présente 91 toiles de Félix Vallotton (1865 – 1925) sous le titre Félix Vallotton idylle au bord du gouffre jusqu’au 13 janvier 2008. Au cours des 15 dernières années Félix Vallotton a fait l’objet de nombreuses expositions ponctuelles ou rétrospectives ( Yale, Amsterdam et Lausanne en 1992, puis Lyon et Marseille en 2001) qui ont mis en évidence la richesse de sa production et qui ont fait largement progresser les connaissances sur cet artiste. Ces présentations ont été couronnées par la publication du catalogue raisonné mentionné ci-dessous. Idylle au bord du gouffre vient après tous ces travaux et ne cherche visiblement pas à apporter de nouvelles contributions rédactionnelles sur l’artiste. Le catalogue contient une brève introduction et des commentaires en regard de la reproduction des oeuvres accrochées.

L’exposition par contre, dégagée de tout souci historique ou didactique propose une découverte érudite certes, mais libre, aérée et très convaincante du peintre Vallotton (aucune gravures ou dessins dans l’exposition, deux salles de la collection permanente présentent toutefois quelques travaux sur papier). Le peintre devient intemporel entre Courbet et Lucian Freud, il est d’une singulière actualité. Par ailleurs le moteur principal de son inspiration artistique, une réflexion amère sur le conflit entre les sexes est mis en évidence avec force. Une organisation thématique a été privilégiée. Le premier espace commence très fort en confrontant les portraits réalistes de Vallotton à une série de portraits décoratifs, hommage à des écrivains et à Berlioz. La salle suivante est consacrée aux scènes intimes et aux visions d’intérieurs, puis viennent des natures mortes, avant la présentation de la vision du nu féminin chez l’artiste à laquelle une large place est faite. Elle est complétée par l’évocation de scènes mythologiques. L’exposition s’achève sur des paysages avec un espace particulier consacré à l’un des chefs-d’oeuvre de Vallotton, Le Bain un soir d’été, 1892 qui fait partie de la collection du Kunsthaus et qui est placé vers la fin du parcours, hors d’une évolution chronologique. De manière générale l’exposition met l’accent sur le fond du musée puisque une quinzaine d’oeuvres exposées appartiennent à cette institution. Les autres musées suisses ont également des fonds importants qui sont mis à contribution. Plus étonnant deux toile peu connues et très belles proviennent l’une du musée de Bordeaux et l’autre de Strasbourg. Des collections américaines apportent également une contribution importante à l’exposition.

Cette dernière sera visible à la Kunsthalle de Hambourg sous une forme différente du 15 février au 18 mai 2008.

Kunsthaus Zurich jusqu’au 13 janvier 2008.

A signaler que la villa Flora à Winterthour met aussi le maître lausannois à l’honneur en présentant sa propre collection de Vallotton complétée par des prêts jusqu’au 28 septembre 2008.

Patrick Schaefer 6 octobre 2007

Lausanne Musée cantonal des beaux-arts Vallotton à livre ouvert. Le catalogue raisonné de l’oeuvre peint jusqu’au 27 mars 2005.

La publication du catalogue raisonné de Félix Vallotton couronne plus de 20 ans de travail mené par Marina Ducrey. 1704 peintures sont répertoriées. Le catalogue comprend trois volumes, le premier est une monographie et les deux autres inventorient l’activité de l’artiste. Une sélection, des toiles, dessins et gravures de la collection du musée sont accrochées en parallèle à la présentation des pages du catalogue qui les concerne.

Berne Musée des Beaux-Arts; Fondation Gianadda 18 mars – 12 juin 2005

Félix Vallotton: les couchers de soleil jusqu’au 20 février 2005

L’exposition du musée des beaux-arts de Berne réunit 90 œuvres de Félix Vallotton (1865 -1925), 20 gravures sur bois et 70 peintures, qui illustrent le développement du thème de la fin du jour dans l’œuvre de l’artiste. Il s’agit de paysages décoratifs ou composés et de nus ou encore de paysages de guerre. Le parcours qui est réparti dans six salles propose une approche thématique et chronologique de ce thème chez Vallotton. Les toiles d’un singulier éclat sont parfois de véritables feux d’artifice. Evidemment chez ce caricaturiste impitoyable un thème aussi romantique peut paraître étonnant, mais le propos de l’exposition et du catalogue est d’éviter toute fausse interprétation en montrant que chez Vallotton le paysage est une composition qui vise à obtenir un effet maximal sans tomber dans le sentimentalisme. Les essais du catalogue s’emploient à éclairer objectivement ce thème et ne cherchent pas à lui donner une interprétation trop large, métaphorique. Comme pour d’autres motifs on constate que Vallotton a commencé par aborder le sujet en gravure sur bois avant de le reprendre parfois beaucoup plus tard en peinture. Il existe une proximité troublante avec des artistes contemporains Ferdinand Hodler et Edouard Munch notamment, mais Rudolf Koella, commissaire de l’exposition et auteur de l’essai principal du catalogue, s’efforce de montrer la différence, la spécificité de la démarche de Vallotton dans ses paysages appelés décoratifs vers 1900-1901, puis composés dès 1909. Ce peintre ne se laisse pas envahir par le côté sentimental du sujet et ne s’inscrit pas dans un symbolisme direct. Il conserve une distance, une ironie tout en exaltant la beauté de la réalité par la mémoire et l’assemblage décoratif des formes et des couleurs. Avec ses constructions ses compositions se réfèrant à Poussin, il atteint une intensité incomparable. Depuis 1910 date à laquelle le thème prend son véritable essor 40 paysages avec couchers de soleil sont recensés, ils évoquent souvent la région de Honfleur. La mise en évidence de la distance entre Vallotton et le symbolisme prise en compte, il n’empêche que l’on peut constater que l’obsession de la mort, de la destruction des êtres est l’un des principaux fils conducteurs de l’œuvre de Félix Vallotton. On connaît ses gravures sur bois, théâtre d’ombre qui exalte les êtres comme trace dans lesquelles on trouve la mort dans l’observation des manifestations de rue, dans l’évocation des rites, l’absoute ou encore dans les Intimités qui retracent avant tout l’impossibilité des relations, leur mort annoncée en somme. La Première guerre mondiale lui a inspiré des scènes allégoriques mais aussi des paysages qui évoquent les champs de bataille (Verdun, 1917). C’est une bonne idée de montrer cet aspect de l’œuvre. On peut la mettre en parallèle avec la décision de ne montrer que des paysages de Hodler lors d’une exposition récente à Genève et à Zurich. Est-ce le souci de toucher un public de plus en plus large ou une véritable évolution dans l’appréciation de ces artistes ?

Patrick Schaefer, L’art en jeu, 2 décembre 2004

Révolution surréaliste

Philippe Halsman. Etonnez-moi mai 2014

Le musée de l’Elysée à Lausanne nous emmène dans une exposition pétulante et bondissante avec Philippe Halsman. Etonnez-moi jusqu’au 11 mai 2014. Le photographe favori de Dali, en fait un véritable complice, le portraitiste de Marylin Monroe et d’une quantité de personnalités. Enfin l’auteur d’une centaine de couvertures du magazine Life. C’est une exposition joyeuse et qui s’achève en invitant les visiteurs à faire un grand saut!


Musée national d’art moderne, Centre Pompidou

Le surréalisme et l’objet jusqu’au 3 mars 2014

L’exposition objets surréalistes est structurée autour des expositions surréalistes. Des diaporamas évoquant ces expositions sont projetés sur des écrans qui séparent les différents espaces. Une place particulière est accordée aux sculptures surréalistes de Giacometti, aux oeuvres plastiques de Calder et de Max Ernst, alors que la dernière salle est entièrement consacrée aux sculptures colorées de Miro, inspirées de divers objets quotidiens. Continuer la lecture

réflexion sur la reconstitution d’expositions.

Décembre 2013, réflexion sur la reconstitution d’expositions.

La reconstitution des expositions devient une véritable tendance ou un courant. Sans aller jusqu’au travail 1 :1 réalisé à Venise pour When Attitudes Becomes Form Bern 1969/ Venice 2013, la présentation de Beaubourg consacrée à l’objet surréaliste évoque 5 des 8 expositions surréalistes par des projections de diapositives et par la reconstitution partielle de certaines salles ou vitrines. 

C’est encore à une réflexion sur les grandes expositions et leur impact que nous invite la cité de l’architecture et du patrimoine avec 1925 quand l’art déco séduit le monde jusqu’au 17 février 2014. Centrée sur l’exposition de 1925 à Paris, elle montre des plans et des photographies des divers pavillons. Elle insiste sur le rôle des grands magasins dans la création d’une production spécifique, plus industrielle qu’artisanale comme c’était le cas avec l’art nouveau. Ce n’est pas le mouvement, le style qui sont montrés, mais vraiment l’exposition de 1925 dans un premier espace. Dans un second espace, on évoque l’impact de l’exposition de 1925 et la diffusion d’un style à travers le monde de Tokyo au Vietnam, à l’Afrique du Nord. On souligne aussi le rôle du paquebot Normandie comme promoteur de ce style.

Au Musée Guimet, l’exposition Angkor est aussi avant tout une histoire de la découverte du site et de sa mise en valeur muséographique à Paris. Angkor : Naissance d’un mythe Louis Delaporte et le Cambodge jusqu’au 27 janvier 2014. En effet, elle raconte comment Louis Delaporte fit des relevés, montre ses splendides aquarelles, et des moulages de certaines parties de sites. Il obtint peu à peu des lieux d’expositions d’abord dans l’indifférence, avant que l’on ne s’intéresse vraiment au site. Ces moulages qui avaient été entreposés dans des caisses commencent à faire l’objet de restaurations et certains sont présentés ici.

On peut encore mentionner Matisse et les Fauvesà l’Albertina à Vienne jusqu’au 12 janvier 2014. Sans être une reconstituton du salon d’automne de 1905, l’exposition s’efforce de réunir avant tout des oeuvres produites entre 1905 et 1908. Elle évoque la plupart des créateurs réunis en 1905.

 Patrick Schaefer L’art en jeu 18 décembre 2013

Interactivité, vidéo, jeux

Lausanne 16 novembre 2013: Musée cantonal des beaux-arts, Lausanne

Making Space. 40 ans d’art vidéo 18 octobre – 5 janvier 2014

Le musée des beaux-arts de Lausanne se lance dans une tentative difficile : jeter un regard rétrospectif sur l’art vidéo des 40 dernières années. A travers un thème, l’ouverture vers de nouveaux espaces intérieurs, extérieurs, simultanés. C’est une expérience intéressante pour le spectateur et une réflexion sur notre mémoire visuelle, l’évolution de nos sensations. 23 artistes ont été retenus. D’un côté l’exposition donne l’occasion au public local de découvrir des installations présentées au cours des 15 dernières années dans de grandes expositions internationales, de l’autre elle tente de proposer quelques travaux historiques internationaux ou suisses.

L’expérience sur soi et la perception du monde rendue possible par l’emploi d’une caméra souple ont ouvert de nouveaux champs à l’expression artistique. Continuer la lecture

Kai Althoff

A la Kunsthalle de Zurich Kai Althoff (né en 1966) propose Ich meine es auf jeden Fall schlecht mit Ihnen jusqu’au 13 janvier 2008.

Les expositions personnelles de Kai Althoff sont assez rares; en général il invite d’autres artistes. Ici on découvre une gigantesque installation-exposition qui se déroule sur six salles totalement transformées et parfumées. Moquettes colorées, murs tapissés, panneaux paravents sur lesquels sont accrochés des dessins ou des peintures, un refus militant des surfaces blanches et neutres des espaces d’art contemporain. Trois installations particulières dans l’installation d’ensemble: deux fois des objets multiples, collections de souvenirs d’éléments destinés à orner le corps, les habits et une grande machine mystérieuse qui joue avec des surfaces rouges et jaunes. Dans les salles sont diffusés trois parfums différents fabriqués par l’artiste. Les dessins et les peintures d’Althoff révèlent un talent polyvalent qui absorbe des sources multiples, Klimt, Schiele, Feininger, l’Allemagne des années 1920, la peinture ancienne ou contemporaine, je pense surtout à Kitaj en voyant ses toiles. Il place des personnages e relation les uns avec les autres dans des compositions intenses. L’ensemble de l’exposition est une réflexion sur les critères de la beauté, les passage entre les pratiques privées et publiques, l’accumulation également.

Kai Althoff est aussi un musicien.

Documenta 13, 2012: Dans la grande salle du Fridericianum laissée vide, on trouve juste une lettre de Kai Althoff annonçant son désistement.

Patrick Schaefer, L’art en jeu 2007

Anselm Reyle

Anselm Reyle est exposé au Magasin à Grenoble du 17 février au 5 mai 2013

Zurich Kunsthalle

Anselm Reyle « Ars Nova ». jusqu’au 26 mars 2006

La Kunsthalle de Zurich consacre l’essentiel de ses salles aux peintures et aux sculptures de l’artiste allemand Anselm Reyle (né en 1970)

Reyle a participé à l’exposition au Carré d’art à Nîmes qui présentait une quinzaine de peintres allemands contemporains en été 2005 et l’on découvrait l’une de ses sculptures au Migrosmuseum dans l’exposition de sculptures proposée à l’été 2004: It’s All an Illusion, a Sculpture Project. Dans la présentation monographique actuelle, l’artiste propose une déclinaison virtuose de références dans une sorte de quintessence du postmodernisme. Il explique qu’il est motivé par la fascination éprouvée pour une peinture, une sculpture, une forme ou une couleur. Il travaille alors à grande échelle poursuivant le thème et l’objectif choisis, sans prétendre que sa démarche ait un sens. Le parcours proposé ici permet de suivre les diverses facettes de ses attirances. La première pièce est un hommage à Fernand Léger dont il a fait reproduire un tableau en grande dimension en recourant aux conseils d’un peintre d’enseignes. On pénètre ensuite dans une salle entièrement peinte en jaune éclairée de néons blancs au plafond. Il concrétise le désir de certains peintres qui voulaient faire entrer le spectateur dans leur peinture, en particulier Barnet Newman ou Mark Rothko. L’hommage suivant est adressé à Hodler, une immense toile horizontale aux larges bandes colorées évoque en effet les visions du Léman peintes par ce dernier à la fin de sa vie. Dans la même salle, une sculpture aux vides et aux pleins élégants en laque rouge est en fait la reproduction agrandie d’une sculpture africaine ramenée d’un voyage par la mère de l’artiste!

Plus loin trois toiles verticales évoquent des vitraux ou des mosaïques, elles sont inspirées par l’artiste Otto Freundlich. L’exposition s’achève sur une cascade de néons colorés. En parcourant cette présentation on perçoit bien le mot clef prononcé par l’artiste de fascination, on le sent fasciné par la peinture, ses spécificités, les effets qu’elle peut induire et qu’il tente de retrouver. On pense aussi au travail de Tobias Rehberger, mais Reyle est davantage tourné vers la peinture en tant que telle et moins vers l’industrie ou le design.

Patrick Schaefer, L’art en jeu, 22 janvier 2006

Jasper Johns, Alex Katz, Mark Rothko, Andy Warhol

Jasper Johns an Allegory of Painting 1955 – 1965 jusqu’au 23 septembre 2007

Musée des beaux-art Bâle

L’exposition Jasper Johns (né en 1930) proposée par le musée de Bâle n’est pas une rétrospective, il s’agit d’un regard sur quelques aspects du travail de l’artiste au cours de la première décennie de sa fructueuse carrière. Quatre éléments sont mis en évidence. Les cibles dont on découvre de très nombreux aspects. Par contre le travail sur les chiffres et sur le drapeau américain n’est pas présent (on voit des exemples dans l’accrochage de la collection du musée qui en possède). Par ailleurs c’est la mise en évidence du processus de travail qui est soulignée: d’une part le travail sur la couleur, en particulier le rappel des trois couleurs fondamentales, inlassablement répété et sur les moyens d’appliquer la couleur avec une planche en bois qui permet de tracer les cercles notamment. On trouve aussi la règle, le fil, d’autres objets sont intégrés à la peinture comme un balais pour évoquer un pinceau géant.

Enfin le dernier aspect du travail de l’artiste qui est mis en évidence est celui des empreintes du corps, main, pied, visage. Cette approche très concentrée sur quelques aspects met bien évidence le caractère expérimental des recherches de l’artiste et mélange heureusement les techniques: peintures, dessins, lithographies, collages sont présentés sur le même plan. Cette approche paraît excellente, car elle permet de renouveler nos connaissances sur un artiste dont a une vision trop icônique qui nuit sans doute à la compréhension de son travail.

Patrick Schaefer, L’art en jeu 18 juin 2007


Musée cantonal des beaux-arts: Alex Katz et Félix Vallotton jusqu’au 9 juin 2013.

En 1995, le musée des beaux-arts de Lausanne achetait une toile de Félix Vallotton intitulée Quatre Torses, 1916. Cette oeuvre stupéfiante présente quatre corps de femmes en gros plan dans des tons roses, elle parait d’une incroyable actualité. Elle aurait pu être peinte dans les années 1960 ou même plus récemment. L’exposition Alex Katz (1927) et Félix Vallotton (1865 – 1925), loin de toute suggestion d’éventuelles influences ou filiation, s’emploie à montrer la singulière actualité de la peinture de Vallotton, en la confrontant à un artiste américain dont la carrière et le style se sont affirmés à l’époque du Pop Art.

Un peu moins de 40 toiles de Vallotton dont une quinzaine appartiennent à la collection du musée, un peu moins de 50 Alex Katz, de très grands et de petits formats invitent à une belle balade qui met en résonance deux artistes séparés par presque un siècle. Ils ont pour point commun la construction du sujet qu’il s’agisse de portraits, de nus, de figures en groupes ou de paysages diurnes et nocturnes. On ne peut que constater qu’ils arrivent parfois à des résultats relativement proches. Un véritable hommage à la Peinture et à ceux pour qui elle représente un engagement complet et la véritable création d’un « langage ». L’exposition et le catalogue pourraient de façon un peu plus élaborée et approfondie, au-delà du simple constat, apporter une contribution à la réflexion sur la notion de style et d’époque (on retrouve un peu la démarche de Bice Curiger au Kunsthaus de Zurich avec l’exposition Deftig Barock en 2012 qui s’intéressait à la permanence d’un intérêt pour l’étrange, la véhémence du 16e au 21e siècle).

A signaler qu’Alex Katz fait l’objet de deux autres exposition au Haus konstruktiv à Zurich jusqu’au 12 mai et au Museum der Moderne à Salzburg qui présente une rétrospective en collaboration avec le Colby College Museum of Art de Watteville qui possède 700 oeuvres de Katz jusqu’au 7 juillet.

Patrick Schaefer, L’art en jeu 23 mars 2013


Londres Tate Modern: Rothko les dernières séries jusqu’au 1er février 2009

Depuis la rétrospective du musée d’art moderne de la ville de Paris en 1999, puis celle de la Fondation Beyeler en 2001, l’oeuvre de Mark Rothko (1903 – 1970) jouit d’une visibilité toujours plus importante. La Tate Modern a choisi de lui rendre hommage en partant d’une série de huit toiles offertes par l’artiste en 1969. Pour respecter la volonté de Rothko ces toiles sont exposées en permanence. Elles faisaient partie d’un ensemble de 30 peintures que Rothko avait conçues en 1958 – 59 après avoir reçu une commande pour décorer une salle à manger dans le restaurant Four Seasons du Seagram building à New York. Il abandonna ce mandat réalisant que sa peinture ne correspondait pas à ce genre de site. Ici 14 pièces sont réunies et forment le point de départ d’une réflexion sur le développement des séries au cours de la dernière décennie de l’existence de Rothko. Pourtant Rothko restait habité par le désir d’offrir une immersion dans la peinture au spectateur d’où le développement d’autres séries. On voit ainsi les esquisses pour la chapelle de Houston. L’exposition se poursuit avec la série des peintures noires dans lesquelles il abandonne les bordures flottantes pour des limites bien marquées. L’exposition s’achève avec la série des peintures noires sur gris. On perçoit ien la dimension spirituelle de la recherche de Rothko. Les toiles paraissent très proches du spectateur et l’on sent la présence des pigments, d’une matière picturale sans reflet, on pense aux développements d’un Anish Kapoor.

Il est intéressant de visiter les expositions Bacon et Rothko à la suite l’une de l’autre. Ils appartiennent à la même génération, mais incarnent une approche de la peinture radicalement différente. Bacon crée la distance, joue le caractère imposant de l’art, alors que Rothko cherche la proximité dans une approche idéaliste tout en invoquant une transcendance. Une petite observation qui n’est rien de plus qu’une remarque: j’ai visité l’exposition Bacon vendredi matin à la Tate Britain, il y avait beaucoup de monde, mais les gens étaient silencieux ou parlaient à voix très basse. Ce qui m’a frappé dans l’exposition Rothko, c’est qu’au contraire les gens parlaient beaucoup. Dans une famille ou un petit groupe, il y avait toujours quelqu’un qui se lançait dans des explications pour ses proches, ses amis en parlant très fort!

Patrick Schaefer, L’art en jeu 22 octobre 2008


Bâle Öffentliche Kunstsammlung: Andy Warhol the Early Sixties Paintings and Drawings 1961 – 1964 5 septembre 2010 – 23 janvier 2011

L’exposition du musée de Bâle présente Andy Warhol dans ses meilleures années de recherche et d’expérimentation entre 1960 et 1964 avec des pièces très connues: les soupes Campbell, Elvis, Liz Taylor, les accidents de voiture, les fleurs. Une documentation permet de voir les sources imprimées dans la presse quotidienne qui sont au départ de ses travaux. Le côté sérielle, systématique des recherches de l’artiste ressort fortement et souligne la rupture avec la peinture expressionniste ou abstraite. On est aussi frappé par la simplicité ou l’évidence des solutions trouvées, une fois qu’il a choisi une approche. Les trois expositions collectives évoquées sur cette page tournent autour des mêmes problématiques, il est intéressant de constater ces rapprochements.

Patrick Schaefer, L’art en jeu 25 septembre 2010

Cécile Reims; Hans Bellmer

Vevey 18 novembre 2012

Musée Jenisch Vevey jusqu’au 13 janvier 2013

En publiant le catalogue raisonné de l’oeuvre gravé de Cécile Reims (née en 1927) et en présentant une partie des 1’435 travaux recensés, le cabinet cantonal des estampes lève le voile sur l’un des aspects les plus secrets de l’activité artistique du XXe siècle: la gravure d’interprétation. Secret, et même clandestin jusqu’en 2004, pour ce qui concerne les 240 estampes de Hans Bellmer gravées par Cécile Reims. Cécile Reims rencontra le surréaliste Fred Deux en 1951, il devint son époux et ce fut le début d’une étonnante complicité artistique. Entre 1970 et 2007, ils ont réalisé une quinzaine de livres d’artistes, lui écrivant et dessinant, elle gravant les dessins et s’occupant de l’édition. L’univers de Fred Deux est onirique, les corps, les visages se multiplient, ils traversent les murs et ressemblent à d’étranges insectes ou martiens. (Fred Deux a fait l’objet d’une rétrospective au musée des beaux-arts de Lyon en 2017) Continuer la lecture